Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F...D...épouse C...et M. E...C...ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun en ce qui le concerne :
- d'annuler les décisions du 2 mai 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés d'office ;
- d'enjoindre au préfet du Rhône, dans le délai de quinze jours à compter du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Par le jugement n° 1705831 - 1705832 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du préfet du Rhône et lui a enjoint de délivrer à M. et à Mme C...des titres de séjour d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 novembre 2017 et le 17 avril 2018, le préfet du Rhône demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 novembre 2017.
Le préfet soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que sa décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C...méconnaissait le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le traitement qu'elle suit est disponible en Bosnie ; par voie de conséquence, c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que sa décision portant refus de titre de séjour à M. C... portait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 avril 2018, Mme et M. C... représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) de confirmer le jugement attaqué ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 300 euros à verser à leur conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour Me A...de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Mme et M. C... font valoir que :
- l'état de santé de Mme C...nécessite la poursuite d'un suivi spécialisé neurologique et psychiatrique régulier et un traitement médicamenteux ; le préfet n'établit pas que le traitement qu'elle suit en France serait disponible en Bosnie ;
- le préfet du Rhône a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de leur situation personnelle ; ils vivent en France avec leurs trois enfants et le fils de leur fille aînée qui est lui-même atteint d'une grave pathologie ;
- l'obligation qui leur est faite de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour ; elle méconnaît l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; s'agissant de MmeC..., elle méconnaît également le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions fixant le pays de renvoi sont illégales par voie de conséquence.
Mme et M. C... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gondouin ;
- les observations de MeB..., représentant de M. et MmeC... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeC..., nés respectivement en avril 1970 et mai 1971, de nationalité bosnienne, sont entrés en France, selon leurs déclarations, en février 2015 pour Mme C...et en avril 2015 pour son mari. Leur demande d'asile a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que la Cour nationale du droit d'asile a confirmées le 10 octobre 2016. Le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé par des décisions du 2 mai 2017. Le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions et enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. et à Mme C...un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois, par un jugement du 7 novembre 2017. Le préfet du Rhône relève appel de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 17 novembre 2016 produit en appel par le préfet, le médecin de l'agence régionale de santé a noté que l'état de santé de Mme C...nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existe pas en Bosnie et que les soins doivent être poursuivis pendant 12 mois. Le préfet du Rhône, qui n'était pas lié par cet avis, a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C...au motif qu'il ressortait notamment d'une note de l'ambassade de France en Bosnie, datée du 5 août 2013, que la plupart des maladies courantes peuvent être traitées en Bosnie-Herzégovine. Devant la cour, le préfet du Rhône, qui n'avait pas produit de mémoire ni de pièces en première instance, soutient, en se fondant sur des extraits de la liste des médicaments disponibles en Bosnie, des fiches extraites du dictionnaire Vidal, une fiche OMS et une fiche MedCOI que Mme C..., qui souffre d'épilepsie, pourrait suivre en Bosnie un traitement équivalent à celui qui lui est dispensé en France dès lors que, soit les médicaments qui lui sont prescrits sont disponibles dans son pays, soit ils pourraient y être substitués par des substances équivalentes. Il ne ressort en outre pas des certificats médicaux produits par Mme C...que sa pathologie ne pourrait être prise en charge convenablement en Bosnie, même si cette épilepsie s'accompagne d'un état dépressif.
5. Dès lors, le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C...sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 précité, le tribunal administratif de Lyon a retenu qu'il avait méconnu ces dispositions. Le préfet est également fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu, par voie de conséquence, le moyen tiré de l'atteinte à la vie privée et familiale de M. C...pour annuler la décision refusant de délivrer un titre de séjour à celui-ci.
6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme et M. C...tant en première instance qu'en appel.
Sur les autres moyens :
7. En premier lieu, Mme et M. C... sont arrivés en France, selon leurs déclarations, au cours de l'année 2015 après avoir vécu plus de quarante ans dans leur pays d'origine où ils ont forcément gardé des attaches familiales. La circonstance que leur fille aînée soit veuve et aurait subi des menaces et la circonstance que leur petit-fils soit malade ne suffisent pas à établir que le préfet du Rhône a porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale ou commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de leur délivrer un titre de séjour.
8. En deuxième lieu, les moyens soulevés à l'encontre des décisions portant refus de titre de séjour ayant été écartés, celui tiré de l'illégalité, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français doit l'être à son tour.
9. En troisième lieu, Mme C...soutient que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code précité aux termes duquel : L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ". Pour les raisons énoncées au point 4, et en l'absence de circonstance humanitaire exceptionnelle, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône a méconnu ces dispositions en l'obligeant à quitter le territoire français. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. En quatrième lieu, pour les motifs énoncés au point 7, Mme et M. C...ne sont pas fondés à soutenir que les décisions les obligeant à quitter le territoire français portent une atteinte disproportionnée à leur vie privée et familiale ou sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
11. En dernier lieu, tous les moyens soulevés à l'encontre des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, celui tiré de l'illégalité des décisions fixant le pays de destination en cas d'éloignement forcé doit également l'être.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 2 mai 2017. Il en résulte également que les demandes de Mme et de M. C... devant le tribunal administratif doivent être rejetées ainsi que les demandes présentées au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1705831-1705832 du 7 novembre 2017 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les demandes de Mme D...épouse C...et de M. C...présentées devant le tribunal administratif de Lyon ainsi que les conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Monsieur et Madame C...et au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2018 où siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 octobre 2018.
4
N° 17LY03942