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20/11/2018 | FRANCE | N°17LY04076

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2018, 17LY04076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa remise aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour, par lequel le même préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable.

Par un jugement n° 1706084 du 3 novembre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

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rocédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er décembre 2017, M. C..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa remise aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour, par lequel le même préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable.

Par un jugement n° 1706084 du 3 novembre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er décembre 2017, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 3 novembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa remise aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour, par lequel le même préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité pour méconnaissance des dispositions de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la mesure où il n'a pas été personnellement convoqué ;

- le dernier franchissement de la frontière avec l'Allemagne datant de plus de douze mois, ce pays n'est pas le pays responsable de sa demande d'asile ;

- il est fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 17 du règlement UE 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision l'assignant à résidence dans le département de la Haute-Savoie est insuffisamment motivée.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vinet, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant de la République du Kosovo, est entré irrégulièrement en France le 9 juillet 2017, selon ses déclarations et a présenté une demande d'admission au séjour en tant que demandeur d'asile. Par arrêté du 12 octobre 2017, le préfet de la Haute-Savoie a décidé de transférer l'intéressé aux autorités allemandes, responsables, selon lui, de l'examen de sa demande d'asile. M. C... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Grenoble, qui a rejeté sa demande par jugement du magistrat désigné par le président de cette juridiction en date du 3 novembre 2017, dont il relève appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 777-3 du code de justice administrative : " Sont présentés, instruits et jugés selon les dispositions des articles L. 742-4 à L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les recours en annulation formés contre les décisions de transfert mentionnées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, le cas échéant, contre les décisions d'assignation à résidence prises en application de l'article L. 561-2 de ce code au titre de ces décisions de transfert. ". Aux termes du II de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la procédure contentieuse applicable aux décisions de transfert mentionnées à l'article L. 742-3 du même code : " Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans le délai prévus au III de l'article L. 512-1. (...) ". Aux termes du III de ce dernier article : " (...) L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. (...) ".

3. Il résulte des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsqu'il est fait application de cette procédure, par dérogation à l'article R. 431-1 du code de justice administrative, les dispositions spéciales de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent une convocation personnelle à l'audience du requérant, même assisté d'un avocat, dans les litiges relatifs aux arrêtés de transfert portés devant les tribunaux administratif. Dès lors, l'étranger doit, même s'il est assisté d'un avocat, être personnellement convoqué à l'audience devant le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne. L'avis d'audience lui est notifié par tous moyens, en application des dispositions de l'article R. 776-7 du code de justice administrative qui sont applicables, en vertu de l'article R. 777-3-9 du même code, au contentieux des décisions de transfert vers l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile en cas de placement en rétention ou d'assignation à résidence.

4. Le jugement attaqué mentionne que les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 3 novembre 2017, au cours de laquelle elles ne se sont pas présentées. Cette mention, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, est corroboré par le reçu de notification joint au dossier de première instance après demande adressée à cet effet au greffe de la juridiction de première instance, portant la mention selon laquelle la convocation a été déposée dans la boite postale de son lieu de domiciliation. Ainsi, M. C... doit être regardé comme ayant été personnellement convoqué à l'audience devant le tribunal administratif, conformément aux dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il est n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière.

Sur le fond :

En ce qui concerne la décision de transfert :

5. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est établi [...] que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. ". Ces dispositions sont applicables au cas d'un ressortissant étranger qui, sans y avoir demandé l'asile, est entré dans l'Union européenne en franchissant la frontière d'un Etat membre autre que celui où il demande l'asile pour la première fois.

6. Il ressort, en l'espèce, des pièces du dossier, notamment des mentions non contestées figurant dans le compte-rendu d'entretien du requérant en préfecture et dans la demande de reprise en charge adressée aux autorités allemandes, que M. C... a déposé une demande d'asile en Allemagne le 6 novembre 2015. Ainsi la situation de M. C... ne relevait pas de l'article 13 du règlement précité mais de l'article 23 du même règlement, qui s'applique à un ressortissant d'un pays tiers qui a déjà effectué une demande d'asile dans un autre pays membre.

7. Aux termes des dispositions de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " L'État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d'achever le processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre État membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre État membre pendant le processus de détermination de l'État membre responsable. / Cette obligation cesse lorsque l'État membre auquel il est demandé d'achever le processus de détermination de l'État membre responsable peut établir que le demandeur a quitté entre-temps le territoire des États membres pendant une période d'au moins trois mois ou a obtenu un titre de séjour d'un autre État membre. / Toute demande introduite après la période d'absence visée au deuxième alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'État membre responsable. ". En l'espèce, il n'est pas soutenu et ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait quitté le territoire de l'Union européenne pendant une période d'au moins trois mois. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'Allemagne ne serait pas l'Etat membre responsable compte tenu du délai écoulé depuis qu'il a quitté ce pays doit être écarté.

8. L'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit, par dérogation à l'article 3 du même règlement, que chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par le règlement. Il s'agit d'une faculté sur laquelle le juge administratif exerce un contrôle restreint. M. C... ne se prévaut d'aucune circonstance permettant de considérer que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire application de cette faculté.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

9. L'arrêté d'assignation en litige comporte les considérations de droit ou de fait dont il est fait application. Il est ainsi suffisamment motivé.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquences, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme Vinet, première conseillère.

Lu en audience publique le 20 novembre 2018.

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N° 17LY04076

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY04076
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-20;17ly04076 ?
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