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26/11/2018 | FRANCE | N°18LY01879

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 26 novembre 2018, 18LY01879


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 mars 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1802049 du 25 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 mai 2018, M. A..., représenté par Me Blanc, avocate, demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 avril 2018 ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 mars 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1802049 du 25 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 mai 2018, M. A..., représenté par Me Blanc, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 avril 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de prise en charge a été transmise aux autorités italiennes après l'expiration du délai visé à l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- la France est responsable de sa demande d'asile en application de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- l'Italie est sujette à des défaillances systémiques qui font obstacle à son transfert dans ce pays et la décision de transfert méconnaît les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le préfet aurait dû faire usage de la clause dérogatoire prévue par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2018.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

M. A... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Dèche, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant soudanais né le 4 mars 1979, est entré en France une première fois, le 1er juillet 2016, selon ses déclarations. Le 25 octobre 2016, il a demandé son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile auprès des services de la préfecture de la Marne. Le 26 octobre 2016, le préfet de la Marne a saisi les autorités italiennes d'une demande de prise en charge qui a été implicitement acceptée le 15 décembre 2016. Le 2 février 2017, le préfet de la Marne a prononcé le transfert de l'intéressé aux autorités italiennes, considérées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le 12 juin 2017 l'intéressé a été transféré en Italie, mais a regagné la France peu de temps après. Le 5 octobre 2017, il a demandé son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile auprès des services de la préfecture de l'Isère. Le 14 novembre 2017, le préfet de l'Isère a saisi les autorités italiennes d'une demande de prise en charge qui a été implicitement acceptée le 14 janvier 2018. Par arrêté du 20 mars 2018, le préfet de la Haute-Savoie a décidé de le transférer vers l'Italie. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 20 mars 2018.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 : " (...) 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 2 février 2017 par lequel le préfet de la Marne a prononcé le transfert de M. A... aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile a été exécuté le 12 juin 2017. Ainsi, l'Italie ne pouvait être regardée comme libérée de son obligation de prise en charge de l'intéressé qui, comme il a été dit, est revenu en France et a fait l'objet d'une nouvelle décision de transfert, le 20 mars 2018. Il ressort également des pièces du dossier qu'avant de prendre la décision de transfert du 20 mars 2018, le préfet a pris en considération les éléments postérieurs à la première décision de transfert du 2 février 2017 et a procédé à un nouvel examen de la situation de l'intéressé. Ainsi, la décision du 20 mars 2018 n'est pas entachée d'erreur de droit ni ne méconnaît les dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du document intitulé " fiche décadactylaire EURODAC ", que les empreintes de l'intéressé ont été saisies puis transmises le 5 octobre 2017 pour recherches sur le fichier Eurodac et que ces recherches ont donné, le même jour, un résultat positif révélant que les empreintes de M. A... avaient déjà été relevées par les autorités italiennes, le 30 juin 2016, à l'occasion du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier de première instance, au nombre desquelles figure un accusé de réception " DubliNet " du 14 novembre 2017, que la demande de prise en charge adressée aux autorités italiennes est effectivement intervenue le 14 novembre 2017. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la demande de prise en charge adressée aux autorités italiennes n'aurait pas été effectuée dans les délais prévus à l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013.

6. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable (...) ".

7. M. A... invoque l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie du fait, en particulier, d'expulsions illégales et de violences physiques pratiquées par les autorités italiennes et du manque d'hébergements. Toutefois, les documents auxquels se réfère le requérant, ne permettent pas de considérer que les autorités italiennes, qui ont implicitement donné leur accord à la demande de reprise en charge adressée par les autorités françaises, ne sont pas en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ait été traité dans des conditions méconnaissant ces garanties, ni qu'il courrait en Italie un risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en l'absence d'existence avérée de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays, au demeurant État-membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision de transfert contestée ne méconnaît donc pas les dispositions précitées de l'article 3 du règlement (UE) du 26 juin 2013.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

9. La faculté laissée à chaque État membre, par le paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. M. A..., qui se borne à affirmer que l'Italie serait dans l'incapacité, compte tenu de leur nombre, de traiter les demandes d'asile présentées sur son territoire, n'établit pas que le préfet ait commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2018.

5

N° 18LY01879


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01879
Date de la décision : 26/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-26;18ly01879 ?
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