La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2018 | FRANCE | N°17LY03017

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 26 novembre 2018, 17LY03017


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société NK Terreaux a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du 24 novembre 2015 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge une contribution spéciale d'un montant de 70 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et une contribution forfaitaire de réacheminement d'un montant de 8 866 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du

séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- de lui accorder la décharge de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société NK Terreaux a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du 24 novembre 2015 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge une contribution spéciale d'un montant de 70 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et une contribution forfaitaire de réacheminement d'un montant de 8 866 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- de lui accorder la décharge de ces sommes, dont elle a été constituée débitrice par deux titres de perception émis le 26 novembre 2015.

Par un jugement n° 1600583 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er août 2017, la société NK Terreaux, représentée par Me Vergnon, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 mai 2017 ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée et de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée : elle fait référence à un procès-verbal non joint à la décision et dont le gérant n'a pas été destinataire ; elle se borne à énoncer le montant des deux contributions sans en détailler les modalités de calcul ;

- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions des articles R. 8253-3 du code du travail pour la contribution spéciale et R. 626-2 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle n'a jamais été destinataire d'un courrier ayant pour objet de l'informer de l'intention de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de mettre à sa charge ces deux contributions, et de lui permettre de formuler ses observations ;

- la décision est entachée d'inexactitude matérielle et d'erreur sur la qualification juridique des faits, l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'établissant pas l'infraction d'emploi d'étrangers sans titre de travail, alors que trois des quatre salariés visés disposaient d'un titre de séjour régulier délivré par un État membre de l'Union européenne mentionnant expressément une autorisation de travailler ; or, d'après les informations mentionnées sur le site internet " service-public.fr ", les salariés disposant d'un titre de séjour " longue durée " sont dispensés d'autorisation de travail ; elle ignorait légitimement que ces salariés devaient, en outre, disposer d'une autorisation de travail.

Par un mémoire enregistré 27 juin 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me Schegin, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société NK Terreaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

La clôture de l'instruction a été fixée au 3 juillet 2018 par ordonnance du 30 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 août 2015, les services de l'inspection du travail (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Rhône-Alpes) et de l'Urssaf ont effectué un contrôle dans les locaux du restaurant Le Nabab exploité par la société NK Terreaux place des Terreaux à Lyon. A cette occasion, ils ont constaté la présence, en situation de travail, de M. A... D..., ressortissant pakistanais. La consultation des documents remis par l'employeur a révélé que la société employait également MM. H... G... etB... F..., ressortissants marocains et un autre ressortissant pakistanais, M. C... E.... Ces quatre salariés étant dépourvus d'autorisation de travail en France, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a, par décision du 24 novembre 2015, mis à la charge de la société NK Terreaux une contribution spéciale de 70 400 euros sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail et une contribution forfaitaire aux frais de réacheminement d'un montant de 8 866 euros sur le fondement de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Deux titres de perception ont été émis le 26 novembre 2015. La société NK Terreaux interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la décharge desdites sommes.

2. D'une part, s'agissant de la contribution spéciale, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". L'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L 3231-12 et, en cas de réitération, à 25 000 fois ce même taux. /L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / Elle est recouvrée par l'Etat comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. (...) ".

3. L'article R. 8253-1 du code du travail prévoit que : " La contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est due pour chaque étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui a embauché ou employé un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail. " L'article R. 8253-3 de ce code ajoute que : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. " Aux termes de l'article R. 8253-4 du même code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / La créance est recouvrée par le comptable public compétent comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. "

4. D'autre part, s'agissant de la contribution forfaitaire de frais de réacheminement, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) ".

5. Aux termes de l'article R. 626-1 du même code : " I. - La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 est due pour chaque employé en situation irrégulière au regard du droit au séjour. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui, en violation de l'article L. 8251-1 du code du travail, a embauché ou employé un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour. (...) ". L'article R. 626-2 de ce code ajoute que : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. /II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. (...) ".

6. Par lettre du 13 août 2015, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Rhône-Alpes a porté à la connaissance du gérant de la société NK Terreaux les constatations effectuées dans son établissement le 5 août 2015 et les infractions au code du travail relevées à son encontre et lui a demandé ses observations. Cette lettre a été retournée à son expéditeur par les services postaux avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Toutefois, un nouvel envoi de ce courrier au gérant de la société a été effectué, par télécopie, le 8 septembre 2015 et le conseil de celle-ci y a répondu le 10 septembre 2015. Dès lors, la société requérante ne saurait sérieusement invoquer la méconnaissance des dispositions des articles R. 8253-3 du code du travail et R. 626-2 I du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Par la décision contestée du 24 novembre 2015, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, se référant aux constatations effectuées le 5 août 2015 dans l'établissement de la société NK Terreaux, à Lyon, selon lesquelles elle avait employé quatre personnes de nationalité étrangère démunies de titre les autorisant à exercer une activité salariée, dont la liste nominative était jointe, lui a indiqué qu'elle était redevable, au titre de la contribution spéciale prévue par le code du travail, d'une somme de 70 400 euros et, au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une somme de 8 866 euros. Cette décision mentionne notamment l'article L. 8253-1 du code du travail et l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, elle est suffisamment motivée.

8. Du procès-verbal établi à la suite du contrôle effectué le 5 août 2015 il résulte que la société NK Terreaux a employé M. A... D..., M. H... G..., M. B... F..., et M. C... E..., ressortissants étrangers, qui n'étaient pas autorisés à exercer une activité salariée en France. La société requérante ne peut utilement ni soutenir qu'elle ignorait cette obligation, ni invoquer sa bonne foi. La circonstance que trois des quatre salariés concernés bénéficiaient de titres de séjour délivrés par d'autres États membres de l'Union européenne les autorisant à travailler ne les dispensait pas, contrairement à ce que soutient la société NK Terreaux, d'être titulaires d'une autorisation pour exercer une activité salariée en France. La société requérante ne saurait, à cet égard, se prévaloir des mentions figurant sur le site internet " Service public " selon lesquelles " les détenteurs d'une carte de résident longue durée " sont dispensés d'autorisation de travail, dès lors que tel n'est le cas que des détenteurs de titres délivrés par les autorités françaises et non par les autorités d'un autre État membre de l'Union européenne. Ainsi, la décision en litige ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, ni ne procède d'une erreur d'appréciation.

9. Il résulte de ce qui précède que la société NK Terreaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge le paiement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration d'une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société NK Terreaux est rejetée.

Article 2 : La société NK Terreaux versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société NK Terreaux et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2018.

N° 17LY03017 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03017
Date de la décision : 26/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : VEDESI - SCP SCHMIDT VERGNON PELISSIER THIERRY EARD-AMINTHAS et TISSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-26;17ly03017 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award