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13/11/2018 | FRANCE | N°18LY00406

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2018, 18LY00406


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 30 septembre 2016 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, sous astreinte, ou à tout le moins en cas d'annulation de la seule mesure d'éloignement, de lui délivrer une autorisation

provisoire de séjour dans le délai d'un mois, pour le réexamen de sa situation, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 30 septembre 2016 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, sous astreinte, ou à tout le moins en cas d'annulation de la seule mesure d'éloignement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois, pour le réexamen de sa situation, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1701213 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er février 2018 et un mémoire, enregistré le 11 octobre 2018 , M. C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement no 1701213 du tribunal administratif de Lyon du 3 octobre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du préfet du Rhône refusant de régulariser sa situation au regard du droit au séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros qui sera versée à B...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Lyon n'a pas pris en compte l'erreur de fait dont est entachée la décision attaquée du préfet du Rhône en considérant qu'il ne justifiait pas d'une inscription pour l'année 2016/2017 dans une filière d'études supérieures ; l'administration devait solliciter les pièces manquantes de son dossier en vertu de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- Le tribunal a commis une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation en indiquant que le projet de thèse était imprécis, et en considérant que ce projet n'avait été formalisé que postérieurement à la décision attaquée ;

- Le tribunal a également commis une erreur de fait sur son parcours universitaire qui s'est déroulé de façon cohérente et sans redoublement ;

- L'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-7 et R.313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

- L'arrêt méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2018, préfet du Rhône a informé la cour qu'il avait délivré, à titre gracieux, un titre de séjour en qualité d'étudiant à M. C... et conclut par suite au non lieu à statuer.

Le bureau d'aide juridictionnel a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. C... par une décision du 12 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pierre Thierry.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain né en 1986, expose qu'il est entré régulièrement en France en août 2009 au bénéfice d'un visa court séjour de 30 jours délivré par les autorités espagnoles où il a poursuivi des études. Par un arrêté du 30 septembre 2016 le préfet du Rhône a rejeté la demande de titre de séjour qu'il avait formé le 12 avril 2016 sur le fondement des dispositions des articles L. 313-7, 7° du L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. M. C... relève appel du jugement du 3 octobre 2017 du tribunal administratif de Lyon ayant rejeté sa demande en annulation contre cet arrêté.

Sur l'étendue du litige :

2. M. C... et le préfet du Rhône ont informé la cour que par une décision du 3 mai 2018, le préfet du Rhône a accepté de délivrer un titre de séjour à M. C... en qualité d'étudiant. Le préfet du Rhône fait valoir que dans ces circonstances il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. C....

3. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.

4. La décision du 3 mai 2018 a implicitement mais nécessairement eu pour effet d'abroger l'obligation de quitter le territoire français qui pesait sur M. C.... Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette obligation a été exécutée ou qu'elle a été suivie d'effet, il n'y a plus lieu, en application des principes mentionnés au point précédent, de statuer sur les conclusions en annulation de M. C... concernant cette obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, celles fixant le délai de départ et le pays de destination, prises pour son application.

5. La délivrance d'un titre de séjour à M. C... n'a toutefois pas eu pour effet de faire disparaître de l'ordre juridique la décision lui refusant un titre de séjour. Il y a lieu, par suite de statuer sur les conclusions de ce dernier tendant à son annulation.

6. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté par les motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon au point 6 de son jugement, et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

7. Aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable aux fait de l'espèce : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. ". Le même code dispose, à son article R.313-1 que : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : (...) 3° Sauf stipulation contraire d'une convention internationale applicable en France, un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois autre que celui mentionné au 3° de l'article R. 311-3 ; (...) " et à son article R.313-10, que : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 3° de l'article R. 313-1 : 1° L'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études. Sauf cas particulier, l'étranger doit justifier avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. Il est tenu compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études ; ".

8. Il ressort des motifs mentionnés dans l'arrêté attaqué que, pour refuser de délivrer le titre de séjour que M. C... avait sollicité sur le fondement de l'article L. 311-7, le préfet du Rhône s'est fondé sur la circonstance que ce dernier était entré en France sans visa de long séjour, qu'il ne justifiait pas d'une inscription pour l'année universitaire 2016-2017 et qu'il avait poursuivi ses études en se maintenant sciemment pendant plusieurs années en situation irrégulière.

9. Si M. C... avait fait part au préfet du Rhône dans sa demande de titre de séjour du 12 avril 2016 de son souhait de s'inscrire en cycle de doctorat, il ressort des pièces du dossier que l'attestation du professeur Paoli acceptant d'être son directeur de thèse est datée du 19 octobre 2016, les démarches d'inscription de M. C... dans ce cycle n'ont été formalisées qu'à partir du 20 octobre 2016 et l'attestation de son inscription ne lui a été délivrée que le 6 décembre 2016. Par suite le tribunal administratif de Lyon n'a pas commis d'erreur en écartant le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône a entaché son arrêté d'une erreur de fait en constatant qu'il ne justifiait pas d'une inscription universitaire au titre de l'année 2016-2017 à la date de la décision attaquée. Il ne ressort de ces mêmes pièces ni que le projet de thèse de M. C... ait été précisément défini avant cette date, ni que la période normale d'inscription en thèse justifiait que le préfet différât le moment de sa décision, ni, enfin, que le requérant l'ait informé de ce que cette inscription pour l'année 2016-2017 interviendrait en décembre 2016. Le requérant n'est dès lors, et en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône aurait dû attendre cette inscription avant de prendre sa décision.

10. M. C... expose qu'après avoir obtenu en 2005 un baccalauréat en lettres modernes il a mené un parcours universitaire qui l'a conduit à obtenir au Maroc en 2008 une licence en Etudes hispaniques et d'être intégré en 2009 à l'Ecole Supérieure Roi Fahd de Traduction à Tanger. Ayant bénéficié d'une bourse pour étudier en Espagne, où il a séjourné avant d'arriver en France, M. C... a, en 2009, souhaité, sans y parvenir, intégrer dans ce pays l'école supérieure interprètes et traducteurs. Pour l'année 2010-2011 il a échoué à valider le master 1 de langues et cultures étrangères " spécialité espagnol ", à l'université Lumière Lyon 2 dans lequel il était inscrit, mais y est parvenu l'année universitaire suivante. Pour l'année 2012-2013, M. C... s'est réinscrit au même master 1, cette fois-ci avec la " spécialité arabe " dont il a obtenu le diplôme correspondant. Il a ensuite poursuivi son cursus en s'inscrivant pour l'année 2013-2014 en Master 2 " langues et cultures étrangères " (LCE) mais n'a validé pour cette année que le module des enseignements, comptant pour 50% de la note finale. Inscrit pour l'année 2014-2015 dans le même master, pour soutenir le mémoire de recherche et, parallèlement, à un second Master 2 " Système d'Information et Ingénierie Linguistique et Traduction " (SIMIL-TRA) spécialité arabe, M. C... expose qu'il n'a pas pu valider la seconde partie de son diplôme de Master 2 " langues et cultures étrangères " et qu'il a dû par suite se réinscrire à ce même master, pour l'année 2015-2016. Ayant également échoué à valider son second master 2 SIMIL-TRA, il s'est inscrit pour la troisième fois en Master 2 LCE et s'est réinscrit en master 2 SIMIL-TRA. Il a obtenu ses deux MASTER avec mention bien.

11. En raison de ce qu'il a fallu trois années à M. C... pour obtenir son diplôme de master 2 LCE et deux ans pour obtenir celui de master 2 SIMIL-TRA, la circonstance que le tribunal administratif de Lyon a inexactement mentionné dans le jugement attaqué que M. C... a obtenu son master 2 LCE après deux redoublements n'est pas nature à infirmer le motif retenu par les premiers juges au point 4 de leur jugement, cette erreur n'étant par elle même pas de nature à modifier l'appréciation qu'ils ont portée sur la cohérence et la durée du cursus universitaire du requérant en France.

12. Le moyen tiré de la méconnaissance les dispositions de l'article L. 313-7 et R.313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté par les motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon aux points 7 et 8 de son jugement, et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter ;

13. M. C... expose qu'à la date de la décision attaquée, il vivait en France depuis près de sept années, que sa soeur vit en France et qu'il y a tissé un réseau social et d'amitié intense. Il ressort des pièces du dossier que M. C... participe activement à la vie et l'action de plusieurs associations à vocation humanitaire ou culturelle notamment musicale. Il produit de nombreuses attestations circonstanciées sur cette implication, la vie sociale et l'insertion dans la société française qui l'accompagnent. Sa vie en France étant toutefois essentiellement justifiée par la poursuite de ses études il en découle un caractère provisoire qui ne lui donne pas vocation à s'installer durablement sur le territoire français. Qu'ainsi, et alors que M. C... est célibataire et sans enfant, qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 23 ans où il a obtenu ses premiers diplômes et où il n'est pas démuni d'attaches familiales, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français le préfet du Rhône a porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale et qu'il a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. La requête de M. C... étant rejetée, il s'ensuit que doivent être également rejetées, d'une part, ses conclusions à fin d'injonction, puisque la présente décision n'appelle aucune mesure d'exécution et, d'autre part, celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, celles-ci faisant obstacle à ce que le tribunal fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge, M. C... n'ayant au demeurant pas été admis à l'aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête susvisée de M. C...en tant qu'elles sont dirigées contre les décisions du préfet portant obligation de quitter le territoire français, fixation du délai de départ et du pays de destination.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête susvisée est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur

M. Pierre Thierry premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 novembre 2018.

3

No 18LY00406


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00406
Date de la décision : 13/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Procédure - Incidents - Non-lieu.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DELBES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-13;18ly00406 ?
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