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13/11/2018 | FRANCE | N°17LY02554

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2018, 17LY02554


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de renouveler sa carte de résident ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de résident dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer sans délai un récépissé de demande de renouvellement de carte de séjour l'autorisant à travailler ;<

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3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de renouveler sa carte de résident ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de résident dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer sans délai un récépissé de demande de renouvellement de carte de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1603315 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implicite susmentionnée et enjoint au préfet de l'Isère de délivrer, sous astreinte, une carte de résident à M. A....

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 juin 2017, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement du 20 avril 2017 et de rejeter la demande de M. A....

Il soutient que :

- il a communiqué les motifs de sa décision à M. A... le 11 avril 2017 ;

- il a pu légalement refuser de procéder au renouvellement de la carte de résident de M. A... en application de l'article L. 314-6-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'intéressé représentait une menace pour l'ordre public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2018, M. A..., représenté par la SCP Couderc-B..., avocats, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.

Il fait valoir que :

- la décision en litige est dépourvue de motivation ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les dispositions de l'article L. 314-6-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables en l'espèce ;

- le refus de renouvellement de sa carte de résident méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et procède d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2018 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi signé à Rabat le 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère,

- et les observations de Me B... pour M. A... ;

1. Considérant que M. A..., ressortissant marocain né en 1966, résidant en France depuis 1970, a bénéficié d'une carte de résident à compter de 1982, qui a été régulièrement renouvelée jusqu'à l'expiration de la dernière carte, le 18 décembre 2012 ; que, par arrêté du 11 août 2014, le préfet de l'Isère a rejeté la demande de renouvellement de ce titre de séjour présentée par M. A... le 24 novembre 2011, ainsi que le recours gracieux formé par ce dernier contre cet arrêté ; que ces décisions ont été annulées par le tribunal administratif de Grenoble par un jugement du 3 décembre 2015 devenu définitif ; que, par courrier du 28 décembre 2015, M. A... a rappelé aux services de la préfecture de l'Isère qu'en raison de cette annulation, le préfet était de nouveau saisi de sa demande de renouvellement de sa carte de résident et a sollicité, dans l'attente, la délivrance d'un récépissé de demande de renouvellement de cette carte avec autorisation de travail ; que le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 20 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implicite de rejet née du silence qu'il a gardé sur cette demande et lui a enjoint, sous astreinte, de délivrer une carte de résident à M. A... ;

2. Considérant que, si le silence gardé par l'administration sur un recours gracieux ou hiérarchique fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application des dispositions de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979, se substitue à la première décision ; qu'il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que la requête de M. A... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de renouvellement de sa carte de résident doit être regardée comme dirigée contre la décision explicite du 11 avril 2017 par laquelle le préfet a confirmé ce refus et, d'autre part, que cette décision dûment motivée s'étant substituée à la décision implicite initialement intervenue, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision, en méconnaissance des dispositions de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979, auxquelles ont été substituées celles de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté ; que, par suite, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé pour défaut de motivation la décision implicite née du silence gardé par le préfet sur la demande formée par M. A... le 28 décembre 2015 ;

4. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble et en appel ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-6-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de résident d'un étranger qui ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion en application des articles L. 521-2 ou L. 521-3 peut lui être retirée s'il fait l'objet d'une condamnation définitive sur le fondement des articles 433-3, 433-4, des deuxième à quatrième alinéas de l'article 433-5, du deuxième alinéa de l'article 433-5-1 ou de l'article 433-6 du code pénal. / La carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " lui est délivrée de plein droit. " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que si aucune restriction tenant à 1'existence d'une menace à 1'ordre public n'est prévue au renouvellement, qui est de plein droit, d'une carte de résident, l'autorité administrative peut toutefois refuser ce renouvellement à un étranger qui ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion en application des articles L. 521-2 ou L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui fait l'objet d'une condamnation définitive sur le fondement des articles du code pénal mentionnés au point précédent, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " lui étant alors délivrée de plein droit ;

7. Considérant qu'il ressort des termes de la décision du 11 avril 2017 que, pour refuser de procéder au renouvellement de la carte de résident de M. A..., le préfet de l'Isère s'est notamment fondé sur ce que l'intéressé, contre lequel une mesure d'expulsion ne peut être prononcée, avait fait l'objet, les 25 mai 2004 et 11 mai 2010, de deux condamnations devenues définitives pour des infractions prévues au deuxième alinéa de l'article 433-5 du code pénal ; qu'à supposer même que le préfet ait, par un motif surabondant, commis une erreur de droit en considérant que M. A... représentait une menace pour l'ordre public, le motif tiré de ces deux condamnations était, compte tenu des dispositions précitées de l'article L. 314-6-1, était de nature à justifier à lui-seul le refus du préfet de procéder au renouvellement de sa carte de résident ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

9. Considérant qu'en application du second alinéa de l'article L. 314-6-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Isère a délivré à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " qui l'autorise à séjourner en France où il a établi le centre de ses intérêts privés et familiaux ; que, dès lors, le refus de renouvellement de sa carte de résident ne porte pas, par lui-même, à son droit à une vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1603315 du tribunal administratif de Grenoble du 20 avril 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de l'Isère et à M. C... A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,

Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 novembre 2018.

5

N° 17LY02554


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02554
Date de la décision : 13/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-13;17ly02554 ?
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