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15/11/2018 | FRANCE | N°17LY01304

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 15 novembre 2018, 17LY01304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D... A...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes .

Par un jugement n° 1403632 du 17 janvier 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 mars 2017 et un mémoire, enregistré le 9 mars 201

8, M. et Mme A..., représentés par Me B...et Rivière, avocats, demandent à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D... A...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes .

Par un jugement n° 1403632 du 17 janvier 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 mars 2017 et un mémoire, enregistré le 9 mars 2018, M. et Mme A..., représentés par Me B...et Rivière, avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 janvier 2017 ;

2°) de leur accorder la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification, dont les rehaussements sont fondés sur l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, n'a pas été visée par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire, en méconnaissance de l'article R. 64-1 du même livre ;

- la donation faite par M. A...au profit de son épouse et de ses enfants mineurs se caractérise par son intention libérale et un dépouillement actuel et irrévocable du donateur, de sorte qu'elle ne peut être regardée comme fictive et ne constitue pas un abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

- cette donation n'a pas davantage recherché à faire une application littérale du texte à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur ;

- subsidiairement, le sursis d'imposition ne devrait être remis en cause qu'à concurrence des sommes débitées au bénéfice de M.A... ;

- en ce qui concerne l'opération d'apport des titres de la société Gabriel's à la société holdingA..., aucune liquidité n'a été dégagée à cette occasion, celles-ci ayant fait l'objet d'un contrat de crédit vendeur dont le remboursement devait intervenir dans le cadre de remontées de dividendes, qui n'ont jamais été réalisées ; M. A...n'a ainsi appréhendé aucune liquidité et n'était pas en mesure de le faire ;

- la société holding A...n'était pas en mesure de réinvestir dans une activité économique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. et Mme A... n'est fondé.

Par une ordonnance du 14 mars 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le décret n° 2010-986 du 26 août 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, présidente, rapporteure,

- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D...A...est président du conseil d'administration de la société anonyme (SA) Tahiti, qui exerce une activité de commerce de détail de maroquinerie et d'articles de voyages sous le nom commercial Ludivine passion. Par actes des 11 et 17 mars 2008, il a fait donation à son épouse, pour une valeur de 50 141,32 euros et à ses deux enfants mineurs, pour une valeur de 149 964,55 euros, de la totalité de ses parts sociales dans cette société dans laquelle il détenait 26,67 % du capital. Ces actes de donation n'ont supporté aucun droit d'enregistrement, compte tenu des abattements applicables. Par actes du 11 avril 2018, les donataires ont cédé leurs titres, pour un montant égal à celui de la donation, à la société par actions simplifiée (SAS) Gabrimmo, détenue à 85 % par M. C...A..., père de M. D...A.... L'administration fiscale, estimant que M. D...A...avait conservé la disposition de tout ou partie des fonds provenant de la vente des titres de la SA Tahiti, a considéré que cette opération était constitutive d'un abus de droit, que M. D...A...devait être regardé comme ayant cédé lui-même les titres et qu'ainsi, il devait supporter l'imposition de la plus-value réalisée.

2. M. D...A...est également l'unique associé de la société à responsabilité limitée (SARL) holding A...immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 18 mars 2008 et créée à la suite d'un apport de 250 actions de la SAS Gabriel's, d'une valeur totale de 250 000 euros. Le 11 avril 2008, la SARL holding A...a cédé ces actions pour le même montant à la SAS Gabrimmo. L'administration a estimé qu'à l'issue de cette opération M. D...A...avait conservé la libre disposition du produit de cette cession, dont le montant n'avait pas été réinvesti, que cette opération avait pour seul objet de faire bénéficier M. D...A...du sursis d'imposition prévu par l'article 150-0 B du code général des impôts sur la plus-value de 225 000 euros ainsi réalisée à l'occasion de la cession et qu'elle était donc aussi constitutive d'un abus de droit.

3. A l'issue des opérations de contrôle, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge des contribuables ont été assorties de l'intérêt de retard et de la majoration de 80 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts. M. et Mme A... qui contestent ces rehaussements, relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article R. 64-1 du livre des procédures fiscales : " La décision de mettre en oeuvre les dispositions prévues à l'article L. 64 est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire qui vise à cet effet la notification de la proposition de rectification. ".

5. Il ressort de la lecture des dispositions du décret du 26 août 2010 portant statut particulier des personnels de catégorie A de la direction générale des finances publiques, et notamment de ses articles 2 et 19, que le grade d'inspecteur principal des finances publiques est hiérarchiquement plus élevé que celui d'inspecteur divisionnaire. Par suite, la circonstance que les propositions de rectification des 15 et 16 décembre 2011 mettant en oeuvre l'article L. 64 du livre des procédures fiscales aient été visées par un agent ayant le grade d'inspecteur principal n'est constitutive d'aucune irrégularité.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. (...) ".

7. Le litige n'ayant pas été soumis au comité de répression des abus de droit prévu à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, il appartient à l'administration d'apporter la preuve que les opérations litigieuses sont constitutives d'abus de droit.

En ce qui concerne la cession faisant suite aux donations des 11 et 17 mars 2008 :

8. D'une part, aux termes des dispositions du 1 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 15 000 euros par an (...) ".

9. D'autre part, aux termes de l'article 894 du code civil : " La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte ".

10. Lorsqu'un acte revêt le caractère d'une donation au sens des dispositions du code civil, l'administration ne peut le regarder comme n'ayant pu être inspiré par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que son auteur, s'il ne l'avait pas passé, aurait normalement supportées. Elle n'est, par suite, pas fondée, par principe, à l'écarter comme ne lui étant pas opposable sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. En revanche, l'administration peut toujours écarter sur ce même fondement comme ne lui étant pas opposable un acte de donation qui ne se traduit pas par un dépouillement immédiat et irrévocable de son auteur et revêt dès lors un caractère fictif. Il en va notamment ainsi lorsque le donateur appréhende, à la suite de l'acte de donation, tout ou partie du produit de la cession de la chose prétendument donnée.

11. Il est constant qu'à la suite des donations réalisées dans les conditions rappelées au point1, la cession par Mme A...et ses deux enfants mineurs des titres qu'ils détenaient dans le capital de la SA Tahiti au profit de la SAS Gabrimmo, n'a donné lieu à aucun paiement au profit des cédants. Cette opération a seulement été inscrite dans la comptabilité de la SAS Gabrimmo par une mention portée sur un compte 455 (correspondant à un compte courant d'associé), sous l'intitulé " familleA... ", alors qu'il n'est pas allégué que Mme A...et ses deux enfants aient été associés de cette société. Si les requérants expliquent que ce traitement comptable constitue, en réalité, une erreur du cabinet d'expertise comptable, force est de constater qu'au cours des exercices clos en 2009 et 2010, ce compte courant d'associé a été débité à plusieurs reprises par M. D...A...et par le père de ce dernier, Jacques. Si M. et Mme A...font valoir qu'à compter de l'exercice clos en 2011, le montant des cessions a été comptabilisé pour leurs montants respectifs au nom de chacun des cédants sous trois comptes 467 correspondant aux " autres comptes débiteurs ou créditeurs ", les documents comptables mentionnant ce changement sont tous postérieurs à la vérification de comptabilité et à la proposition de rectification. Pour justifier l'absence de paiement effectif du prix de la cession, les requérants se prévalent, d'une part, d'indications portées aux articles 1er à 3 d'une convention signée le 11 avril 2008, selon laquelle les cédants consentent un crédit vendeur rémunéré au taux de 2,5 % correspondant au montant de la cession dont l'échéance est fixée au 31 mai 2013, et, d'autre part, de ce que cette rémunération figure dans les documents comptables de l'exercice clos en 2011. Toutefois, ces explications ne sont corroborées par la production d'aucun document comptable antérieur aux opérations de contrôle attestant de façon certaine l'existence d'une telle rémunération. Enfin, la convention intervenue le 11 avril 2008 et versée à l'instance est dépourvue de date certaine. En outre, les requérants n'allèguent pas davantage que le prix de la cession aurait été effectivement payé aux cédants à l'échéance du 31 mai 2013. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'administration établit, d'une part, que M. D...A...n'a pas entendu se dépouiller immédiatement et irrévocablement du produit de la chose donnée dans le cadre des donations consenties à son épouse et à ses enfants mineurs et, d'autre part, qu'il a en réalité appréhendé le montant résultant de ces donations. Par suite les actes de donations effectuées doivent être regardés comme fictifs.

En ce qui concerne les titres cédés par la SARL holding A...:

12. En vertu de l'article 150-0 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en cause, les règles d'imposition des gains nets retirés des cessions, à titre onéreux, de valeurs mobilières ne sont notamment pas applicables, s'agissant de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés. Dès lors, il y a lieu d'y substituer, en vertu de l'article 150-0 D du même code, l'imposition de plein droit des plus-values effectivement réalisées l'année de la cession des titres reçus lors de l'échange.

13. Le bénéfice du sursis d'imposition d'une plus-value réalisée par un contribuable à l'occasion de l'apport de titres à une société qu'il contrôle et qui a été suivi de leur cession par cette société est constitutif d'un abus de droit s'il s'agit d'un montage ayant pour seule finalité de permettre au contribuable, en interposant une société, de disposer effectivement des liquidités obtenues lors de la cession de ces titres tout en restant détenteur des titres de la société reçus en échange au moment de l'apport. Il n'a en revanche pas ce caractère s'il ressort de l'ensemble de l'opération que cette société a, conformément à son objet, effectivement réinvesti le produit de ces cessions dans une activité économique.

14. M. et Mme A...soutiennent que la convention mentionnée au point 11 stipule également la conclusion par la SARL Holding A...d'un crédit vendeur au profit de la SAS Gabrimmo sur les parts cédées de la SAS Gabriel's, de sorte que la SARL Holding A...n'a bénéficié d'aucune liquidité susceptible d'être appréhendée par M. D...A.... Toutefois, il est constant, d'une part, qu'aucun document comptable antérieur aux opérations de contrôle effectuées par l'administration ne mentionne de rémunération de ce crédit vendeur, d'autre part, que la convention souscrite est dépourvue de date certaine. En outre, il est constant que la SARL Holding A...n'a ni réinvesti le produit du montant de la cession, ni réalisé de chiffre d'affaires et n'est d'ailleurs titulaire d'aucun compte bancaire. M. et Mme A...soutiennent que cette société n'a jamais perçu les liquidités correspondant à cette cession et que M. D...A...ne dispose d'aucun mandat social dans le capital de la SAS Gabrimmo qui a acquis les titres. Toutefois, il n'en demeure pas moins que cette dernière société est détenue à 85 % par le père de M. D...A...et qu'il ressort des mentions de la proposition de rectification que le montant de ladite cession, inscrit dans la comptabilité de la SARL Holding A...au débit d'un compte 467 " débiteur et créditeurs divers Gabrimmo " au titre de l'exercice clos en 2008, est passé sans explication à 249 516 euros à la clôture de l'exercice 2009 et à 247 349,58 euros à la clôture de l'exercice 2010 en dépit de l'existence alléguée d'intérêts liés à la convention de crédit vendeur. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, les liquidités provenant de cette opération doivent être regardées comme ayant été, en dépit des apparences, mises à disposition de M. D...A.... En l'absence de réinvestissement de ces liquidités, l'administration rapporte la preuve que cette opération, qui a un caractère purement patrimonial, est bien constitutive d'un abus de droit. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a refusé pour motif, de faire application du mécanisme de sursis d'imposition au bénéfice des requérants.

15. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Fischer-Hirtz, présidente de chambre,

M. Souteyrand, président assesseur,

MmeE..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.

4

N° 17LY01304


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01304
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit et fraude à la loi.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Plus-values des particuliers - Plus-values mobilières.


Composition du Tribunal
Président : Mme FISCHER-HIRTZ
Rapporteur ?: Mme Catherine FISCHER-HIRTZ
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : MetL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-15;17ly01304 ?
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