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26/11/2018 | FRANCE | N°18LY00580

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 26 novembre 2018, 18LY00580


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler :

- l'arrêté du 27 octobre 2017 par lequel le préfet du Rhône a décidé sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile ;

- l'arrêté du 24 novembre 2017 par lequel ledit préfet a décidé de l'assigner à résidence dans le département du Rhône pour une durée maximum de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1708412 du 14 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal ad

ministratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler :

- l'arrêté du 27 octobre 2017 par lequel le préfet du Rhône a décidé sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile ;

- l'arrêté du 24 novembre 2017 par lequel ledit préfet a décidé de l'assigner à résidence dans le département du Rhône pour une durée maximum de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1708412 du 14 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 février 2018, M. B..., représenté par Me Zouine, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 14 décembre 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de cette notification ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui ne vise pas son mémoire enregistré le 28 novembre 2017, est irrégulier ;

- la décision de transfert méconnaît les articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 et l'article 29 du règlement EURODAC ;

- sa reprise en charge a été décidée avant même qu'il ait pu faire enregistrer sa demande d'asile ; ainsi, il a été privé de ses droits durant la période séparant la prise d'empreintes et l'enregistrement de sa demande ;

- le préfet ne s'est pas livré à l'examen particulier de sa situation ;

- la décision de transfert est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3, paragraphe 2, alinéas 2 et 3 et l'article 17 du règlement n° 604/2013 ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision l'assignant à résidence a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 18 octobre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président,

- les observations de Me Zouine, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 5 mars 1993 en Erythrée, pays dont il possède la nationalité, déclare être entré irrégulièrement en France le 9 avril 2017. Il s'est présenté le 13 juin 2017 au centre d'examen de situation administrative (CESA) à Paris et il a présenté, le 24 juillet 2017, une demande d'asile aux services de la préfecture du Rhône. Le 27 octobre 2017, le préfet du Rhône a décidé sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et le 24 novembre 2017, il l'a assigné à résidence dans le département du Rhône pour une durée maximum de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et en tout état de cause en temps utile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'avant de déposer une demande d'asile à la préfecture du Rhône, le 24 juillet 2017, M. B... s'est vu délivrer par les services de la préfecture de police de Paris une note d'information, non datée, selon laquelle une procédure visant à sa reprise en charge par les autorités italiennes ou allemandes, auprès desquelles il avait antérieurement sollicité l'asile, était mise en oeuvre. Ainsi, même si le fichier AGDREEF ne le mentionne pas, l'intéressé avait fait connaître aux services de la préfecture de police de Paris sa volonté de déposer une demande d'asile en France. Dès lors, il devait, dès cette date, recevoir les informations prévues à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, alors que ces informations ne lui ont été délivrées que le 24 juillet 2017. Par suite, la décision du préfet du Rhône du 27 octobre 2017 de le remettre aux autorités italiennes est illégale, de même que, par voie de conséquence, l'arrêté du 24 novembre 2017 l'assignant à résidence.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

6. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. "

7. Le présent arrêt implique seulement que le préfet du Rhône procède au réexamen de la situation de M. B... dans le délai d'un mois suivant sa notification.

8. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Zouine, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État une somme de 800 euros au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 14 décembre 2017 et les décisions du préfet du Rhône du 27 octobre 2017 et du 24 novembre 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la situation de M. B... dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Zouine la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2018.

4

N° 18LY00580


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00580
Date de la décision : 26/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-26;18ly00580 ?
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