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15/11/2018 | FRANCE | N°18LY01786

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 15 novembre 2018, 18LY01786


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 7 mai 2018 par lesquels le préfet de la Drôme a décidé sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1802863, 1802864 du 11 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregist

rée le 17 mai 2018, le préfet de la Drôme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 7 mai 2018 par lesquels le préfet de la Drôme a décidé sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1802863, 1802864 du 11 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mai 2018, le préfet de la Drôme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 11 mai 2018 ;

2°) de rejeter les demandes de M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- le premier juge, qui s'est fondé sur un moyen invoqué dans des écritures qui lui ont été communiquées vingt minutes avant l'audience, a donc méconnu le caractère contradictoire de la procédure et entaché son jugement d'irrégularité ;

- ce moyen est infondé, dès lors qu'il a effectivement saisi les autorités italiennes ;

- la modification de l'adresse de la gendarmerie sur la décision portant assignation à résidence, effectuée sous son contrôle et avec son accord, est une simple correction matérielle, sans incidence sur la légalité de l'acte ;

- aucun des autres moyens invoqués devant le tribunal administratif n'est fondé, comme il l'a montré dans ses écritures en première instance.

Par un mémoire enregistré le 10 septembre 2018, M. A..., représenté par Me Costa, avocat, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'État du paiement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen invoqué par le préfet est infondé ;

- les éléments de son dossier n'ont pas été communiqués au tribunal administratif, en méconnaissance du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant camerounais, né le 15 juin 1995 à Douala, a déposé une demande d'asile à la préfecture de l'Isère le 15 février 2018. A cette occasion, il a été constaté que ses empreintes avaient été relevées en Italie à deux reprises, le 29 juin et le 6 juillet 2017. Le 7 mai 2018, le préfet de la Drôme a ordonné sa remise aux autorités italiennes, regardées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Ledit préfet interjette appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. A... a saisi le tribunal administratif de deux demandes enregistrées le 9 mai 2018. L'audience a été fixée, par avis du même jour, au 11 mai 2018 à 14 heures 30. Par un mémoire en réplique, enregistré le 11 mai 2018 à 13 heures 32, l'intéressé a invoqué un moyen nouveau, tiré de l'absence de justification de ce qu'une demande de prise en charge ou de reprise en charge a été adressée aux autorités italiennes dans le délai de deux mois fixé par le paragraphe 1 de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Ce mémoire a été mis à la disposition du préfet au moyen de l'application Télérecours le 11 mai à 14 heures 05 et le préfet en a pris connaissance le 14 mai 2018, soit postérieurement à l'audience. Dès lors, en se fondant sur ce moyen pour annuler la décision de transfert en litige et, par voie de conséquence, celle portant assignation à résidence, le premier juge a méconnu le caractère contradictoire de la procédure et entaché son jugement d'irrégularité. En conséquence, le préfet de la Drôme est fondé à en demander l'annulation.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de M. A... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité la décision de transfert :

4. Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...) 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

5. Il résulte de ce qui précède que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

6. Selon la décision en litige, les autorités italiennes ont été saisies le 27 mars 2018 d'une requête visant à la reprise en charge de M. A.... Toutefois, le préfet se borne à produire le formulaire de cette requête et un courriel du 18 avril 2018 de la cellule " DubliNet " en France, relatif à un accord implicite. Ces seuls éléments ne permettent pas d'établir la réalité et la date de la saisine des autorités italiennes.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision prescrivant son transfert aux autorités italiennes et, par voie de conséquence, de la décision l'assignant à résidence.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le paiement à Me Costa, avocat de M. A..., qui a obtenu l'aide juridictionnelle totale, d'une somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 11 mai 2018 et les arrêtés du préfet de la Drôme du 7 mai 2018 sont annulés.

Article 2 : L'État versera à Me Costa la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle totale.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet de la Drôme et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Valence.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.

4

N° 18LY01786


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01786
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL ALBAN COSTA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-15;18ly01786 ?
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