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15/11/2018 | FRANCE | N°18LY01179

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 15 novembre 2018, 18LY01179


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 4 avril 2017 par lequel le préfet de l'Yonne a prononcé son expulsion du territoire français et celle du 18 mai 2017 par lequel il a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1701500 - 1701501 du 13 novembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 mars 2018, M. B... A..., représe

nté par Me Dollé, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 4 avril 2017 par lequel le préfet de l'Yonne a prononcé son expulsion du territoire français et celle du 18 mai 2017 par lequel il a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1701500 - 1701501 du 13 novembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 mars 2018, M. B... A..., représenté par Me Dollé, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 13 novembre 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91 -647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de répondre aux moyens invoqués contre la décision fixant le pays de renvoi ;

- la mesure d'expulsion est entachée d'un vice de procédure dès lors que la composition de la commission d'expulsion est irrégulière ; elle est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que la menace pour l'ordre public retenue par le préfet est absente et qu'il est fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; enfin, elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le mémoire du préfet de l'Yonne, enregistré au greffe le 17 octobre 2018, postérieurement à la clôture de l'instruction n'a pas été communiqué.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, présidente, rapporteure

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité marocaine, né le 25 août 1977, est arrivé en France le 24 janvier 2006, muni d'un titre de séjour italien, et a sollicité son admission au séjour à la préfecture de la Côte-d'Or le 27 mars 2007 en raison de son mariage le 10 novembre 2005 au Maroc avec une ressortissante française. Il a obtenu le 16 avril 2008 un visa de long séjour " conjoint de Français " et un récépissé d'une validité de trois mois lui a été délivré le 12 juin suivant. Une enquête de gendarmerie ayant révélé que les époux A...n'avaient pas de communauté de vie, le préfet de la Côte-d'Or lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité. Le 9 juillet 2007, M. A... a été condamné à six mois d'emprisonnement pour violence sur une personne vulnérable suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, le 7 juillet 2009 à six mois d'emprisonnement pour détention non autorisée de stupéfiants et le 19 mai 2011 à dix ans de réclusion criminelle pour viol. La commission d'expulsion a émis, le 7 mars 2016, un avis favorable à la mesure d'expulsion envisagée à son encontre. Le préfet de l'Yonne, par arrêté du 4 avril 2017, a prononcé l'expulsion de M. A... et, par arrêté du 18 mai 2017, a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Devant le tribunal administratif de Dijon, M. A... a invoqué les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le tribunal administratif, qui a répondu aux autres moyens présentés pour M. A..., a omis de répondre à ces moyens qui n'étaient pas inopérants. Dès lors, en tant qu'il statue sur les conclusions de M. A... dirigées contre la décision du préfet de l'Yonne fixant le pays de renvoi, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.

3. Par suite, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Dijon, dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi et de statuer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur la légalité de la mesure d'expulsion :

4. En première lieu, M. A... reprend en appel le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission d'expulsion. Il y a lieu de l'écarter, par adoption du motif des premiers juges, tels qu'il ressort du point 4 du jugement.

5. En deuxième lieu, la mesure d'expulsion énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est, dès lors, régulièrement motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". L'article L. 521-2 du même code ajoute que : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : / 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (...) ".

7. M. A... a été condamné en juillet 2007 à six mois d'emprisonnement pour violence sur personne vulnérable, en juillet 2009 à six mois d'emprisonnement pour détention non autorisée de stupéfiants et en mai 2011 à dix ans de réclusion criminelle pour viol. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de son comportement, son expulsion constitue une nécessité impérieuse pour la sécurité publique. Dès lors, même si l'intéressé est le père d'un enfant français, le préfet a pu légalement décider son expulsion.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Le requérant fait valoir qu'il séjourne en France depuis le 24 janvier 2006, qu'il est marié depuis le 24 mars 2017 avec une ressortissante française qui est elle-même mère d'une fille, qu'il existe une communauté de vie entre les époux et qu'ils ont un enfant commun, né le 13 mars 2018. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si M. A... est entré régulièrement sur le territoire français sous couvert d'un titre de séjour italien, il s'y est maintenu irrégulièrement et a commis des délits et des crimes ayant donné lieu à des condamnations pénales. A la date de la décision contestée, la communauté de vie entre le requérant et son épouse, à supposer qu'elle soit établie, était récente et les intéressés ne pouvaient pas ignorer, dès le début de leur relation, que leurs perspectives communes d'installation en France étaient incertaines, en l'absence de droit au séjour détenu par M. A.... En outre, le requérant n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale au Maroc, où il a vécu la majeure partie de son existence et où réside notamment sa mère et une de ses soeurs. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la gravité des délits et des crimes commis, la mesure d'expulsion n'a pas porté, au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Enfin, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

11. Si M. A... soutient avoir noué des relations particulières avec la fille de son épouse, il ne justifie ni de la réalité ni de l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec cette enfant. De plus, s'il se prévaut de la naissance de sa fille le 13 mars 2018, celle-ci est intervenue postérieurement à la décision en litige et est donc sans influence sur sa légalité. Par suite, la mesure d'expulsion contestée ne peut pas être regardée comme méconnaissant l'intérêt supérieur de ces enfants, protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Aux termes de ce dernier texte : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

13. Si M. A...soutient qu'il encourt un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Maroc, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien -fondé.

14. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point.

15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est fondé ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la mesure d'expulsion en litige, ni à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon n° 1701500 - 1701501 du 13 novembre 2017 est annulé en ce qu'il statue sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Yonne du 18 mai 2017 fixant le pays de destination.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Fischer-Hirtz, présidente de chambre,

M. Souteyrand, président assesseur,

MmeC..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.

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N° 18LY01179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01179
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : Mme FISCHER-HIRTZ
Rapporteur ?: Mme Catherine FISCHER-HIRTZ
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-15;18ly01179 ?
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