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26/11/2018 | FRANCE | N°17LY04239

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 26 novembre 2018, 17LY04239


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 26 janvier 2017 lui retirant sa carte de résident, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français durant deux ans.

Par un jugement n° 1701502 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision portant interdiction de re

tour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 26 janvier 2017 lui retirant sa carte de résident, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français durant deux ans.

Par un jugement n° 1701502 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2017, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 novembre 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui restituer sa carte de résident ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice.

Il soutient que :

- la décision portant retrait de sa carte de résident est entachée d'une insuffisance de motivation ; elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ; elle est entachée d'une erreur de droit, les dispositions de l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui étant pas applicables ; elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à l'existence d'une fraude ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît les stipulations de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation ; elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ; elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant retrait de sa carte de résident ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une insuffisance de motivation ; elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ; elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant retrait de carte de résident et obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation ; elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ; elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, par lettre du 16 août 2018, de ce que la cour était susceptible de se fonder d'office sur le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité, faute d'intérêt à agir, des conclusions de M. B... dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué, qui annule la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans.

Par un mémoire, enregistré le 10 octobre 2018, non communiqué, le préfet du Rhône déclare s'en remettre à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 6 février 1984, est arrivé en France le 10 janvier 2013, sous couvert d'un visa de court séjour. Au mois d'octobre 2013, il a épousé une ressortissante française et s'est vu délivrer une carte de résident en sa qualité de conjoint de Française, valable du 28 octobre 2015 au 27 octobre 2025. Par arrêté du 26 janvier 2017, le préfet du Rhône a procédé au retrait de sa carte de résident qu'il a estimé avoir été obtenue par fraude, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a désigné le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français durant deux ans. M. B... a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Lyon qui, par jugement du 14 novembre 2017, a annulé la seule décision d'interdiction de retour sur le territoire français et rejeté le surplus de ses conclusions. M. B... fait appel de ce jugement.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué :

2. Par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans. Par suite, M. B... n'a pas intérêt à contester ce jugement en tant qu'il a prononcé cette annulation. En conséquence, ses conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué sont irrecevables en tant qu'elles sont dirigées contre l'article 1er de ce jugement.

Sur la légalité des décisions en litige :

3. Le mariage d'un étranger avec un ressortissant de nationalité française est opposable aux tiers dès lors qu'il a été célébré et publié dans les conditions prévues aux articles 165 et suivants du code civil. Il s'impose, par suite, en principe, à l'administration tant qu'il n'a pas été dissous ou déclaré nul par l'autorité judiciaire. Toutefois, il appartient à l'autorité préfectorale, s'il est établi de façon certaine que le mariage a été contracté dans le but exclusif de permettre l'obtention d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude en retirant à l'intéressé, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, le titre de séjour en tant que conjoint de Français obtenu par fraude.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré régulièrement sur le territoire français le 10 janvier 2013 sous couvert d'un visa de court séjour valable trente jours, a fait la connaissance, au mois d'avril 2013, d'une ressortissante française née en 1961, avec laquelle il a emménagé en juillet 2013 et qu'il a épousée au mois d'octobre 2013. Malgré la dégradation des relations matrimoniales, les intéressés ont mené une vie commune jusqu'au mois d'avril 2016, date à laquelle M. B... a quitté le domicile conjugal à la suite à un différend avec son épouse et a décidé d'engager une procédure de divorce. Les circonstances que M. B... a quitté le domicile conjugal deux mois seulement environ après l'obtention d'une carte de résident valable dix ans, que son conseil a informé son épouse de son intention d'engager une procédure de divorce quelques jours plus tard seulement, que M. B...a désigné son frère, et non son épouse, comme bénéficiaire de deux contrats de prévoyance de très faible montant en 2014 et que le mois de naissance de son épouse mentionné sur l'imprimé de demande de délivrance de titre de séjour est erroné, sont insuffisantes pour permettre de considérer que le préfet établit que M. B... a contracté mariage avec son épouse française dans le but exclusif d'obtenir un droit au séjour en France, alors que le couple a eu une communauté de vie durant près de trois ans. Par jugement du 14 mars 2018, suivant les conclusions du ministère public, le tribunal de grande instance de Lyon a, au demeurant, débouté l'épouse du requérant de sa demande d'annulation de mariage, estimant que l'absence d'intention matrimoniale de l'époux n'était pas avérée. Dès lors, le préfet du Rhône a commis une erreur d'appréciation en se fondant sur le caractère frauduleux de l'obtention de la carte de résident de M. B... pour procéder à son retrait. Par suite, le retrait de cette carte de résident est illégal et doit être annulé de même que, par voie de conséquence, les décisions faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays vers lequel il pourrait être éloigné d'office.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Le juge de l'injonction, saisi de conclusions présentées au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, est tenu de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de son arrêt.

7. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) ".

8. Le présent arrêt, qui annule la décision du 26 janvier 2017 par laquelle le préfet du Rhône a procédé au retrait de la carte de résident de M. B..., implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Rhône restitue ce titre de séjour au requérant. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que M. B... ait restitué sa carte de résident valable du 28 octobre 2015 au 27 octobre 2025 aux services préfectoraux. Par suite, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de lui restituer son titre de séjour sont sans objet.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à M. B... d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 novembre 2017 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 26 janvier 2017 retirant sa carte de résident, lui fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de renvoi.

Article 2 : L'État versera à M. B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2018.

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N° 17LY04239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY04239
Date de la décision : 26/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-26;17ly04239 ?
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