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06/11/2018 | FRANCE | N°17LY00213

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 06 novembre 2018, 17LY00213


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Inter Auto 63 a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 2 avril 2010 au 31 décembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1401234 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2017, la société In

ter Auto 63, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Inter Auto 63 a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 2 avril 2010 au 31 décembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1401234 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2017, la société Inter Auto 63, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 novembre 2016 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Inter Auto 63 soutient que :

- la procédure est irrégulière, l'administration s'étant placée implicitement mais nécessairement sur le terrain de l'abus de droit sans avoir respecté la procédure prévue par le livre des procédures fiscales ;

- elle ne peut être regardée comme n'ayant pu ignorer le caractère frauduleux des centrales d'achat avec lesquelles elle travaillait en Espagne ou au Portugal ;

- elle ignorait, au moment de l'acquisition, l'identité du précédent propriétaire du véhicule ou à tout le moins le régime de TVA auquel il était soumis ;

- elle n'a jamais été destinataire de factures émises par les centrales d'achat portant la mention " livraison intracommunautaire " ;

- elle n'était pas dans l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs et le caractère manifeste de l'impossibilité pour eux de revendiquer cette qualité n'est pas établi ;

- elle n'a aucun dirigeant commun avec les sociétés en cause et la seule connaissance des certificats d'immatriculation ne suffit pas à rendre manifeste que le fournisseur n'aurait pas été autorisé à revendiquer la qualité d'assujetti revendeur, dès lors qu'elle ne permet pas de déterminer avec certitude si l'opération en cause lui avait ou non ouvert un droit à déduction ;

- il n'appartient pas à l'administration de se prononcer sur l'intérêt économique du recours à un intermédiaire, lequel est au demeurant avéré en l'espèce ;

- les prises de position que l'administration a pu prendre au sujet d'autres sociétés dans lesquelles son associé majoritaire a eu des participations ne peuvent lui être opposées ;

- la régularité des factures sur lesquelles elle s'est fondée est incontestable.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'économie et des finances soutient que :

- la requête introduite par Me D... au nom de la SARL Inter Auto 63 n'est pas recevable, faute d'indiquer qu'elle est représentée par Me B..., es qualité de liquidateur judiciaire ;

- l'administration s'est bornée à restituer aux opérations en litige leur véritable nature juridique sans recourir à la notion d'abus de droit ;

- la société Inter Auto 63 a spontanément déposé des déclarations d'échange de biens à l'introduction, en cohérence avec les livraisons intracommunautaires déclarées par les intermédiaires européens, ce qui démontre qu'elle avait pleinement conscience de réaliser des acquisitions intracommunautaires ;

- étant en possession des certificats d'immatriculation des véhicules en cause, elle connaissait la nature d'acquisitions intracommunautaires des opérations qu'elle réalisait, la nature de professionnels de l'automobile des précédents propriétaires ne laissant aucun doute sur leur assujettissement à la TVA ;

- le message de M. C..., représentant la société E et R Automobile, qui alertait sur les mauvaises pratiques, aurait dû la conduire à régulariser sa situation ;

- les annonces des sites professionnels allemands sur Internet, nécessaires à la réservation des véhicules, indiquent très clairement si la TVA est récupérable et la qualité de professionnels de l'automobile de leurs propriétaires ;

- les documents de transport des véhicules fait apparaitre que les véhicules étaient directement livrés d'Allemagne en France et la société Inter Auto 63 assurait elle-même leur transport ;

- compte tenu de l'absence de tout rôle effectif des intermédiaires européens, la société Inter Auto 63 ne pouvait ignorer qu'elle participait à une fraude à la TVA ;

- l'existence de dirigeants communs entre le contribuable et l'intermédiaire européen n'est pas une condition nécessaire à la preuve de la connaissance du caractère injustifié de l'application d'un régime de TVA sur la marge ;

- l'interlocuteur de la société Inter Auto 63 agissait au nom de différentes sociétés européennes intermédiaires dont les rôles dans des schémas de fraude à la TVA a été reconnu dans différentes instances juridictionnelles.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la 6ème directive 77/388/CE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Inter Auto 63, qui exerce l'activité d'intermédiaire de commerce dans le domaine du négoce de véhicules d'occasion en provenance de pays de l'Union européenne, a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période allant du 2 avril 2010 au 31 décembre 2012. A l'occasion de ce contrôle, l'administration fiscale a remis en cause l'application par la société du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu par les dispositions de l'article 297 A du code général des impôts, pour un certain nombre de véhicules d'occasion acquis auprès de fournisseurs espagnols ou portugais. L'administration a mis à la charge de la société requérante des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis des intérêts de retard, de l'amende de 5 % sanctionnant le défaut de déclaration d'acquisitions intracommunautaire ainsi que de la majoration pour manquement délibéré pour un montant total de 653 774 euros. La SARL Inter Auto 63 a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à la décharge de ces rappels et des majorations correspondantes. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre à la requête ;

Sur la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. / Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public. ".

3. Si la société Inter Auto 63 soutient que l'administration n'a pu remettre en cause l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu'elle a appliqué sans faire usage de la procédure d'abus de droit prévue aux dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, il résulte de l'instruction que l'administration a seulement constaté le caractère erroné des mentions figurant sur les factures émises par les fournisseurs de la société Inter Auto 63, sans pour autant écarter lesdites factures, lesquelles, au demeurant ne constituent pas des actes de la société requérante. Dans ces conditions, la société Inter Auto 63 n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait entendu, implicitement mais nécessairement, réprimer un abus de droit. Le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition aurait été irrégulière faute pour l'administration d'avoir fait application des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 (...) ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) ". Aux termes de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures. ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée.

6. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

7. D'une part, l'administration a fait valoir qu'il résultait des informations recueillies au cours de la vérification auprès des autorités espagnoles et au moyen de la consultation de la base de recoupement des acquisitions intracommunautaires, que les fournisseurs espagnols et portugais acquéraient des véhicules auprès de professionnels de l'automobile allemands dans le cadre de livraisons intracommunautaires exonérées de TVA et que ceux-ci avaient mis au point un système de double facturation en direction de leur client français, les factures destinées à être conservées dans leur comptabilité mentionnant la nature de livraisons intracommunautaires des opérations en cause, tandis que celles adressées à la société Inter Auto 63 mentionnaient le régime de TVA sur la marge. L'administration a indiqué par ailleurs que ces sociétés ont déposé des déclarations d'échange de biens, déclarant ainsi comme telles ces opérations. La société Inter Auto 63 ne conteste pas cette affirmation et admet que l'administration établit le caractère erroné des mentions portées sur les factures délivrées par ses intermédiaires espagnols, relatives au régime de la TVA sur marge, et l'impossibilité, par suite, pour lesdits fournisseurs d'appliquer le régime de la TVA sur la marge.

8. D'autre part, pour établir que la société requérante ne pouvait ignorer qu'elle n'était pas en droit d'appliquer le régime de taxation sur la marge, l'administration a fait valoir que la société requérante détenait les cartes grises des véhicules en cause, lesquels révélaient l'identité des précédents et premiers propriétaires, à savoir des professionnels connus du secteur de l'automobile allemande, de sorte qu'elle savait qu'ils pouvaient déduire le montant de la TVA acquitté lors de l'acquisition des véhicules. L'administration a fait également valoir que la société Inter Auto 63 choisissait le modèle du véhicule et joignait à ses commandes auprès de ses fournisseurs espagnols des annonces de sites internet mentionnant le nom du fournisseur d'origine et portant des mentions relatives au régime de TVA applicable, qu'elle assurait elle-même directement d'Allemagne vers ses locaux le convoyage des véhicules acquis auprès de ses fournisseurs espagnols et que les fournisseurs de la société Inter Auto 63 étaient régulièrement radiés du registre officiel espagnol et réapparaissaient avec les mêmes gérants ou administrateurs sous d'autres appellations. Si la seule connaissance de la qualité de professionnels de l'automobile des précédents vendeurs ne suffit pas pour établir la connaissance nécessaire qu'aurait eu la société Inter Auto 63 de l'inapplicabilité du régime de TVA sur la marge appliquée par ses fournisseurs, son implication à toutes les étapes du circuit de commercialisation des véhicules, démontrée par les éléments rappelés ci-dessus, à supposer même que les annonces Internet aient seulement servi de support à la description du véhicule choisi par le client, ce qui n'est d'ailleurs pas établi, permet de regarder comme établie la connaissance que la société Inter Auto 63 devait avoir de l'inapplicabilité dudit régime aux opérations qu'elle effectuait. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, l'administration soutient sans être contredite que la société Inter Auto 63 a procédé à des déclarations d'échanges de biens indiquant qu'elle a procédé à des acquisitions intracommunautaires selon le régime général de la TVA, sans toutefois appliquer l'auto-liquidation sur ses déclarations mensuelles. L'administration établit donc que la société Inter Auto 63 ne pouvait ignorer que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients. Il suit de là qu'elle était fondée à remettre en cause l'application par la société requérante du régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Inter Auto 63 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Inter Auto 63 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Inter Auto 63 et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 6 novembre 2018.

6

N° 17LY00213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00213
Date de la décision : 06/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL CABINET CESIS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-06;17ly00213 ?
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