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26/11/2018 | FRANCE | N°17LY03733

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 26 novembre 2018, 17LY03733


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 15 juin 2017 par laquelle le préfet de l'Ardèche a ordonné sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1705039 du 26 juillet 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2017, M. A..., représenté par la SCP Couderc, Zouine, avocats, demande à la cour :

1°) d'a

nnuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 26 juillet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 15 juin 2017 par laquelle le préfet de l'Ardèche a ordonné sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1705039 du 26 juillet 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2017, M. A..., représenté par la SCP Couderc, Zouine, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 26 juillet 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche d'enregistrer sa demande d'asile et de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 29 du règlement Eurodac ;

- le délai de deux mois imparti pour présenter une requête à un autre État, prévu par l'article 21 du règlement, était expiré le 23 février 2017 ;

- la décision méconnaît les articles 3 (paragraphe 2, 2ème et 3ème alinéas) et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 29 janvier 2018, le préfet de l'Ardèche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. A... n'établit pas avoir présenté une demande d'asile à Paris ;

- pour le surplus il s'en rapporte à ses écritures devant le tribunal administratif.

Par deux mémoires, enregistrés les 30 avril et 4 mai 2018, M. A... conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Il soutient en outre que :

- il produit un document établi par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à Paris, destiné au centre d'accueil et d'orientation des Vans ;

- il ressort des éléments dont il fait état qu'il s'est présenté en préfecture le 5 décembre 2017 pour déposer une demande d'asile, qu'une prise d'empreintes a été effectuée et qu'elle a révélé que la France était responsable puisque l'interrogation de la base Eurodac s'est révélée négative ;

- les autorités françaises prétendent que l'Italie a relevé ses empreintes en octobre 2016 et les aurait enregistrées sur le fichier Eurodac le 19 janvier 2018 à 9 heures 23 minutes 32 secondes soit six secondes seulement après que la France a elle-même enregistré les mêmes empreintes, ce qui jette un doute sur la fiabilité de ces informations.

Par un mémoire enregistré le 25 mai 2018, le préfet de l'Ardèche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. A... n'a jamais produit ni même évoqué devant ses services ou devant le tribunal administratif son passage, le 5 décembre 2016, au centre d'examen de situation administrative (CESA) de Paris ; le dossier administratif reçu par la préfecture de l'Ardèche ne comportait aucun document établi au CESA ; aucun moyen n'a été soulevé devant le tribunal administratif relatif à l'illégalité de la procédure sur ce fondement particulier, qui n'apparaît qu'en cause d'appel ; en conséquence, ce moyen est irrecevable ;

- la fiche individuelle de situation administrative datée du 5 décembre 2016, fournie par M. A..., ne caractérise en rien une demande d'asile valablement déposée au CESA de la préfecture de police, qui n'est pas un guichet unique d'accueil pour demandeur d'asile (GUDA) ;

- l'examen de situation opéré le 5 décembre 2016 présente un caractère sommaire et approximatif puisque la fiche retranscrit, certainement par erreur, que le " hit " Eurodac est négatif, alors qu'un " hit " positif est apparu le 19 janvier 2017 lors de la prise d'empreintes au GUDA de la préfecture du Rhône, relatif à un franchissement irrégulier de frontière en Italie le 23 octobre 2016, donc antérieurement à l'examen de situation initial ;

- M. A... évoque des enregistrements d'empreintes dans Eurodac le même jour soit le 19 janvier 2017 (et non 2018) avec six secondes d'intervalle ; ceci procède d'une lecture erronée de la rubrique n° 7 des fiches décadactylaires Eurodac puisque 9 heures 23 minutes 32 secondes correspond au retour d'échange informatique de données entre le fichier italien et l'unité centrale Eurodac française interrogatrice ; il ne s'agit aucunement de l'heure d'enregistrement par l'Italie des empreintes de M. A... dans l'application Eurodac ; en outre, a été cochée par erreur, sur la fiche de situation, la case SI " étranger inconnu Eurodac sollicitant l'asile ", ce qui ne peut correspondre à l'objet même de l'entretien en CESA qui n'est pas un enregistrement de demande d'asile, compétence exercée uniquement en GUDA ; ainsi, le 5 décembre 2016, l'intéressé ne s'est vu remettre que la seule brochure " Eurodac ", et non pas les brochures d'information spécifiques A et B délivrées dans le cadre d'une demande d'asile, conformément aux dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; de plus, M. A... ne produit ni attestation de demandeur d'asile nominative, ni autorisation provisoire de séjour, qui lui auraient nécessairement été remises le 5 décembre 2016, s'il avait expressément formalisé une demande d'asile ; l'extrait du fichier AGDREF produit par le requérant mentionne d'ailleurs qu'il s'agit d'un " examen de situation administrative " et non d'une demande d'asile ; dans ces conditions, la seule demande d'asile de l'intéressé, assortie d'une identification formelle avec un résultat positif Eurodac, ayant été enregistrée auprès de la préfecture du Rhône le 19 janvier 2017, et l'Italie ayant été saisie d'une demande de prise en charge le 23 février 2017, le délai de présentation d'une requête aux fins de prise en charge de deux mois a bien été respecté.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président,

- les observations de Me Zouine, avocat de M. A... ;

Une note en délibéré, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 14 novembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant d'Erythrée, né le 1er janvier 1987, est entré irrégulièrement en France le 27 novembre 2016. Le 19 janvier 2017, il a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture de l'Ardèche et a été mis en possession d'une attestation de demande d'asile " procédure Dublin ". Le 15 juin 2017, le préfet de l'Ardèche a ordonné sa remise aux autorités italiennes. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. (...) ".

3. Aux termes de l'article 5 du même règlement : " Entretien individuel 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. (...) L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. (...) 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. "

4. Il résulte des dispositions précitées que le demandeur d'asile doit se voir remettre une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de cette information, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

5. Il ressort des pièces du dossier que les brochures A et B relatives à la procédure Dublin en langue tigrinya, le guide d'accueil du demandeur d'asile en langue tigrinya et la copie du résumé de l'entretien individuel ont été remis à M. A... le 19 janvier 2017, ainsi que cela ressort de l'attestation qu'il a signée dans les services de la préfecture de l'Ardèche le même jour. Si l'intéressé soutient que ces documents auraient dû lui être remis lors de l'introduction de sa demande d'asile auprès de la préfecture de police de Paris, le 30 novembre 2016, l'existence d'une telle demande n'est pas établie, alors même que l'intéressé aurait été enregistré à Paris dans l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGEDREF).

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend: a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. "

7. L'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des États membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Par suite, le requérant ne peut utilement faire valoir, pour contester la décision de transfert en litige, qu'il n'aurait pas reçu les informations concernant l'application du règlement " Eurodac ".

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

9. La décision de transfert d'un demandeur d'asile en vue de sa prise en charge par un autre État membre doit être suffisamment motivée afin de le mettre à même de critiquer l'application du critère de détermination de l'État responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, elle doit permettre d'identifier le critère de responsabilité retenu par l'autorité administrative parmi ceux énoncés au chapitre III de ce règlement ou, à défaut, au paragraphe 2 de son article 3. En revanche, elle n'a pas nécessairement à faire apparaître explicitement les éléments pris en considération par l'administration pour appliquer l'ordre de priorité établi entre ces critères, en vertu des articles 7 et 3 du même règlement.

10. La décision de transfert en litige comporte notamment le visa du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et indique que M. A... a fait l'objet d'un enregistrement dans le fichier Eurodac en Italie le 28 juin 2016 et que les autorités de ce pays ont été saisies le 23 février 2017, sur le fondement de l'article 13-1 du règlement(UE) n° 604/2013, d'une requête visant à sa prise en charge, à laquelle elles ont donné un accord implicite. Ainsi, cette décision est suffisamment motivée.

11. En quatrième lieu, si cette décision ne mentionne pas que M. A... a sollicité l'asile auprès de la préfecture de police de Paris, l'existence d'une telle demande n'est pas établie. Si cette décision ne comporte pas d'éléments relatifs à l'état de santé de l'intéressé, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle n'a pas été précédée de l'examen particulier de sa situation.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac (...), la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif (...). / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) ".

13. M. A... fait valoir qu'il a sollicité l'asile à Paris le 30 novembre ou le 5 décembre 2016 et que, dès lors, la requête visant à sa prise en charge, adressée aux autorités italiennes le 23 février 2017, est intervenue après l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Toutefois, si ses empreintes ont été relevées, le 5 décembre 2016, par les services de la préfecture de police de Paris, qui ont examiné sa situation administrative, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il a demandé l'asile en France antérieurement au 19 janvier 2017, date à laquelle les services de la préfecture du Rhône lui ont remis une attestation de demande d'asile. Le résultat positif de la consultation du fichier Eurodac a été communiqué au préfet du Rhône le 19 janvier 2017. La requête aux fins de prise en charge de M. A... a été adressée aux autorités italiennes le 23 février 2017, soit dans le délai de deux mois.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. (...) ".

15. Le requérant soutient que les autorités italiennes sont confrontées à un afflux de réfugiés et que l'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays n'est pas conforme à l'ensemble des garanties exigées par le droit d'asile. Toutefois, il n'est pas établi que la situation générale dans ce pays ne permettrait pas d'assurer un niveau de protection suffisant aux demandeurs d'asile ni que ce pays l'exposerait à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant, alors que l'Italie est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En l'espèce, aucun élément du dossier ne permet de penser que la demande d'asile de M. A... ne serait pas instruite en Italie dans des conditions conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

16. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté laissée à chaque État membre, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile.

17. Il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de M. A... nécessite un suivi psychologique, dermatologique, de kinésithérapie, ainsi qu'un traitement médicamenteux comprenant un anxiolytique et un hypnotique. Toutefois, il n'est pas établi que son état de santé n'est pas compatible avec un transfert vers l'Italie. Par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prescrivant son transfert à destination de ce pays.

18. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le préfet de l'Ardèche, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2018.

4

N° 17LY03733


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03733
Date de la décision : 26/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-26;17ly03733 ?
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