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06/11/2018 | FRANCE | N°17LY00566

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 06 novembre 2018, 17LY00566


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Sorefi a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1503068 du 14 décembre 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 février 2017 et le 28 septembre 2018, la SARL Sorefi,

représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Sorefi a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1503068 du 14 décembre 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 février 2017 et le 28 septembre 2018, la SARL Sorefi, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 14 décembre 2016 ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Sorefi soutient que :

- l'administration n'établit pas l'existence d'un acte anormal de gestion en se bornant à faire valoir que l'opération de promotion immobilière litigieuse aurait pu être plus profitable qu'elle l'a été, ce qui révèle une immixtion dans sa gestion ;

- l'administration commet une erreur en analysant la cession litigieuse comme un acte de gestion isolée alors qu'elle doit être replacée dans le contexte général du programme immobilier " Victor Hugo ", la maison dont s'agit ayant été acquise non en vue d'une revente mais en vue de l'acquisition de droits à construire et le profit global de l'opération s'étant élevé à plus de deux millions d'euros ;

- la mention dans ses statuts d'une activité de marchand de biens a seulement vocation à lui permettre d'exercer cette activité en cas d'échec de l'opération de promotion immobilière ;

- subsidiairement, les termes de comparaison retenus par l'administration ne peuvent pas être considérés comme des biens similaires à l'immeuble en cause et même prise isolément, la vente a généré un profit ;

- l'administration n'a démontré aucune intention libérale, en l'absence de développement sur les liens entre le cédant et le cessionnaire ;

- l'avis de mise en recouvrement qui lui a été adressé ne fait pas référence au document prévu par l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, mentionnant le montant global par impôt des droits, pénalités et intérêts de retard dont elle est redevable du fait d'une procédure de rectification menée à l'égard d'une des sociétés du groupe dont est la société mère.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 juillet 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'économie et des finances soutient que :

- le prix au mètre carré résultant de la cession est largement inférieur au prix moyen pour des biens similaires dans le même secteur, la différence de prix s'analysant comme une libéralité pour les acquéreurs ;

- l'immeuble litigieux n'a pas été proposé à la vente comme un élément de la résidence " Royal Hugo " mais comme une maison d'habitation indépendante, revendu dans le cadre d'une activité de marchand de biens ;

- la construction d'une piscine non facturée aux acquéreurs constitue également une libéralité ;

- la société Sorefi a été informée des impositions à sa charge tout au long de la procédure et l'absence de mention dans l'avis de mise en recouvrement du document rappelant le montant global des impositions à sa charge ne l'a privée d'aucune garantie.

Le 3 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics a produit un nouveau mémoire.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SNC des Pommiers, société de construction-vente, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 3 septembre 2012. A l'issue de ce contrôle, des rectifications en matière de bénéfices industriels et commerciaux ont été notifiées à la SNC des Pommiers par une lettre en date du 30 juillet 2013. Par une proposition de rectification du même jour, l'administration fiscale a notifié des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés à la SARL Sorefi, détentrice de 99 % des parts de la SNC des Pommiers, au titre de l'exercice clos en 2011. Suite aux observations présentées par la SARL Sorefi le 30 septembre 2013, l'administration a maintenu les rectifications dans une réponse du 15 octobre 2013. Après le rejet d'un recours hiérarchique formé par la société, les rehaussements ont été mis en recouvrement le 30 janvier 2015. Après le rejet, le 11 septembre 2015, de la réclamation préalable de la SARL Sorefi, cette société a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) ". Aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. / Lorsqu'en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts la société mère d'un groupe est amenée à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'une ou de plusieurs sociétés du groupe, l'administration adresse à la société mère, préalablement à la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant, un document l'informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle est redevable. L'avis de mise en recouvrement, qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document. ".

3. En l'espèce, si l'avis de mise en recouvrement notifié à la SARL Sorefi le 9 février 2015 ne comporte pas de référence au courrier du 18 juillet 2014, qu'elle ne conteste pas avoir reçu, informant la société Sorefi du montant global par impôt des droits, pénalités et intérêts de retard dont elle est redevable, il indique la nature de l'imposition, son montant en droits et en pénalités, et comporte la référence à la proposition de rectification et à la réponse aux observations du contribuable adressées à la SARL Sorefi, dont les montants correspondent à ceux de l'avis de mise en recouvrement. Ainsi, l'erreur matérielle entachant l'avis de mise en recouvrement n'a privé la requérante, qui a été informée du montant des droits mis à sa charge avant leur mise en recouvrement, conformément aux dispositions en cause, d'aucune garantie de procédure dont elle était en droit de bénéficier.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. En application des dispositions combinées de l'article 8 du code général des impôts, applicable aux associés des sociétés ayant pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente en vertu de l'article 239 ter, et de l'article 206 du même code, la société Sorefi est imposable à l'impôt sur les sociétés pour la part de bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans la SNC des Pommiers, soit 99 %.

5. Il résulte de l'instruction que le 7 janvier 2010, la SNC des Pommiers a acquis trois terrains contigus comprenant chacun une maison d'habitation aux 119, 119 bis et 121 avenue Victor Hugo à Dijon. La SNC des Pommiers a conservé une partie des terrains ainsi acquis pour y construire un immeuble collectif, a vendu la maison d'habitation située au 121 avenue Victor Hugo et a détruit la maison d'habitation située au 119 bis. Le 11 août 2010, la SNC des Pommiers a vendu la maison d'habitation située au 119 avenue Victor Hugo pour un prix de 400 000 euros. L'administration fiscale, considérant que la cession de cet immeuble pour un prix inférieur à sa valeur vénale constituait un acte anormal de gestion, a réintégré dans les résultats de la SNC des Pommiers la différence entre le prix tiré de la cession et celui qui serait résulté d'une vente à la valeur vénale en se fondant sur des éléments de comparaison.

6. En vertu de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, le bénéfice imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Dans la mesure où ces dernières ont eu pour effet de diminuer le bénéfice net de la société en réduisant ses profits ou en augmentant ses charges, il y a lieu de procéder aux réintégrations correspondantes pour la détermination du bénéfice net imposable. La cession des biens immeubles à un tiers qui s'effectue délibérément à un prix notablement inférieur à leur valeur réelle, ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage consenti sans contrepartie à l'occasion de cette cession effectuée à un prix délibérément minoré constitue, à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé, un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette société n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties et sans qu'il soit besoin pour l'administration d'établir que le bénéficiaire de cet avantage avait l'intention d'accepter une libéralité.

7. La valeur vénale du bien cédé doit être estimée en se référant au prix qui pouvait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. Lorsque l'administration procède à l'évaluation de la valeur vénale réelle d'un immeuble, elle doit se référer à des transactions portant sur des immeubles situés à proximité du lieu de celui-ci et retenir les termes de comparaison relatifs à des ventes portant sur des biens similaires, intervenues à une date antérieure ou proche de celle du fait générateur de l'impôt.

8. Il résulte de la proposition de rectification que, pour estimer que le bien immobilier litigieux a été vendu à un prix inférieur à sa valeur vénale, l'administration a apprécié isolément la vente de la maison située au 119 avenue Victor Hugo à Dijon, s'est fondée sur six termes de comparaison correspondant à des biens se situant dans le même secteur, disposant, selon elle, des mêmes critères de confort et présentant des surfaces utiles et des surfaces utiles pondérées proches. Elle a pris en compte, en plus de la surface du terrain, la date de construction de l'immeuble, le nombre de pièces, leur surface et leur affectation, la présence d'une piscine, ainsi que la libre occupation de l'immeuble. En se bornant à faire valoir que l'administration n'a pas identifié de façon suffisamment précise les critères de confort de ces termes dans la proposition de rectification adressée à la SNC des Pommiers et n'a pas précisé si l'immeuble est en l'état ou à rénover, la SARL Sorefi ne conteste pas sérieusement la pertinence de ces termes de comparaison, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le bien litigieux cédé n'aurait pas été en bon état. Par ailleurs, si l'administration a pris en compte deux ventes réalisées en octobre et décembre 2008, dont la requérante conteste la pertinence au motif que le marché de l'immobilier a reculé en 2009, il résulte de l'instruction que la prise en compte de ces deux ventes a eu pour effet de diminuer la valeur vénale retenue par l'administration. Enfin, contrairement à ce que la société requérante soutient, l'administration, en se référant à l'acquisition du bien litigieux par la SNC des Pommiers le 7 janvier 2010 pour un montant de 767 000 euros, n'a pas inclus dans ce prix le terrain soustrait ensuite à la parcelle en vue de réaliser l'immeuble d'habitation collective objet de l'opération de promotion immobilière. Il suit de là que l'administration fiscale établit l'existence d'une minoration importante du prix de vente de l'immeuble en cause ainsi que, eu égard à la nature de l'activité de la SNC des Pommiers, spécialisée dans la vente de biens immobiliers, le caractère délibéré de cette importante minoration.

9. Ainsi qu'il a été dit précédemment aux points 7 et 8, le caractère normal du prix d'une cession d'un bien immobilier doit s'apprécier d'abord en se référant au prix qui pouvait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. Ce n'est qu'à défaut de tels éléments que le niveau de profit dégagé par le cédant peut éventuellement être pris en compte. Ainsi, la circonstance que la vente de la maison d'habitation litigieuse s'inscrive dans le cadre d'une opération de promotion immobilière ayant généré un profit satisfaisant est sans incidence sur l'appréciation du caractère normal de l'acte de cession de ce bien, cette cession pouvant par ailleurs, et contrairement à ce que soutient la requérante, être analysée isolément, dans la mesure où elle n'était en rien conditionnée par la vente des autres biens compris dans l'opération de promotion immobilière.

10. Il résulte de ce qui précède que l'administration doit être regardée comme établissant l'insuffisance notable et délibérée du prix de cession de l'immeuble vendu par la SNC des Pommiers. La SARL Sorefi, en se bornant à invoquer le contexte général de réalisation d'une opération de promotion immobilière, n'invoque aucune contrepartie, ni aucun autre intérêt retiré par la SNC des Pommiers de cette vente à un prix minoré. Dans ces conditions, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe que la SNC des Pommiers, en acceptant de céder l'immeuble sis 119 rue Victor Hugo à Dijon pour le prix de 400 000 euros, a consenti à l'acquéreur de ce bien un avantage anormal du fait d'une insuffisance de prix d'un montant de 192 862 euros. Elle était, par suite, fondée à réintégrer l'insuffisance de valeur vénale dans les résultats de la SNC des Pommiers et à en tirer les conséquences pour la SARL Sorefi en lui notifiant une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2011.

11. Il résulte de ce qui précède que la SARL Sorefi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Sorefi est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Sorefi et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique le 6 novembre 2018.

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N° 17LY00566

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00566
Date de la décision : 06/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BUET

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-06;17ly00566 ?
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