Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL L'Emile Brochettes Dijon a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 novembre 2012, et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011.
Par un jugement nos 1403892-1600445 du 15 février 2017, le tribunal administratif de Dijon, après avoir constaté un non-lieu à statuer en matière de rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 2 873 euros en droits et 69 euros en pénalités dont l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement le 8 août 2016 en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 6 mai 2017, la SARL L'Emile Brochettes Dijon, représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 février 2017, notifié le 8 mars 2017, du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande enregistrée sous le n° 1600445 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 13 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL L'Emile Brochettes Dijon soutient que :
- la procédure de rectification est entachée d'irrégularité du fait de la partialité du vérificateur et de l'absence de débat oral et contradictoire ;
- la reconstitution selon la méthode des liquides témoigne de sa partialité dès lors qu'aucune anomalie n'a été relevée au niveau des liquides ;
- elle n'était pas tenue de conserver ses tickets Z et les notes clients pour justifier de ses recettes journalières ; la doctrine administrative prévue par l'instruction n° 4 A-10-85 du 10 septembre 1985 autorise les enregistrements globaux des recettes journalières inférieures au seuil de 76 euros ;
- compte tenu de sa situation d'endettement la société n'était pas en mesure de dissimuler du chiffre d'affaires ;
- la comptabilité présentée était probante et ne pouvait être rejetée par l'administration fiscale ;
- en l'absence d'anomalie relevées sur le poste des liquides, la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires uniquement sur les " reventes de produits boissons " est excessivement sommaire et radicalement viciée dans son principe ;
- les sommes correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée déduite par anticipation doivent être compensées par celle qui l'ont été avec retard, l'Etat n'ayant subi aucun préjudice financier ;
- au regard des faits précités, l'élément intentionnel du manquement délibéré sanctionné n'est pas établi par l'administration fiscale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la SARL L'Emile Brochettes Dijon n'est fondé.
La cour a demandé, par courrier du 24 juillet 2018, au ministre de l'action et des comptes publics s'il entendait prononcer le dégrèvement des impositions contestées mises à la charge de la société L'Emile Brochettes Dijon.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics a informé que, sous réserve de l'appréhension de l'affaire par la cour, il comptait maintenir les impositions en litige à la charge de la SARL L'Emile Brochettes Dijon.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 30 août 2018, la SARL L'Emile Brochettes Dijon persiste dans ses écritures.
Elle soutient que :
- la procédure de vérification est entachée de vice en ce qu'elle n'a pas respectée les dispositions de la Charte du contribuable vérifié, dès lors qu'elle n'a pu rencontrer le directeur divisionnaire, et qu'elle n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire effectif compte tenu de la partialité du vérificateur ;
- sa comptabilité n'est pas tenue au moyen d'un logiciel de caisse ;
- l'absence de conservation des pièces justificatives des encaissements journaliers ne peut lui être reproché ;
- les minorations ne sont pas établies dès lors que sa comptabilité est probante, qu'aucune incohérence n'a été relevée dans ses achats ou dans ses stocks et que ses taux de marge sont dans la norme ; ses difficultés financières, liées au remboursement de son endettement, confirmées depuis lors par son placement en redressement judiciaire, démontrent qu'elle n'a pu dissimuler du chiffre d'affaires ;
- elle a justifié les trois factures non comptabilisées dont le montant est dérisoire et ne saurait fonder la reconstitution de son chiffre d'affaires selon la méthode des liquides ; les données issues de discussion entre le vérificateur et le gérant ne sauraient constituer des données fiables.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics persiste dans ses écritures.
Le ministre expose, en outre, que le moyen tiré de la partialité de l'administration fiscale manque en fait, la société, suite à ses observations, ayant bénéficié d'un entretien avec le supérieur hiérarchique qui a confirmé les rectifications sans que, postérieurement à cette confirmation, la société ne réitère sa demande d'interlocution auprès du directeur divisionnaire départemental avant la mise en recouvrement des impositions contestées ; elle n'a donc été privée d'aucune garantie ; l'administration fiscale n'était pas tenue d'accorder à la requérante un entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur ou l'interlocuteur départemental.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL L'Emile Brochettes Dijon, qui exploite un bar-restaurant situé Place Emile Zola à Dijon, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, étendue au 30 novembre 2012 en matière de taxe sur la valeur ajoutée à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assortis de pénalités pour manquement délibéré lui ont été notifiés suivant la procédure de rectification contradictoire. Par la présente requête, la SARL L'Emile Brochettes Dijon relève partiellement appel du jugement du tribunal administratif de Dijon du 15 février 2017 en tant qu'il a, après avoir constaté un non-lieu à statuer sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée déduit de manière anticipée dégrevé par l'administration fiscale en cours d'instance, a rejeté le surplus de ses conclusions à fin de décharge des impositions restant en litige.
Sur la régularité de la procédure de vérification et d'imposition :
En ce qui concerne le débat oral et contradictoire :
2. Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Alors même que la vérification s'est déroulée à la demande du contribuable dans les locaux d'une autre société, cette circonstance ne fait pas obstacle au déroulement du débat oral et contradictoire, la charge de la preuve continue néanmoins de peser sur le contribuable pour démontrer qu'il a en fait été privé de cette possibilité.
3. La SARL L'Emile Brochettes Dijon soutient qu'elle a été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. L'administration fiscale fait valoir que, lors des opérations de contrôle, le vérificateur a rencontré le gérant de la SARL L'Emile Brochettes Dijon, M. B... D..., à plusieurs reprises à l'occasion de ses interventions dans les locaux de l'unique associé de la SARL, la holding PR Invest, où se trouvait la comptabilité de la société vérifiée et où les opérations de contrôle se sont déroulées à sa demande, puis lors de la réunion de synthèse qui s'est tenue le 5 juin 2013, dans ces mêmes locaux en présence du gérant de la société et de son comptable. La SARL L'Emile Brochettes Dijon reproche au vérificateur de n'avoir évoqué l'existence d'anomalies de stocks " liquides " et de factures non comptabilisées pour la première fois que dans la proposition de rectification. Cette circonstance est contestée par l'administration qui se prévaut d'échanges par courriels les 3 mai, 27 mai et 28 mai 2013, en sus des discussions conduites lors des interventions sur place. La société n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle aurait été privée d'un débat oral et contradictoire effectif, ou que le vérificateur s'y serait refusé, ni que l'administration fiscale aurait, en l'espèce, fait preuve de partialité.
4. La circonstance que, postérieurement à la notification de la proposition de rectification, la SARL L'Emile Brochettes Dijon aurait, au stade de ses observations, partiellement justifié des anomalies constatées par le vérificateur lors des opérations de contrôle, n'est pas de nature à établir que la contribuable aurait été privée, au cours du contrôle de la garantie d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire effectif.
En ce qui concerne le bénéfice des garanties accordées par la charte du contribuable :
5. Les recours hiérarchiques, en cas de désaccord persistant sur les rectifications envisagées, résultent de la charte du contribuable vérifié qui prévoit que des éclaircissements supplémentaires sur les rehaussements notifiés peuvent être apportés par le supérieur hiérarchique du vérificateur, après que celui-ci a, en application des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales répondu aux observations du contribuable et informé celui-ci de la persistance du désaccord et des motifs de ce désaccord. La demande d'éclaircissements au supérieur hiérarchique ne peut donc qu'être postérieure à l'envoi par le vérificateur de la réponse aux observations du contribuable confirmant les rectifications envisagées. Par suite, l'administration fiscale n'entache pas d'irrégularité la procédure d'imposition en s'abstenant de donner suite à une demande prématurée de saisine formée lors de la présentation de ses observations par le contribuable, subordonnée à la condition que le vérificateur confirme ces rehaussements. De même la saisine de l'interlocuteur départemental, pour être recevable, doit être présentée après l'entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur en cas de persistance du désaccord. Lorsqu'elle a été exprimée prématurément, elle doit être réitérée après l'interlocution avec le supérieur hiérarchique.
6. Il résulte de l'instruction que, dans son courrier d'observations présenté le 30 août 2013, la SARL L'Emile Brochettes Dijon a sollicité, en réponse à la proposition de rectification, de pouvoir bénéficier des recours hiérarchiques si le désaccord devait persister. La demande d'une entrevue avec le supérieur hiérarchique du vérificateur n'a pas été renouvelée après que la société eut pris connaissance de la réponse de l'administration fiscale à ses observations du 14 octobre 2013. Le supérieur hiérarchique du vérificateur a, toutefois, accordé un entretien à la société le 21 novembre 2013 au terme duquel par courrier du 18 décembre 2013 l'administration fiscale a confirmé les rectifications envisagées. Postérieurement à ce courrier, la SARL L'Emile Brochettes Dijon n'a ni fait part de son désaccord persistant concernant les rectifications, ni réitéré sa demande d'interlocution départementale avant la mise en recouvrement des impositions supplémentaires le 15 avril 2014. Dans ces conditions, un tel entretien n'a donc été ni sollicité par la contribuable, ni refusé par l'administration fiscale qui n'était pas tenue de l'organiser. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir, en se prévalant des termes de la charte du contribuable vérifié, qu'elle aurait été privée d'une garantie.
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
7. Aux termes de l'article L. 85 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les contribuables doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les livres dont la tenue est rendue obligatoire par les articles L. 123-12 à L. 123-28 du code de commerce ainsi que tous les livres et documents annexes, pièces de recettes et de dépenses. A l'égard des sociétés, le droit de communication porte également sur les registres de transfert d'actions et d'obligations et sur les feuilles de présence aux assemblées générales. ".
8. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) ". En vertu de ces dispositions les contribuables qui sont soumis au régime d'imposition selon le bénéfice réel sont tenus de présenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables et pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats mentionnés dans leurs déclarations. Si les dispositions du 3° du I de l'article 286 du code général des impôts prévoient que les opérations au comptant d'un montant unitaire inférieur à 76 euros peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée, ces dispositions ne dispensent pas pour autant les contribuables de l'obligation de produire les pièces justificatives de l'exactitude de leurs recettes ainsi globalisées, tels que les bandes de caisse enregistreuse, les fiches de caisse ou les livres brouillards. Ces pièces sont indispensables pour justifier de l'exactitude des résultats au sens des dispositions précitées de l'article 54 du code général des impôts.
9. Dans le cadre des opérations de contrôle, le vérificateur a rejeté la comptabilité présentée au motif que la SARL L'Emile Brochettes Dijon n'était pas en mesure de présenter les justificatifs du détail des recettes journalières, se bornant à présenter les tickets Z totalisant les recettes journalières générés par la caisse enregistreuse utilisée par la société, qui n'était pas reliée au progiciel de comptabilité, sans produire aucune facture, ni le double des notes remises aux clients. La seule globalisation des recettes journalières non appuyées de pièces justificatives du détail des recettes était de nature à permettre à l'administration fiscale d'apporter la preuve qui lui incombe que la comptabilité présentée comportait de graves lacunes et était non probante et, par suite, c'est à bon droit que le vérificateur l'a écartée.
S'agissant de l'interprétation de la loi fiscale :
10. La SARL L'Emile Brochettes Dijon se prévaut de la doctrine administrative qui autorise les enregistrements globaux des recettes journalières inférieures au seuil de 76 euros, désormais référencée 4G3334 du 25 juin 1998. Toutefois, cette doctrine, qui ne comporte aucune interprétation différente de la loi fiscale, n'exonère pas le contribuable de son obligation de justifier du détail des recettes journalières. Par suite, la SARL L'Emile Brochettes Dijon n'est pas fondée à se prévaloir de la garantie prévue par les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
11. Ni sur le terrain de la loi, ni sur celui de la doctrine, le détail des recettes ne peut être justifié par la production de tableaux Excel qui sont aisément modifiables, et par suite, aucunement probants.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
12. Aux termes de l'article L. 192 du même livre : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) " .
13. Si la SARL L'Emile Brochettes Dijon a contesté les rectifications proposées, la charge de la preuve lui incombe en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales dès lors que l'administration fiscale a apporté la preuve que sa comptabilité comportait de graves irrégularités justifiant son rejet et que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été saisie du litige dans le cadre de la procédure contentieuse devant l'administration fiscale.
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
14. Il résulte de l'instruction que pour reconstituer le chiffre d'affaires, le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires " liquides ", à partir des factures des fournisseurs, puis a appliqué la méthode " des vins " pour déterminer le chiffre d'affaires global de l'établissement, en multipliant le chiffre d'affaires par un coefficient fondé sur le rapport entre les solides et les liquides. A partir des factures d'achats produites lors du contrôle et celles obtenues en complément par l'administration fiscale dans l'exercice de son droit de communication auprès des fournisseurs de la SARL L'Emile Brochettes Dijon, le vérificateur, après discussion avec les représentants de la société, a traduit les quantités relevées en unités de consommation ventilées par dose unitaire revendue selon le mode et le prix de vente pratiqué. Le nombre de doses revendues a été multiplié par le prix de vente TTC en appliquant le taux de taxe sur la valeur ajoutée correspondant au produit. Le vérificateur a tenu compte d'un taux d'offerts, de perte et de consommation du personnel, déterminé après discussion avec le gérant de la société.
15. La SARL L'Emile Brochettes Dijon soutient que la méthode employée est viciée dans son principe dès lors qu'elle a justifié les anomalies relevées sur le poste des boissons. Elle en met en cause les pourcentages de ventilation de la méthode de reconstitution qui ne résulteraient pas de données fiables conférant à la méthode mise en oeuvre un caractère excessivement sommaire. Toutefois, si la société appelante a apporté des éléments permettant d'expliquer certaines des anomalies relevées dans les stocks de boissons et de justifier certaines des factures non comptabilisées, il résulte de l'instruction que trois factures non-comptabilisées sont demeurées injustifiées. La SARL L'Emile Brochettes Dijon soutient sans l'établir qu'il s'agirait d'achats effectués pour le compte d'un tiers avec la carte Metro de la société pour un faible montant. Elle soutient également que les données d'exploitation issues des discussions entre le vérificateur et le gérant ne sauraient constituer des données fiables pour fonder une reconstitution selon la méthode des liquides. Toutefois, elle n'apporte au soutien de ses moyens aucun justificatif, ni comparatif. Par suite, elle n''établit pas le caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié de la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires.
16. Le moyen tiré de ce que sa situation d'endettement ne lui permettait pas de dissimuler du chiffre d'affaires est inopérant.
En ce qui concerne le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible :
17. Conformément aux dispositions du c) du 2. de l'article 269 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée est exigible en matière de prestations de services, y compris les travaux immobiliers, lors de son encaissement. Le 2° du I. de l'article 271 du code général des impôts précise que le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe afférente à l'opération motivant la déduction devient exigible chez le redevable de cette taxe. La naissance du droit à déduction coïncide avec la date d'exigibilité de la taxe correspondante. Le 3° du I. de ce même article prévoit que pour les biens et services, la déduction est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance, c'est-à-dire le mois du paiement par l'entreprise au fournisseur de ces prestations. Pour les prestations de services, sous-traitance et travaux immobiliers, le fait générateur et l'exigibilité sont constitués par l'encaissement.
18. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande. ". Aux termes de l'article L. 205 du même livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition. ".
19. En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée grevant trois des factures de ses fournisseurs et prestataires de services, la SARL L'Emile Brochettes Dijon, qui ne le conteste pas, n'a pas respecté la règle d'imputation précitée en déduisant de manière anticipée un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 1 247 euros sans tenir compte des conditions de déductibilité prévues au c) du 2. de l'article 269 du code général des impôts. L'administration fiscale lui a donc notifié un rappel de taxe pour ce montant dont la SARL L'Emile Brochettes Dijon demande la compensation avec un solde débiteur du compte 4456 d'un montant de 4 087 euros au 30 novembre 2012. Toutefois, le bénéfice de la compensation ne peut être demandé pour la première fois devant le juge de l'impôt que si les prétentions de la partie qui l'invoque sont justifiées. Il appartient donc à la SARL L'Emile Brochettes Dijon d'établir que les conditions d'application de la compensation sont réunies.
20. En matière de taxe sur la valeur ajoutée, le droit de compensation, apprécié à la date du fait générateur, s'opère globalement pour l'ensemble de la période litigieuse, c'est-à-dire entre impositions dues et payées au cours de la période d'imposition couverte par l'avis de mise en recouvrement en litige. En l'espèce, les opérations de contrôle ont porté sur une période s'achevant le 30 novembre 2012. La taxe litigieuse a été déduite à tort de manière anticipée à cette date alors que les factures correspondantes n'avaient encore pas été acquittées. En se bornant à demander la compensation avec un solde débiteur du compte 4456 d'un montant de 4 087 euros au 30 novembre 2012, sans préciser la nature et la date des opérations à l'origine de ce solde débiteur, la requérante ne démontre pas que les opérations ayant concouru à la formation de ce solde sont intervenues au cours de la période litigieuse. Au surplus, il résulte de l'instruction que la société n'a pas démontré avoir régularisé sa situation dans les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a déposées postérieurement à cette date, alors qu'une telle demande ne peut être présentée que par la société au moyen d'une éventuelle déclaration rectificative de taxe comme l'en a informé l'administration fiscale dans sa réponse aux observations du contribuable. Or, dès lors que la période vérifiée au titre de laquelle la compensation était susceptible de s'opérer s'est achevée le 30 novembre 2012 alors que le fait générateur de la taxe déduite à tort de manière anticipée était nécessairement postérieur à cette date, la demande de la société appelante tendant au bénéfice de la compensation ne peut qu'être rejetée.
Sur les pénalités :
21. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".
22. Les graves irrégularités et anomalies comptables constatées sur l'ensemble de la période vérifiée dans la comptabilité de la SARL L'Emile Brochettes Dijon, à l'origine de minorations de recettes importantes et répétées à hauteur de 28 % du chiffre d'affaires en 2010, et 12 % en 2011, permettent à l'administration fiscale de démontrer son intention délibérée d'éluder l'impôt. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a fait application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts.
23. Il résulte de ce qui précède que la SARL L'Emile Brochettes Dijon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la SARL L'Emile Brochettes Dijon une quelconque somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL L'Emile Brochettes Dijon est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL L'Emile Brochettes Dijon et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique le 6 novembre 2018.
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N° 17LY01879