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15/11/2018 | FRANCE | N°18LY02517

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 15 novembre 2018, 18LY02517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du 15 juin 2018 par lesquels le préfet du Cantal a décidé son transfert en Suisse pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1801031 du 29 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 juillet et 12 se

ptembre 2018, le préfet du Cantal demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désig...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du 15 juin 2018 par lesquels le préfet du Cantal a décidé son transfert en Suisse pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1801031 du 29 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 juillet et 12 septembre 2018, le préfet du Cantal demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 29 juin 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 prévoit seulement que l'entretien doit être mené par une personne qualifiée et l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que l'anonymat de l'agent est respecté si des motifs intéressant la sécurité publique et la sécurité des personnes le justifie ; de plus, l'entretien individuel ne revêt pas le caractère d'une décision administrative ;

- s'il y a une irrégularité, celle-ci n'est pas susceptible d'avoir exercé, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision de transfert ;

- l'intéressé a reçu les deux brochures lors de son entretien ;

- la mesure d'assignation à résidence représente la solution la moins coercitive.

Par un mémoire enregistré le 20 août 2018, M. B..., représenté par Me Méral, avocat, conclut :

- au rejet de la requête ;

- à la mise à la charge de l'État du paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet ne démontre pas que l'entretien individuel, mené à la préfecture de l'Essonne le 9 mai 2018, a été réalisé par une personne qualifiée en vertu du droit national en violation des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le compte-rendu de l'entretien individuel ne mentionne pas la langue parlée par le demandeur d'asile ;

- la procédure de détermination de l'État membre responsable par la préfecture de l'Essonne s'est faite sans la garantie d'une information complète sur la procédure, ses délais et ses effets dans une langue comprise par lui, telle qu'elle est prévue par les articles 4 et 5 du règlement Dublin III et l'article 10 de la directive 2005/85/CE ;

- l'arrêté portant assignation à résidence doit être annulé en conséquence de l'illégalité de l'arrêté de transfert ;

- l'obligation de résider dans des communes rurales très isolées n'est pas justifiée.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Dèche, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant érythréen, né le 1er février 1993, a déposé une demande d'asile à la préfecture de l'Essonne le 9 mai 2018. Le préfet a constaté que l'intéressé avait précédemment déposé une demande d'asile auprès des autorités suisses. Le 15 juin 2018, le préfet du Cantal a ordonné le transfert de l'intéressé en Suisse en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence dans les communes de Champagnac et Ydes (Cantal). Le préfet du Cantal relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces décisions.

2. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".

3. Le compte rendu de l'entretien individuel, qui s'est déroulé le 9 mai 2018, mentionne au bas de la première page : " entretien conduit par un agent de la préfecture de l'Essonne par le biais d'ISM interprétariat en tigrigna par Testfit TEWELDE, interprète chez ISM interprétariat (...) ". Ce document porte les initiales de l'agent de la préfecture. Si M. B... fait valoir que le nom complet de cet agent n'est pas mentionné et que le cachet de la préfecture ne figure pas sur ce document, il ne saurait déduire de ces seules circonstances que l'entretien n'aurait pas été réalisé par un agent qualifié en vertu du droit national au sens des dispositions précitées. Par suite, c'est à tort que, pour annuler les arrêtés litigieux, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'entretien n'a pas été mené par un agent qualifié.

4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B....

Sur la légalité de l'arrêté de transfert aux autorités suisses :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un entretien individuel le 9 mai 2018, à la préfecture de l'Essonne et qu'il a signé à cette occasion les brochures contenant les informations dont la délivrance est requise par les dispositions précitées, dans leur version en langue tigrigna, qu'il a déclaré comprendre. Il a, par suite, été informé de ses droits en temps utile et dans une langue qu'il comprend.

7. En second lieu, M. B... ne saurait utilement invoquer les dispositions de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005, laquelle n'était plus en vigueur à la date de l'arrêté litigieux.

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

8. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un État membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) / Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. (...) ".

9. Aux termes de l'avant dernier alinéa de l'article L. 561-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. (...) ".

10. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de l'arrêté décidant son transfert aux autorités suisses.

11. En second lieu, si M. B... fait valoir qu'il est hébergé au centre d'accueil de Champagnac et qu'il disposerait ainsi de garanties de représentation, cette seule circonstance ne permet pas de considérer que le préfet du Cantal a commis une erreur d'appréciation en lui interdisant de se déplacer sans autorisation en dehors des communes d'Ydes et de Champagnac.

12. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Cantal est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les arrêtés litigieux. Les conclusions présentées par le conseil de M. B... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 29 juin 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. B... et de Me Méral sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C... B... et à Me A... Méral.

Copie en sera adressée au préfet du Cantal et au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Aurillac.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.

2

N° 18LY02517


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02517
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CABINET MERAL-PORTAL-YERMIA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-15;18ly02517 ?
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