Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder la restitution d'une somme de 29 327 euros correspondant à la fraction non utilisée de la réduction d'impôt sur le revenu à laquelle il estime avoir droit au titre de l'année 2013 sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts.
Par un jugement n° 1601348 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juin 2017 et le 13 février 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 mai 2017 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de lui accorder la restitution du crédit d'impôt au titre de l'année 2013 en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est recevable ;
- le caractère productif de l'investissement implique l'acquisition ou la création de moyens d'exploitation, permanents ou durables, capables de fonctionner de manière autonome selon la doctrine administratif référencée 5 B-15-99 n° 13, 5 B-2425 n° 13, 1-9-1999, 5 B-2-07 n° 22 et 4 H-2-07 n° 18 ;
- l'investissement avait conservé son caractère productif, dès lors que si l'entreprise locataire ne payait plus les loyers, elle n'avait pas cessé son activité, ni l'exploitation du bateau ;
- à titre subsidiaire, à supposer que l'investissement n'était plus productif, les circonstances justifient l'attribution du crédit d'impôt, dès lors que les raisons des manquements reprochés au contribuable relèvent du fait du tiers à raison de la défaillance de la société locataire et de la force majeure eu égard à son état de santé à partir d'octobre 2010, indépendante de sa volonté ; le non-respect des conditions de la réduction d'impôt sont extérieures au contribuable ;
- en application de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, le contribuable est fondé à demander l'imputation du déficit d'exploitation sur le supplément d'impôt sur le revenu résultant de la remise en cause de la réduction d'impôt au titre de l'investissement outre-mer ;
- en vertu du régime de preuve objective applicable à l'espèce, l'administration ne combat pas efficacement les éléments fournis et n'apporte pas la preuve que le bateau n'a pas été exploité ; s'il a admis ne pas avoir perçu de loyers au titre des années 2011 et 2012, l'administration n'avance aucune preuve quant à l'absence de validité du premier versement s'agissant du virement effectué par le transitaire en douane ; il démontre que le locataire n'a pas cessé d'exploiter le bateau malgré l'absence de versement des loyers.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2018, le ministre de l'action et de comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que :
- en l'absence de critique du jugement attaqué, la requête est manifestement irrecevable dans la mesure où elle se borne à reproduire les termes et moyens présentés à l'appui de sa demande de première instance ;
- l'administration a démontré l'absence de caractère productif de l'investissement ;
- aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant de M. B...;
Considérant ce qui suit :
1. Ayant acquis le 8 octobre 2007 dans le cadre de son entreprise individuelle, un voilier donné en location à la société Caraïbe Yachts, située à Pointe-à-Pitre, M. A... B... a bénéficié, à partir de l'imposition des revenus de l'année 2007 et jusqu'en 2012, de la réduction d'impôt en faveur des investissements réalisés outre-mer prévue par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, pour un montant d'investissement HT de 192 804 euros. Estimant devoir bénéficier de la fraction non utilisée de la réduction d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013, M. B... a présenté, le 12 septembre 2014, une réclamation tendant à la restitution d'une somme de 29 327 euros correspondant au reliquat non imputé de réduction d'impôt dû au titre de l'investissement réalisé outre-mer. L'administration fiscale a rejeté cette demande par décision du 11 mars 2016. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 18 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la restitution de cette somme.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ;
2. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa version applicable à l'espèce : " 1. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34.(...) Lorsque le montant de la réduction d'impôt excède l'impôt dû par le contribuable ayant réalisé l'investissement, le solde peut être reporté, dans les mêmes conditions, sur l'impôt sur le revenu des années suivantes jusqu'à la cinquième inclusivement. Toutefois, sur demande du contribuable qui, dans le cadre de l'activité ayant ouvert droit à réduction, participe à l'exploitation au sens des dispositions du 1° bis du I de l'article 156, la fraction non utilisée peut être remboursée à compter de la troisième année, dans la limite d'un montant de 100 000 euros par an ou de 300 000 euros par période de trois ans. (...) Si, dans le délai de cinq ans de son acquisition ou de sa création ou pendant sa durée normale d'utilisation si elle est inférieure, l'investissement ayant ouvert droit à réduction d'impôt est cédé ou cesse d'être affecté à l'activité pour laquelle il a été acquis ou créé, ou si l'acquéreur cesse son activité, la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année au cours de laquelle cet événement est intervenu. (...) La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location (...) Si, dans le délai de cinq ans de la mise à disposition du bien loué ou pendant sa durée normale d'utilisation si elle est inférieure, l'une des conditions visées au présent alinéa cesse d'être respectée, la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année au cours de laquelle cet événement se réalise. (...) Il n'est pas procédé à la reprise (...) lorsque, en cas de défaillance de l'entreprise locataire, les biens ayant ouvert droit à la réduction d'impôt sont donnés en location à une nouvelle entreprise qui s'engage à les maintenir dans l'activité pour laquelle ils ont été acquis ou créés pendant la fraction du délai de cinq ans restant à courir dans les conditions prévues au présent alinéa. ".
3. Il résulte de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, le fait générateur de la réduction d'impôt s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location à compter de la date à partir de laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut procéder à son exploitation effective et l'investissement être, dès lors, productif de revenus pour le preneur et, par voie de conséquence, pour le bailleur par le biais de loyers.
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable remplit les conditions légales du dispositif de réduction d'impôt auquel il prétend être éligible. Au cas d'espèce, il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction, si le contribuable remplit les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par les dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts.
5. Il résulte de l'instruction que l'entreprise individuelle Eric B..., constitué le 1er octobre 2007 en vue d'acquérir des navires de plaisance et de les mettre en location (coque nue) dans les départements d'outre-mer, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité selon la procédure contradictoire sur les exercices clos les 31 décembre 2011 à 2013, au cours de laquelle le contribuable n'a pas été en mesure de produire les livres de bord du navire permettant d'attester de la réalité de l'exploitation commerciale du voilier acquis lors de sa création. L'administration fiscale a, en outre, constaté, qu'il ressortait de la comptabilité présentée qu'au cours de la période contrôlée aucun loyer n'avait été versé par le preneur, la société Caraïbe Yachts, et que les créances clients constatées avaient été systématiquement soldées par le compte de l'exploitant. Dans le cadre du débat oral et contradictoire, le contribuable a admis n'avoir reçu aucun loyer de la part du preneur sur un autre compte bancaire au titre des années 2011 et 2012, seul un virement bancaire de 9 000 euros a été constaté au 11 décembre 2008, libellé " remboursement de taxe sur la valeur ajoutée ". L'administration fiscale fait valoir que les opérations de contrôle ont révélées que la SARL Caraïbe Yachts n'exerçait plus aucune activité à Pointe-à-Pitre depuis 2010, que ses locaux ont été remis en location en juillet 2011 et a cessé son activité au 31 décembre 2012, en sorte que M. B... ne peut soutenir que l'absence de versements des loyers correspondait à une simple interruption ne remettant pas en cause l'exploitation du bien alors qu'il lui incombait d'assurer l'exploitation du bien. Les mouvements sociaux intervenus en 2009 sont également sans incidence sur le bien-fondé de la décision de refus litigieuse concernant la restitution d'une réduction d'impôt au titre de 2013. Il résulte de l'instruction que le contribuable n'a entrepris aucune action à l'encontre de la société locataire défaillante en vu de recouvrer les impayés, et n'a entrepris aucune démarche pour confier l'exploitation commerciale du voilier à un autre locataire situé outre-mer. Dans ces conditions, en l'absence, y compris en 2013, d'encaissements de loyers ou de démarches pour en obtenir le paiement ou de diligences tendant à confier l'exploitation commerciale du voilier à un autre locataire ultra-marin, c'est à bon droit que l'administration a considéré que l'investissement réalisé, n'étant plus productif de revenus, ne pouvait ouvrir droit à son propriétaire, M. B..., au bénéfice de la réduction d'impôt au titre de toute la période vérifiée, y compris l'année 2013. La circonstance que le voilier aurait néanmoins navigué pendant cette période est sans incidence sur l'application des dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dès lors que n'est pas établie l'exploitation commerciale et productive de revenus du voilier au bénéfice de l'investisseur. Le fait du tiers ne saurait être invoqué s'agissant de la défaillance du cocontractant chargé de l'exploitation du bien intervenue avant l'expiration du délai de cinq ans, alors qu'il incombait à M. B... de s'assurer de l'exploitation commerciale effective de son bateau par le preneur et le recouvrement des loyers ou d'effectuer toutes les diligences requises pour continuer à bénéficier de la réduction d'impôt. La force majeure invoquée relative à l'état de santé du contribuable, dont le caractère imprévisible ne ressort pas des pièces du dossier, n'est pas davantage de nature à l'exonérer de ses obligations, en tant qu'investisseur, relatives à l'exploitation productive du voilier qui conditionne le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts.
6. M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de la garantie prévue par les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales en invoquant la doctrine administrative référencée 5 B-15-99 n° 13, 5 B-2425 n° 13, 1-9-1999, 5 B-2-07 n° 22 et 4 H-2-07 n° 18 selon laquelle " la notion même d'investissement productif implique l'acquisition ou la création de moyens d'exploitation, permanents ou durables, capables de fonctionner de manière autonome " qui n'ajoute rien à la loi, le requérant admettant lui-même en invoquant les termes de cette doctrine que le bateau en cause constitue un moyen d'exploitation autonome qu'il " a mis en location pour être exploité ".
7. M. B... soutient qu'en application de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, il est fondé à demander l'imputation du déficit d'exploitation sur le supplément d'impôt sur le revenu résultant de la remise en cause de la réduction d'impôt au titre de l'investissement outre-mer. Toutefois, le déficit résultant de l'absence de compensation des remboursements d'emprunt pour l'acquisition du bien par les loyers non recouvrés, alors que l'exploitation commerciale du voilier au titre de l'année 2013 n'est pas établie, ne permet pas de regarder l'entreprise individuelle Eric B... comme ayant exercé une activité réelle occasionnant des dépenses en vue de la conservation de revenus, ouvrant droit à l'imputation du déficit correspondant aux frais et charges supportées. Par suite, la demande de compensation doit être rejetée.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique le 6 novembre 2018.
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N° 17LY02544