La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/2018 | FRANCE | N°17LY00346

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2018, 17LY00346


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Clermont-Ferrand à lui payer les sommes de 16 032,88 euros, 7 000 euros et 35 000 euros correspondant aux préjudices résultant des pertes de rémunération, des " préjudices moraux et financiers " et du préjudice moral qu'elle estime avoir subis en raison de son licenciement, outre la condamnation de ladite commune à lui payer une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de just

ice administrative ;

Par un jugement n° 1402055 du 1er décembre 2016,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Clermont-Ferrand à lui payer les sommes de 16 032,88 euros, 7 000 euros et 35 000 euros correspondant aux préjudices résultant des pertes de rémunération, des " préjudices moraux et financiers " et du préjudice moral qu'elle estime avoir subis en raison de son licenciement, outre la condamnation de ladite commune à lui payer une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par un jugement n° 1402055 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2017 et des mémoires, enregistrés le 9 février 2018 et le 6 juin 2018, Mme A..., représentée par Me D..., demande dans le dernier état de ses écritures à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 1er décembre 2016 ;

2°) de condamner commune de Clermont-Ferrand à lui payer les sommes de 12 135,15 euros en réparation du préjudice découlant des pertes de rémunération qu'elle estime avoir subies pour la période du 8 avril 2013 au 19 octobre 2014, 7 000 euros en réparation des " préjudices moraux et financiers " qu'elle estime avoir subis pour la même période et 35 000 euros en réparation des préjudices moraux liés à son licenciement illégal et la privation illégale de ses fonctions au service de la commune pour la même période ;

3°) de mettre à la charge de commune de Clermont-Ferrand la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* son licenciement ayant été annulé, il est censé n'avoir jamais existé, elle a dès lors droit à l'indemnisation des pertes de traitement et salaires qu'elle a subis, c'est ainsi à tort que le jugement du 1er décembre 2016 a rejeté sa demande de condamnation à lui payer la somme de 16 032,88 euros pour la période d'avril 2013 au 19 octobre 2014 ;

* le jugement n'a pas tiré les conséquences de la nullité du licenciement du 5 avril 2013 car elle a subi des préjudices financiers et moraux consécutifs à la privation illégale de ses fonctions dont elle ne saurait être tenue responsable. Elle a droit à ce titre à 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sa réintégration tardive.

* Elle a souffert de graves troubles suite aux difficultés auxquelles elle a été confrontée pour rechercher une nouvelle activité face au silence de la commune en réponse à sa demande de réintégration du 30 juin 2014, elle a été placée sous antidépresseurs et a été hospitalisée du 28 avril au 16 mai 2014. Elle a été en arrêt maladie pour troubles anxieux majeurs du 24 avril au 22 août 2014. Elle a, à ce titre, droit à une indemnisation de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices moraux consécutifs à son licenciement illégal et à la privation de ses fonctions.

Par un mémoire en défense, présenté par la Selarl Dmmjb avocats enregistré le 30 avril 2018, la commune de Clermont-Ferrand conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

* en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déjà examiné et rejeté de telles conclusions, Mme A... ne peut à nouveau présenter des conclusions indemnitaires pour un montant de 35 000 euros ;

* En l'absence de service fait, elle ne peut prétendre à une indemnisation de 16 032,88 euros pour la période du 8 avril 2013 au 19 octobre 2014 ;

* La demande d'indemnisation pour 7 000 euros en réparation de son préjudice moral est irrecevable faute d'avoir été précédée d'une demande préalable ;

* Elle a perçu des indemnités chômage pendant 730 jours.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* le code de la sécurité sociale ;

* le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ;

* le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune de Clermont-Ferrand ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... qui avait été recrutée en qualité d'agent contractuel en 2002 par la commune de Clermont-Ferrand, a été licenciée par une décision du 5 avril 2013 du maire de cette commune. Cette dernière décision a été annulée en raison de son insuffisante motivation par jugement du 21 novembre 2013 le tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a également rejeté les conclusions par lesquelles Mme A...demandait la condamnation de la commune à lui verser une indemnité de 35 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi à raison de son licenciement. Par un courrier daté du 24 septembre 2014 adressé à la commune, Mme A... a renouvelé une demande de réintégration qu'elle avait déjà formée et a demandé à être indemnisée des pertes de rémunération et du préjudice moral qu'elle estimait avoir subis. Par un jugement du 1er décembre 2016 dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune à lui payer les sommes de 16 032,88 euros en réparation du préjudice découlant des pertes de rémunération, 7 000 euros en réparation des " préjudices moraux et financiers " et 35 000 euros en réparation du préjudice moral découlant de son licenciement.

Sur les conclusions relatives aux pertes de rémunération découlant du licenciement :

2. En cas d'annulation par le juge de l'excès de pouvoir d'une mesure illégale d'éviction, l'agent doit être regardé comme n'ayant jamais été évincé de son emploi et cette annulation a pour effet de le replacer dans la situation administrative où il se trouvait avant l'intervention de la mesure contestée et implique, le cas échéant, sa réintégration. La circonstance que la décision du 5 avril 2013 par laquelle la commune de Clermont-Ferrand a licencié Mme A... a été annulée pour un vice touchant à sa légalité externe ne faisait pas, par elle-même, obstacle à ce que l'intéressée soit indemnisée du préjudice résultant de son éviction irrégulière.

3. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu du comportement de l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la décision d'éviction du service, la même décision ou une décision emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration ;

4. Par le jugement du 21 novembre 2013 mentionné au point 1, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision de licenciement de Mme A... pour un motif de légalité externe. Il a toutefois également rejeté les conclusions indemnitaires de Mme A... fondées sur la responsabilité pour faute de la commune du fait du caractère illégal du licenciement au motif que le licenciement de Mme A... était justifié par le comportement de l'intéressée qui avait quitté le service dans le cadre d'un congé de maladie, non seulement en s'abstenant de prendre les mesures propres à remédier à son absence, mais également en conservant par devers elle des clefs et mots de passe, empêchant ainsi les membres du groupe d'élus UMP auquel elle était rattachée, d'accéder à leurs bureaux et armoires ainsi qu'aux données déposées sur leurs matériels informatiques et qui avait " pris fait et cause pour la minorité dissidente " lors d'une scission du groupe d'élus municipaux UMP en dépit de sa qualité de collaborateur dudit groupe d'élus. Il résulte de ces motifs qui constituent le soutient nécessaire du dispositif du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, lequel est devenu, faute de recours en appel, définitif, que la faute commise par l'administration en prenant cette décision de licenciement illégale n'est pas à l'origine des préjudices financiers et moraux invoqués par Mme A... découlant de la perte de son emploi.

Sur le préjudice lié à l'absence de réintégration à la suite du jugement du 21 novembre 2013 :

5. Ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, à la suite de l'annulation de la décision de licenciement, la commune de Clermont-Ferrand devait replacer Mme A... dans la situation administrative où elle se trouvait avant l'intervention de la mesure et devait la réintégrer juridiquement. La commune a choisi d'aller au delà de cette seule obligation de réintégration juridique et de réintégrer définitivement Mme A... à compter du 20 octobre 2014. Dans ces circonstances, le seul fait que la commune de Clermont-Ferrand n'a pas procédé à la réintégration juridique de l'intéressée dans un délai qui aurait pu être plus court, à la suite de la notification du jugement du 21 novembre 2013 n'est pas de nature à faire naitre un préjudice moral.

6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions à fin de condamnation de Mme A... doivent être rejetées.

Sur les frais du litige :

7. Il résulte des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que la cour administrative d'appel ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge en vertu de ces dispositions ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme A... doivent, dès lors, être rejetées. Il n'y a pas lieu, d'autre part dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme demandée par la commune de Clermont-Ferrand, à ce même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Clermont-Ferrand relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., et à la commune de Clermont-Ferrand.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,

M. Pierre Thierry premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 novembre 2018.

2

N° 17LY00346


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : PITAUD QUINTIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 13/11/2018
Date de l'import : 27/11/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17LY00346
Numéro NOR : CETATEXT000037640597 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-13;17ly00346 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award