Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 28 mars 2017, et des mémoires complémentaires enregistrés respectivement les 2 octobre et 6 novembre 2017 et les 7 février, 22 février et 28 mai 2018, M. E...C...demande à la cour d'annuler la décision du 26 décembre 2016 par laquelle le maire de la commune de Moirans a délivré à la SCI de la Gare de Moirans un permis de construire un ensemble commercial sis rue Vincent Martin.
Il soutient que :
- il a intérêt à agir, tant en qualité d'habitant, propriétaire d'une maison d'habitation dont la valeur va subir une décote à raison de l'implantation du projet et de contribuable de la commune de Moirans qui va financer pour partie les voies d'accès au projet, qu'en tant que membre de l'association syndicale de gestion des cours d'eau de Moirans, consultée le 28 février 2018 pour avis sur le permis modificatif ;
- l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme serait méconnu si les dispositions combinées des articles L 600-1-2 et L 600-1-4 du code de l'urbanisme devaient être interprétées restrictivement comme faisant obstacle au droit au recours contre les autorisations commerciales des personnes physiques, agissant en qualité d'habitant de la commune d'implantation ;
- le projet autorisé étant substantiellement différent de celui sur lequel la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) s'était prononcé défavorablement, il aurait dû préalablement, en application de l'article L 752-15 du code de commerce, faire l'objet du dépôt d'un nouveau dossier ;
- la CNAC s'est fondée sur des faits erronés, eu égard au caractère prématuré du projet d'initiative publique d'aménagement de la gare de Moirans, qui n'était qu'au stade de l'étude et toujours pas effectif en juin 2015 et au fait que le plan local d'urbanisme de la commune de Moirans n'avait pas fait l'objet d'une mise en compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT) ;
- alors que le risque d'inondation du terrain d'assiette est avéré, le projet ne prévoit qu'un bassin de rétention des eaux pluviales sous-dimensionné de 1 050 m3, lequel ne correspond en outre pas aux plans joint au dossier de la demande ;
- le projet méconnaît les dispositions de l'article L 752-6 du code de commerce précité et de l'article L 228-2 du code l'environnement, dès lors que l'accessibilité et la desserte du projet, distant de 1,8 kilomètre du centre ville, ne sont pas assurées par des modes de transports " doux ", notamment s'agissant des transports en commun, alors que l'aménagement d'une piste cyclable n'est pas envisageable ;
- le projet méconnaît également les mêmes dispositions du code de commerce, dès lors qu'il ne présente pas une performance énergétique satisfaisante ;
- le projet, qui porte sur une surface de vente de 5000 m², laquelle correspond à un hypermarché, méconnaît le les orientations du SCOT ;
- le permis modificatif délivré le 12 avril 2018 ne vient purger aucun des vices sus-relevés.
Par des mémoires, enregistrés les 19 juillet et 20 octobre 2017 et les 28 février et 8 juin 2018, la SCI de la Gare de Moirans, représentée par la SCP Bouyssou et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge de M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir, à titre principal, que la requête est irrecevable dès lors que M.C..., qui, selon les dispositions de l'article L 600-1-4 du code l'urbanisme, n'est pas au nombre des personnes visées à l'article L 752-17 du commence, ne peut utilement contester la décision en tant qu'elle vaut autorisation d'équipement commercial, est également dépourvu d'intérêt à agir contre cette même décision valant permis de construire, dès lors qu'en raison de l'éloignement de son habitation de plus d'un kilomètre, à vol d'oiseau, du projet autorisé, et sans vue sur celui-ci, il ne tire aucun préjudice urbanistique au sens et pour l'application de l'article L. 600-1-2 du même code. Et, à titre subsidiaire, elle fait valoir que la requête n'est pas fondée en droit.
Par des mémoires, enregistrés le 26 janvier et 8 février 2018, la commune de Moirans, représentée par la SEARL CDMF Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir, à titre principal, que la requête est irrecevable, faute d'intérêt à agir de M. C.... Subsidiairement, la requête n'est pas fondée en droit.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Eric Souteyrand, président-rapporteur,
- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me D...pour la commune de Moirans et de MeA..., pour la SCI de la Gare de Moirans.
Considérant ce qui suit :
1. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de l'Isère puis la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) ont, respectivement, les 3 février et 16 juillet 2015, approuvé le projet de la société sivile immobilière (SCI) de la Gare de Moirans de réaliser un ensemble commercial de 5 000 m² dans la commune de Moirans, situé à proximité de la gare. M. C...demande l'annulation de la décision du 26 décembre 2016 par laquelle le maire de la commune de Moirans a délivré à la SCI de la Gare de Moirans un permis de construire 9000 m² de surface de plancher pour la réalisation de cet ensemble, permis qui vaut également autorisation commerciale.
2. Aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme: " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. / Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions ".
3. M.C..., qui se prévaut à la fois de sa double qualité d'habitant-contribuable de la commune de Moirans et de membre de l'association syndicale de gestion des cours d'eau de cette même commune, n'étant pas " une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce " au sens des dispositions précitées, au nombre desquelles figurent notamment les professionnels dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour le projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci, ne relève que des dispositions de l'article L.600-1-2 du code de l'urbanisme, pour l'appréciation de son intérêt à agir contre la décision susmentionnée du maire de Moirans tendant à l'annulation du permis délivré permis à la SCI de la Gare de Moirans en tant qu'il vaut autorisation de construire.
4. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient dans ce cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.
6. En l'espèce, en réponse à la fin de non recevoir, tirée du défaut d'intérêt à agir, que lui opposent tant la commune de Moirans que la SCI de la Gare de Moirans, M. C...se borne à se prévaloir, ainsi qu'il a été dit au point 3, d'une part de sa qualité de propriétaire de la maison qu'il habite dans la commune de Moirans et de contribuable de celle-ci, d'autre part, de membre de l'association syndicale de gestion des cours d'eau de cette même commune. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du constat établi le 23 janvier 2018 par la police municipale de Moirans, que l'habitation du requérant, située au 20, rue du Dauphiné, est distante d'un kilomètre à vol d'oiseau, du projet en litige. En outre la maison de M.C..., n'est ni en covisibilité avec la construction autorisée, ni sur la même voie d'accès à celle-ci. En outre, si le requérant se prévaut également de ce que la valeur de sa maison d'habitation va subir une décote à raison de l'implantation du centre commercial Leclerc dans la commune, il ne l'établit pas. Ainsi le requérant ne justifie pas que le projet de la SCI de la Gare de Moirans est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien, au sens des dispositions précitées de l'article L 600-1-2 du code de l'urbanisme. La circonstance que M. C...est membre de l'association syndicale de gestion des cours d'eau de cette même commune, en l'absence de tout mandat l'autorisant à ester en justice pour le compte de cette association, ne saurait, en tout état de cause, lui conférer une qualité pour agir dans la présente instance.
7. Par suite, il y a lieu d'accueillir la fin de non recevoir opposée respectivement par la commune de Moirans et la SCI de la Gare de Moirans et de rejeter, en tant qu'elle est irrecevable, la requête de M.C....
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes des parties au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Moirans et la SCI de la Gare de Moirans au titre de l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.C..., à la commune de Moirans et la SCI de la Gare de Moirans.
Copie sera adressée au ministre de la cohésion des territoires et à la commission nationale d'aménagement commercial.
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Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Fischer-Hirtz, présidente,
M. Eric Souteyrand, président assesseur,
Mme B...F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
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N° 17LY01408