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25/10/2018 | FRANCE | N°15LY01256

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 25 octobre 2018, 15LY01256


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'Université Claude Bernard Lyon I a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner in solidum les sociétés Gautier + Conquet et associés, GEC Rhône-Alpes, Nouvelle Société d'Ascenseur (NSA) et Alpes Contrôles à lui verser la somme de 323 637,11 euros TTC, outre intérêts de droit au taux légal à compter de l'introduction de la requête et capitalisation de ces intérêts, en réparation des désordres affectant deux ascenseurs du bâtiment " enseignement " situé sur le site de Gerland.

Par le jugement n° 1003278 du 15 janvier 2015, le tribunal administratif de Lyon a condam...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'Université Claude Bernard Lyon I a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner in solidum les sociétés Gautier + Conquet et associés, GEC Rhône-Alpes, Nouvelle Société d'Ascenseur (NSA) et Alpes Contrôles à lui verser la somme de 323 637,11 euros TTC, outre intérêts de droit au taux légal à compter de l'introduction de la requête et capitalisation de ces intérêts, en réparation des désordres affectant deux ascenseurs du bâtiment " enseignement " situé sur le site de Gerland.

Par le jugement n° 1003278 du 15 janvier 2015, le tribunal administratif de Lyon a condamné solidairement les sociétés Gautier + Conquet et associés et GEC Rhône-Alpes à verser à l'Université Claude Bernard Lyon I la somme de 305 995,51 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2010 et capitalisation de ceux-ci à compter du 20 mai 2011 puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Procédure devant la cour

- I - Par une requête enregistrée le 9 avril 2015 sous le n° 15LY01256 et un mémoire enregistré le 2 mars 2016, la société Gautier + Conquet et associés, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 janvier 2015 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de la mettre hors de cause et de rejeter les conclusions dirigées contre elle ;

3°) à titre subsidiaire, si une condamnation devait être prononcée contre elle, de condamner la société NSA venant aux droits de la société CFA à la garantir en totalité ;

4°) de limiter le montant des travaux de nature à remédier aux désordres à la somme de 160 000 euros HT conformément au devis Sintec ;

5°) de laisser à la charge de l'Université Claude Bernard Lyon I les frais d'expertise ;

6°) de mettre à la charge de l'Université et qui mieux le devra la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Gautier + Conquet et associés soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le défaut d'étanchéité n'était pas apparent pour le maître d'ouvrage ;

- ces désordres ne relèvent pas de la garantie décennale des constructeurs, l'Université ne démontre pas l'impropriété à destination ;

- le préjudice subi par l'Université résulte de fautes et malfaçons commises par la société NSA ; la conception des ascenseurs nécessitait des ascenseurs extérieurs ; il appartenait à la société CFA aux droits de laquelle vient la société NSA, conformément aux plans d'exécution qu'elle avait établis, de mettre en oeuvre du matériel adapté à un usage extérieur ;

- il appartient à l'Université de justifier qu'elle ne récupère pas la TVA, ce qu'elle n'a pas fait ;

- faute pour l'Université de justifier d'un lien entre les factures dont elle demande le règlement et les défauts d'étanchéité dont elle se plaint, sa demande sera rejetée.

Par des mémoires enregistrés le 4 juin 2015 et le 7 mars 2016, l'Université Claude Bernard Lyon I, représentée par Me I..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Gautier + Conquet et associés et de confirmer le jugement attaqué ;

2°) si ce jugement était annulé, de condamner les constructeurs à lui verser la somme de 305 995, 51 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande et capitalisation de ceux-ci ;

3°) de mettre à la charge de la société Gautier + Conquet et associés la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'Université fait valoir que :

- les désordres étaient bien apparents lors de la réception, l'équipe de maîtrise d'oeuvre aurait dû s'en apercevoir et alerter le maître d'ouvrage ;

- ces désordres qui nécessitent la mise à l'arrêt complet des ascenseurs rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;

- à supposer que les désordres résultent de défauts d'exécution commis par la société CFA aux droits de laquelle vient la société NSA, cela ne serait pas de nature à décharger le maître d'oeuvre de sa responsabilité au titre de son devoir de conseil lors des opérations de réception ;

- sur le préjudice qu'elle a subi, le jugement sera confirmé ; l'ensemble des réparations effectuées au cours des années 2003 à 2006 sont en lien avec les désordres constatés par l'expert ;

- n'étant pas assujettie à la TVA, elle est bien fondée à demander une indemnisation TTC.

Par des mémoires enregistrés le 12 juin, le 9 juillet 2015 et le 4 mars 2016, la société Nouvelle société d'Ascenseurs (NSA), représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'ordonner l'intervention de la société Seca dans la présente instance ;

2°) de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a mise hors de cause et de rejeter toutes les demandes formulées à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation présentée par l'Université Claude Bernard Lyon I au titre d'un prétendu préjudice de jouissance et d'atteinte à son image ;

4°) d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a alloué à l'Université la somme de 13 244,29 euros au titre des travaux provisoires réalisés du seul fait de l'absence de gaine ;

5°) de confirmer ce jugement en ce qu'il a écarté sa responsabilité dans la prise en charge financière des travaux de création d'une gaine d'ascenseur et des travaux de remise en état des ascenseurs, et, à tout le moins, de réévaluer le montant de ces travaux ;

6°) en tout état de cause, de rejeter tout appel en garantie formé contre elle ;

7°) de condamner l'ensemble des défendeurs à la relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

8°) de mettre à la charge de la société Gautier + Conquet et associés, ou toute partie succombante, la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

La société NSA fait valoir que :

- le défaut d'étanchéité était apparent lors de la réception ;

- comme l'a relevé l'expert, les désordres ne rendaient pas l'ascenseur impropre à sa destination ;

- le lot ayant été réceptionné sans réserve, sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée ;

- la société CFA n'a commis aucune faute ; tout le problème vient de la rédaction du CCTP ;

- le matériel qu'elle avait commandé à la société Seca était réputé résistant aux intempéries ;

- si la gaine prévue sur les plans fournis avait été réalisée, les travaux de réparation n'auraient pas eu lieu d'être ;

- tous les frais relatifs à la création de la gaine, ainsi que ceux correspondant à la mission de maîtrise d'oeuvre, de contrôle technique, de coordination SPS et de frais de publicité seront supportés par le maître de l'ouvrage qui ne pouvait pas se rendre compte qu'un ouvrage prévu au cahier des charges n'avait pas été réalisé et par la maîtrise d'oeuvre qui a manqué à ses obligations contractuelles ;

- tous les travaux de remise en état des ascenseurs devront être mis à la charge de la maîtrise d'oeuvre.

Par un mémoire enregistré le 24 février 2016, la société Bureau Alpes contrôles, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête et de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement les sociétés Nouvelle société d'ascenseurs, Gautier + Conquet et associés et GEC Rhône-Alpes à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de la société GEC Rhône-Alpes la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Bureau Alpes contrôles fait valoir que :

- ni les sociétés Gautier + Conquet et associés et NSA, ni l'Université ne mettent en cause sa responsabilité ; seule la société GEC Rhône-Alpes veut obtenir sa condamnation ;

- les désordres avaient un caractère apparent et leurs conséquences étaient prévisibles ;

- le moyen tiré de l'absence de faute de la société GEC est inopérant puisqu'elle faisait partie d'un groupement solidaire ;

- il ne rentrait pas dans sa mission de prévenir ces désordres ; sa mission n'avait pas pour objet de vérifier la conformité des travaux réalisés par les entreprises aux marchés conclus par le maître d'ouvrage ce qui relève des obligations du maître d'oeuvre ; c'est ce qu'a retenu l'expert ; et c'est ce qui découle également du second alinéa de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation ;

- comme elle n'encourt aucune responsabilité, si la cour devait s'approprier la répartition établie par l'expert judiciaire, elle demande à être intégralement garantie par les sociétés NSA, Gautier + Conquet et associés et GEC Rhône-Alpes ;

- toute demande visant à voir le contrôleur technique condamné in solidum avec d'autres intervenants à l'opération de construction au titre des recours en garantie est irrecevable car faite en violation des dispositions du second alinéa de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation.

Par un mémoire enregistré le 3 mars 2016, la société GEC Rhône-Alpes, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) de joindre les requêtes nos 15LY01256 et 15LY01264 qui concernent le même jugement ;

2°) à titre principal, d'annuler le jugement attaqué en toutes ses dispositions, les demandes de l'Université Claude Bernard Lyon I étant irrecevables ;

3°) à titre subsidiaire, de limiter le montant des travaux de nature à remédier aux désordres à la somme de 160 000 euros HT conformément au devis Sintec ou, à tout le moins, de ramener le montant des travaux et les honoraires de maîtrise d'oeuvre à de plus justes proportions ;

4°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée in solidum à indemniser l'Université et de la mettre hors de cause ;

5°) de condamner in solidum la société NSA et la société Bureau Alpes contrôles à la relever et garantir intégralement de toutes condamnations mises à sa charge, y compris les sommes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) de condamner in solidum l'Université Claude Bernard Lyon I, la société NSA et la société Bureau Alpes contrôles à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société GEC Rhône-Alpes fait valoir que :

- l'Université Claude Bernard Lyon 1 n'avait ni qualité ni intérêt pour agir, c'est la région Rhône-Alpes qui était encore maître de l'ouvrage ;

- les conséquences des défauts d'étanchéité affectant les ascenseurs n'étaient pas prévisibles ; c'est à tort que le tribunal administratif a retenu une faute exclusive de la maîtrise d'oeuvre lors des opérations d'assistance à la réception des travaux ;

- il faudrait, à tout le moins, reconnaître que le maître d'ouvrage, assisté de professionnels compétents, a lui-même commis une faute ;

- elle n'est pas responsable du choix des ascenseurs, elle n'est intervenue qu'en tant qu'économiste ; en tout état de cause, il n'existait pas de faute de conception ni d'ambiguïté dans la réponse de l'entreprise à l'appel d'offre ;

- c'est à tort que l'expert lui impute des désordres ; il a été manifestement trompé par la société CFA dans l'examen des documents ; elle n'a commis aucune faute ; les désordres proviennent d'une cause étrangère à la mission qui lui était confiée ;

- le quantum des sommes demandées est très contestable ; les frais de mise aux normes auraient été engagés par l'Université indépendamment des désordres et n'ont pas à être supportés par les constructeurs ; l'Université ne justifie pas de l'écart entre la somme réclamée et le devis de Sintec ; elle réclame des sommes incluant la TVA ; certains travaux de reprise n'ont aucun lien avec les désordres liés aux infiltrations d'eau dans les cabines ;

- il n'y a pas de solidarité entre les membres de la maîtrise d'oeuvre ; elle n'a pas signé les procès-verbaux d'opérations préalables à la réception et ceux-ci ne sauraient l'engager.

- II - Par une requête enregistrée le 10 avril 2015 sous le n° 15LY01264 et des mémoires enregistrés le 23 juillet 2015 et le 7 mars 2016, la société GEC Rhône-Alpes, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) de joindre les requêtes nos 15LY01256 et 15LY01264 qui concernent le même jugement ;

2°) à titre principal, d'annuler le jugement attaqué en toutes ses dispositions, les demandes de l'Université Claude Bernard Lyon I étant irrecevables ;

3°) à titre subsidiaire, de limiter le montant des travaux de nature à remédier aux désordres à la somme de 160 000 euros HT conformément au devis Sintec ou, à tout le moins, de ramener le montant des travaux et les honoraires de maîtrise d'oeuvre à de plus justes proportions ;

4°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée in solidum à indemniser l'université et de la mettre hors de cause ;

5°) de condamner in solidum la société NSA et la société Bureau Alpes contrôles à la relever et garantir intégralement de toutes condamnations mises à sa charge, y compris les sommes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) de condamner in solidum l'Université Claude Bernard Lyon I, la société NSA et la société Bureau Alpes contrôles à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société GEC Rhône-Alpes soutient que :

- l'Université Claude Bernard Lyon 1 n'avait ni qualité ni intérêt pour agir, c'est la région Rhône-Alpes qui était encore maître de l'ouvrage ;

- les conséquences des défauts d'étanchéité affectant les ascenseurs n'étaient pas prévisibles ; c'est à tort que le tribunal administratif a retenu une faute exclusive de la maîtrise d'oeuvre lors des opérations d'assistance à la réception des travaux ;

- il faudrait, à tout le moins, reconnaître que le maître d'ouvrage, assisté de professionnels compétents, a lui-même commis une faute ;

- elle n'est pas responsable du choix des ascenseurs, elle n'est intervenue qu'en tant qu'économiste ; en tout état de cause, il n'existait pas de faute de conception ni d'ambiguïté dans la réponse de l'entreprise à l'appel d'offre ;

- c'est à tort que l'expert lui impute des désordres ; il a été manifestement trompé par la société CFA dans l'examen des documents ; elle n'a commis aucune faute ; les désordres proviennent d'une cause étrangère à la mission qui lui était confiée ;

- le quantum des sommes demandées est très contestable ; les frais de mise aux normes auraient été engagés par l'Université indépendamment des désordres et n'ont pas à être supportés par les constructeurs ; l'Université ne justifie pas de l'écart entre la somme réclamée et le devis de Sintec ; elle réclame des sommes incluant la TVA ; certains travaux de reprise n'ont aucun lien avec les désordres liés aux infiltrations d'eau dans les cabines ;

- il n'y a pas de solidarité entre les membres de la maîtrise d'oeuvre ; elle n'a pas signé les procès-verbaux d'opérations préalables à la réception et ceux-ci ne sauraient l'engager.

Par des mémoires enregistrés le 4 juin 2015 et les 1er et 7 mars 2016, l'Université Claude Bernard Lyon I, représentée par Me I..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société GEC Rhône-Alpes et de confirmer le jugement attaqué ;

2°) si ce jugement était annulé, de condamner les constructeurs à lui verser la somme de 305 995,51 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande et capitalisation de ceux-ci ;

3°) de mettre à la charge de la société GEC Rhône-Alpes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'Université fait valoir que :

- le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas intérêt à agir est nouveau en appel ; l'acte qui fonde sa compétence à agir en justice est l'arrêté interministériel du 25 octobre 2002 qui lui attribue les bâtiments à titre de dotation ; cet arrêté est définitif ; en application de l'article L. 762-2 du code de l'éducation, il lui a transféré les droits et obligations du propriétaire de l'ouvrage ; en outre, en vertu de la convention de délégation de maîtrise d'ouvrage entre l'État et la région Rhône-Alpes, une fois passée la période de parfait achèvement, ce qui est le cas, il appartient à l'État de mener les contentieux en responsabilité à l'encontre des intervenants au chantier, peu importe le fondement de responsabilité retenu ;

- les désordres sont survenus dès l'année 2001, ils étaient bien prévisibles lors de la réception, l'équipe de maîtrise d'oeuvre aurait dû s'en apercevoir et alerter le maître d'ouvrage ;

- ces désordres qui nécessitent la mise à l'arrêt complet des ascenseurs rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;

- l'Université n'a commis aucune faute, ce n'est pas elle qui a assuré le rôle de maître de l'ouvrage au moment de la construction ;

- à supposer que les désordres ne résultent pas d'une faute de la société GEC Rhône-Alpes, cela ne serait pas de nature à décharger le maître d'oeuvre de sa responsabilité au titre de son devoir de conseil lors des opérations de réception ; la société n'apporte pas d'éléments en appel de nature à contester la position des juges de première instance ;

- sur le préjudice qu'elle a subi, le jugement sera confirmé ; l'ensemble des réparations effectuées au cours des années 2003 à 2006 sont en lien avec les désordres constatés par l'expert ;

- n'étant pas assujettie à la TVA, elle est bien fondée à demander une indemnisation TTC.

Par des mémoires enregistrés les 4 et 10 juin 2015, les 8 septembre et 6 novembre 2015 et les 4 mars et 27 mai 2016, la société Nouvelle société d'Ascenseurs, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'ordonner l'intervention de la société Seca dans la présente instance ;

2°) de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a mise hors de cause et de rejeter toutes les demandes formulées à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation présentée par l'Université Claude Bernard Lyon I au titre d'un prétendu préjudice de jouissance et d'atteinte à son image ;

4°) d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a alloué à l'Université la somme de 13 244,29 euros au titre des travaux provisoires réalisés du seul fait de l'absence de gaine ;

5°) de confirmer ce jugement en ce qu'il a écarté sa responsabilité dans la prise en charge financière des travaux de création d'une gaine d'ascenseur et des travaux de remise en état des ascenseurs, et, à tout le moins, de réévaluer le montant de ces travaux ;

6°) en tout état de cause, de condamner l'ensemble des défendeurs à la relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

7°) de mettre à la charge de la société Gautier + Conquet et associés, ou toute partie succombante, la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

La société NSA fait valoir que :

- le défaut d'étanchéité était apparent lors de la réception ;

- comme l'a relevé l'expert, les désordres ne rendaient pas l'ascenseur impropre à sa destination ;

- le lot a été réceptionné sans réserve ; dès lors sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée ;

- la société CFA n'a commis aucune faute ; tout le problème vient de la rédaction du CCTP ;

- le matériel qu'elle avait commandé à la société Seca était réputé résistant aux intempéries ; cette société est tenue à une obligation de résultat ;

- la société Seca soulève, pour la première fois en appel, l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur l'appel en garantie ;

- si la gaine prévue sur les plans fournis avait été réalisée, les travaux de réparation n'auraient pas eu lieu d'être ;

- tous les frais relatifs à la création de la gaine, ainsi que ceux correspondant à la mission de maîtrise d'oeuvre, de contrôle technique, de coordination SPS et de frais de publicité seront supportés par le maître de l'ouvrage qui ne pouvait pas se rendre compte qu'un ouvrage prévu au cahier des charges n'avait pas été réalisé et par la maîtrise d'oeuvre qui a manqué à ses obligations contractuelles ;

- tous les travaux de remise en état des ascenseurs devront être mis à la charge de la maîtrise d'oeuvre.

Par des mémoires enregistrés les 9 octobre et 2 décembre 2015, et les 22 avril et 1er juillet 2016, la société Seca, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de déclarer l'appel en garantie et en intervention forcée formé par la société NSA irrecevable comme ayant été porté devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

2°) à titre subsidiaire, de constater que le rapport d'expertise lui est inopposable et de rejeter l'appel en garantie de la société NSA formé à son encontre ;

3°) dans l'un et l'autre cas, de mettre à la charge de la société NSA la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner solidairement les sociétés GEC Rhône-Alpes, Gautier + Conquet et associés et Bureau Alpes contrôles à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

5°) de mettre à leur charge la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire.

La société Seca fait valoir que :

- à titre principal, un litige opposant un entrepreneur à son sous-traitant ou à son fournisseur, liés par un contrat de droit privé, relève de la compétence judiciaire ; l'appel en garantie de la société NSA à son encontre est porté devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

- à titre subsidiaire, elle n'a commis aucune faute, elle a fabriqué, conformément à la commande qui lui avait été transmise, des ascenseurs devant être posés dans une gaine maçonnée ; les défauts de montage relevés par l'expert sont exclusivement imputables à la société NSA ;

- les maîtres d'oeuvre auraient dû s'alarmer de l'absence d'étanchéité de la couverture.

Par des mémoires enregistrés les 24 février, 30 mai et 11 octobre 2016, la société Bureau Alpes contrôles, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête et de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement les sociétés Nouvelle société d'ascenseurs, Gautier + Conquet et associés et GEC Rhône-Alpes à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de la société GEC Rhône-Alpes la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Bureau Alpes contrôles fait valoir que :

- les désordres avaient un caractère apparent et leurs conséquences étaient prévisibles ;

- le moyen tiré de l'absence de faute de la société GEC est inopérant puisqu'elle faisait partie d'un groupement solidaire ;

- il ne rentrait pas dans sa mission de prévenir ces désordres ; sa mission n'avait pas pour objet de vérifier la conformité des travaux réalisés par les entreprises aux marchés conclus par le maître d'ouvrage ce qui relève des obligations du maître d'oeuvre ;

- comme elle n'encourt aucune responsabilité, si la cour devait s'approprier la répartition établie par l'expert judiciaire, elle demande à être intégralement garantie par les sociétés NSA, Gautier + Conquet et associés et GEC Rhône-Alpes ;

- toute demande visant à voir le contrôleur technique condamné in solidum avec d'autres intervenants à l'opération de construction au titre des recours en garantie est irrecevable car faite en violation des dispositions du second alinéa de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation.

Par un mémoire enregistré le 2 mars 2016, la société Gautier + Conquet et associés, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 janvier 2015 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de la mettre hors de cause et de rejeter les conclusions dirigées contre elle ;

3°) à titre subsidiaire, si une condamnation devait être prononcée contre elle, de condamner la société NSA venant aux droits de la société CFA à la garantir en totalité ;

4°) de limiter le montant des travaux de nature à remédier aux désordres à la somme de 160 000 euros HT conformément au devis Sintec ;

5°) de laisser à la charge de l'Université Claude Bernard Lyon I les frais d'expertise ;

6°) de mettre à la charge de l'Université Claude Bernard Lyon I et qui mieux le devra la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Gautier + Conquet et associés fait valoir que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le défaut d'étanchéité n'était pas apparent pour le maître d'ouvrage ;

- ces désordres ne relèvent pas de la garantie décennale des constructeurs, l'Université ne démontre pas l'impropriété à destination ;

- le préjudice subi par l'Université résulte de fautes et malfaçons commises par la société NSA ; la conception des ascenseurs prévoyait des ascenseurs extérieurs ; il appartenait à la société CFA aux droits de laquelle vient la société NSA, conformément aux plans d'exécution qu'elle avait établis, de mettre en oeuvre du matériel adapté à un usage extérieur ;

- il appartient à l'Université de justifier de ce qu'elle ne récupère pas la TVA, ce qu'elle n'a pas fait ;

- faute pour l'Université de justifier d'un lien entre les factures dont elle demande le règlement et les défauts d'étanchéité dont elle se plaint, sa demande sera rejetée.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code civil ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gondouin,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Gautier + Conquet et associés, de MeC..., représentant la société GEC Rhône-Alpes, de Me F...représentant la société Bureau Alpes contrôles et de Me D...représentant l'Université Claude Bernard Lyon I ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention du 2 mai 1997, l'État a délégué la maîtrise d'ouvrage de la construction de bâtiments universitaires à la Région Rhône-Alpes. Celle-ci, par une convention de mandat du 6 mai 1997, a confié à la Société d'équipement du Rhône et de Lyon (SERL) la maîtrise d'ouvrage de l'opération de construction de deux bâtiments pour l'Université Lyon I sur le site de Gerland à Lyon. La maîtrise d'oeuvre de ces travaux a été confiée, par un acte d'engagement du 14 octobre 1997, à un groupement solidaire constitué de six co-traitants dont l'atelier d'architectes Bruno Dumetier, devenu société Gautier + Conquet et associés, mandataire, et la société GEC Rhône-Alpes, économiste. Une mission de contrôle technique a été confiée, par un acte d'engagement du 5 février 1998, au bureau Alpes contrôles. Par un acte d'engagement du 2 août 1999, l'entreprise Sangalli CFA, devenue la société Nouvelle Société Ascenseurs (NSA) s'est vu confier le lot n° 15 " ascenseurs " dont elle a sous-traité l'étude, la fabrication et la fourniture du matériel à l'entreprise Seca.

2. La réception des travaux du bâtiment " enseignement " a été prononcée sans réserve le 20 novembre 2002 avec effet au 27 juin 2001. Par un arrêté du 25 octobre 2002, l'État a attribué à titre de dotation cet ensemble immobilier à l'Université Claude Bernard Lyon I. À la suite de divers incidents survenus dès l'année 2001 et affectant notamment le fonctionnement des ascenseurs, l'Université a sollicité la désignation d'un expert par le tribunal administratif de Lyon dont le président, par ordonnance du 29 décembre 2005, a désigné M. H... qui a déposé son rapport sur les désordres affectant les ascenseurs le 10 septembre 2009. L'Université Claude Bernard Lyon I a ensuite recherché, devant le tribunal administratif de Lyon, la responsabilité solidaire des sociétés Gautier + Conquet et associés, GEC Rhône-Alpes, bureau Alpes contrôles et Nouvelle Société Ascenseurs (NSA), à titre principal sur le fondement de la responsabilité décennale, à titre subsidiaire, sur celui de la responsabilité contractuelle des constructeurs pour manquement à leur obligation de conseil ou, à titre infiniment subsidiaire, sur le fondement de leur responsabilité extracontractuelle.

3. Par un jugement du 15 janvier 2015, le tribunal administratif a condamné solidairement les sociétés Gautier + Conquet et associés et GEC Rhône-Alpes, à verser à l'Université Lyon I la somme de 305 995,51 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2010 ainsi que leur capitalisation à compter du 20 mai 2011 puis à chaque échéance annuelle ultérieure. Il a également mis à leur charge la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête ainsi que toutes les autres conclusions. La société Gautier + Conquet et associés dans le dossier 15LY01256 et la société GEC Rhône-Alpes dans le dossier 15LY01264 relèvent appel de ce jugement.

4. Le juge a la faculté de décider, sans d'ailleurs en avoir jamais l'obligation, la jonction de requêtes pendantes présentant à juger les mêmes questions ou des questions connexes. En l'espèce, il y a lieu de joindre ces deux requêtes qui se rapportent au même jugement pour statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 762-2 du code de l'éducation dans sa rédaction alors applicable : " Les établissements publics d'enseignement supérieur peuvent se voir confier, par l'État, la maîtrise d'ouvrage de constructions universitaires. / À l'égard de ces locaux comme de ceux qui leur sont affectés ou qui sont mis à leur disposition par l'État, les établissements d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur ou du ministre de l'agriculture exercent les droits et obligations du propriétaire, à l'exception du droit de disposition et d'affectation des biens ".

6. Par convention du 2 mai 1997, l'État (Ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la recherche) propriétaire de terrains situés à Lyon dans le secteur de Gerland a délégué la maîtrise d'ouvrage de la construction de bâtiments universitaires sur ces terrains à la région Rhône-Alpes. En vertu de l'article 3 de cette convention, le financement complet de l'opération devait être réalisé par la région et le département du Rhône. L'article 6.2 de la même convention prévoyait qu'une fois la réception de ces ouvrages prononcée, ils reviendraient gratuitement à l'État et qu'un procès-verbal de remise gratuite en toute propriété à l'État serait dressé par l'État (Ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la recherche) et le maître d'ouvrage. Par un arrêté du 25 octobre 2002, le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ont ensuite attribué l'ensemble immobilier à l'Université Lyon 1 à titre de dotation.

7. Selon la société GEC Rhône-Alpes, à défaut de justification d'un procès-verbal de remise des ouvrages, l'arrêté du 25 octobre 2002 par lequel les locaux ont été remis à l'Université Claude Bernard Lyon I est irrégulier puisque l'État n'était pas propriétaire des locaux de sorte que l'exception d'illégalité de cet arrêté doit conduire le juge à retenir le défaut d'intérêt à agir de l'Université. Toutefois, la transmission de propriété des biens de la région à l'État résulte moins du procès-verbal de remise des biens que de la seule réception des travaux. Dès lors, à supposer même que l'État et la région n'aient pas établi de procès-verbal de remise des ouvrages après leur réception, contrairement à ce que prévoit l'article 6.2. de la convention du 2 mai 1997, cette circonstance ne serait pas de nature, à elle seule, à rendre illégal l'arrêté interministériel du 25 octobre 2002 par lequel l'État a mis les ouvrages en litige à disposition de l'Université Claude Bernard Lyon 1. Dès lors, cette université pouvait, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 762-2 du code de l'éducation, exercer les droits et les obligations du propriétaire et, le cas échéant, rechercher la responsabilité des constructeurs.

8. En deuxième lieu, l'article 6.4 de la convention du 2 mai 1997 stipule qu'à compter de cette remise des ouvrages, l'État assurera les droits et les obligations du propriétaire, à l'exception de ce qui est prévu à l'article 7 : " La région, maître d'ouvrage, fera son affaire du règlement de tout litige lié aux travaux dont elle a eu la maîtrise, avec des tiers ou avec les maîtres d'oeuvre, entrepreneurs, fournisseurs et prestataires intervenant jusqu'à l'expiration de la période de parfait achèvement, à l'exception des actions en garantie biennale et décennale, qu'il appartiendra à l'État, propriétaire de mettre en oeuvre ".

9. Il résulte des termes mêmes de ces stipulations que la région fera son affaire du règlement de tout litige lié aux travaux dont elle a eu la maîtrise, hormis les actions en garantie biennale et décennale, jusqu'à l'expiration de la période de parfait achèvement. À l'expiration de cette période de parfait achèvement, comme c'est le cas dans le présent litige, la mise en oeuvre de la responsabilité des constructeurs, fournisseurs et prestataires incombe au propriétaire des ouvrages ou à celui qui exerce les droits et obligations du propriétaire, soit l'Université Claude Bernard Lyon I. La société GEC Rhône-Alpes n'est, dès lors, pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance des stipulations précitées pour contester la qualité pour agir de l'Université Lyon I.

10. En troisième lieu, le président de l'Université Claude Bernard Lyon I était régulièrement habilité à agir en justice par des délibérations du conseil d'administration de l'Université du 20 avril 2010 et du 3 avril 2012.

11. Il résulte de ce qui précède que la société GEC Rhône-Alpes n'est pas fondée à soutenir que l'Université Claude Bernard Lyon I n'avait ni qualité ni intérêt pour agir et que sa demande aurait, dès lors, dû être rejetée comme irrecevable par le tribunal administratif de Lyon.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la garantie décennale :

12. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Ces constructeurs sont responsables de plein droit sur le fondement de ces principes dès lors que les désordres en cause n'étaient ni apparents ni prévisibles lors de la réception dudit ouvrage.

13. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que les cabines de ce qui était initialement prévu comme un " ensemble duplex panoramique avec gaine et cabines vitrées " pour le bâtiment " enseignement ", ont été installées à l'air libre alors qu'elles étaient conçues pour fonctionner à l'intérieur d'une gaine. Il en résulte également que le défaut d'étanchéité de ces cabines est la cause des désordres constatés, consistant en courts-circuits récurrents, encrassement des vérines et usure prématurée de certaines pièces non protégées. De nombreux incidents de fonctionnement se sont manifestés dès l'année 2001, puis plusieurs réparations ont ensuite été nécessaires pour permettre une utilisation normale des ascenseurs. Les désordres ainsi survenus ont occasionné de nombreuses pannes qui, même si les ascenseurs ont pu parfois fonctionner normalement, ont rendu l'ouvrage impropre à sa destination.

14. Selon le rapport d'expertise, les câbles alimentant la platine de commandes de ces ascenseurs traversaient le plafond de la cabine par un " trou de passage non étanche ", une partie de l'équipement électrique de la cabine était implantée au dessus de son plafond, surplombé par une couverture en tôle, certes munie de gouttières destinées à collecter et rejeter les eaux pluviales, mais ajourée (15 à 20 cm de haut) sur ses quatre côtés, dispositif qui " ne pouvait pas assurer l'étanchéité " du plénum entre le plafond et la couverture de la cabine. Dès lors, le vice tenant au défaut d'étanchéité des cabines d'ascenseurs était apparent et ses conséquences étaient en outre prévisibles lors des opérations de réception. Par suite, l'Université Claude Bernard Lyon I, comme l'a jugé le tribunal administratif de Lyon, n'était pas fondée à rechercher la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale.

En ce qui concerne la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil :

15. La responsabilité du maître d'oeuvre pour manquement à son devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'il s'est abstenu d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Si la seule circonstance que le maître d'ouvrage ait connaissance des désordres affectant l'ouvrage avant sa réception ne saurait exonérer le maître d'oeuvre de son obligation de conseil lors des opérations de réception, la responsabilité du maître d'oeuvre peut être écartée si ses manquements à son devoir de conseil ne sont pas à l'origine des dommages dont se plaint le maître d'ouvrage. Il en est ainsi dans le cas où le maître d'ouvrage a fait preuve d'une imprudence particulièrement grave en prononçant la réception de l'ouvrage malgré sa connaissance des désordres qui l'affectaient.

16. En premier lieu, comme il a été dit aux points 13 et 14, le défaut d'étanchéité des cabines d'ascenseur était apparent, et ses conséquences étaient prévisibles, lors de la réception de l'ouvrage qui est intervenue sans réserve sur proposition de l'atelier d'architectes Bruno Dumetier auquel a succédé la société Gautier + Conquet et associés. Les maîtres d'oeuvre ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir qu'il leur était impossible, sur le chantier, de faire la différence entre un matériel destiné à l'usage extérieur et des cabines ne pouvant être exposées aux intempéries. En vertu, tant du contrat du 14 octobre 1997 par lequel le groupement de maîtrise d'oeuvre était, notamment, chargé d'une mission d'assistance au maître d'ouvrage lors des opérations de réception, que de leurs devoirs professionnels, les maîtres d'oeuvre avaient l'obligation, au moment de la réception, d'appeler l'attention du maître de l'ouvrage sur le défaut d'étanchéité des ascenseurs litigieux qui faisait obstacle à ce que la réception de ce lot soit prononcée. En manquant à leur obligation de conseil, les maîtres d'oeuvre ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité.

17. En deuxième lieu, il résulte également de l'instruction ainsi que des écritures de l'Université Claude Bernard Lyon I que les premiers désordres se sont manifestés dès l'année 2001, à un moment où les bâtiments ne lui avaient pas encore été attribués à titre de dotation par l'État. En tant qu'utilisatrice de ces bâtiments, elle avait certainement appelé l'attention du maître de l'ouvrage sur les dysfonctionnements qui affectaient les ascenseurs alors que la réception sans réserve n'était pas encore intervenue. Dès lors, et comme le relève la société GEC Rhône-Alpes, le maître de l'ouvrage en acceptant de prononcer la réception des ascenseurs a lui-même commis une négligence fautive de nature à exonérer partiellement les maîtres d'oeuvre.

18. En troisième lieu, en l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction, s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles. Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux.

19. Comme l'ont relevé les premiers juges, en vertu de l'article 2 de l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'oeuvre du 14 octobre 1997, le groupement auquel appartiennent les sociétés Gautier + Conquet et associés et GEC Rhône-Alpes est un groupement solidaire. Si l'annexe à cet acte d'engagement rappelle les missions des membres du groupement pour fixer forfaitairement la répartition des honoraires, elle ne détermine pas de façon précise la part qui est revenue à chacun dans l'exécution des missions. Dès lors, chacun des membres de ce groupement est solidairement responsable envers le maître de l'ouvrage de l'ensemble des conséquences dommageables imputables à la faute commise par l'un d'eux. La circonstance que la société GEC Rhône-Alpes n'ait pas assisté aux opérations de réception et n'a pas pu commettre de faute lors de ces opérations reste sans incidence sur l'application des règles qui viennent d'être rappelées.

20. Par suite, et compte tenu de ce qui a été dit au point 17 en ce qui concerne la faute commise par le maître d'ouvrage, il y a lieu de condamner les sociétés Gautier + Conquet et associés et GEC Rhône-Alpes à réparer, à concurrence des deux tiers les conséquences préjudiciables pour l'Université Claude Bernard Lyon I des désordres survenus aux ascenseurs du bâtiment enseignement.

Sur l'indemnisation :

21. En premier lieu, les premiers juges ont accordé à l'Université Claude Bernard Lyon I la somme de 13 244,29 euros TTC pour réparer le préjudice financier né des travaux de reprise effectués pour maintenir les ascenseurs en état de 2003 à 2006 puis en 2008. L'Université a produit, à l'appui de sa demande, des factures correspondant à ces travaux. Si la société GEC Rhône-Alpes conteste le montant ainsi retenu en soutenant que toutes les interventions sur les ascenseurs n'étaient pas liées aux désordres provenant des infiltrations d'eau dans les cabines, elle ne l'établit toutefois pas. Dès lors, il n'y a pas lieu de modifier le montant de cette somme retenu par le jugement attaqué.

22. En deuxième lieu, s'agissant des travaux de reprise, l'Université Claude Bernard Lyon I réclamait la somme de 262 241,60 euros TTC correspondant à la création d'une gaine vitrée pour chacun des deux ascenseurs et leur remise en état. Les premiers juges ont tenu compte de ce que le devis retenu par l'expert portait aussi sur des prestations de mise aux normes édictées après la survenance des désordres pour limiter le montant de la somme accordée à 250 000 euros TTC. En relevant que, pas davantage que l'expert, les premiers juges, n'ont pris en compte le devis de la société Sintec d'un montant de 160 000 euros HT qui aurait été produit lors des opérations d'expertise le 21 janvier 2008, les sociétés requérantes n'établissent pas que le montant de la somme accordée ne correspond pas à ce qui est nécessaire pour couvrir les travaux de reprise.

23. En outre, les premiers juges ont également accordé à l'Université la somme de 42 751,22 euros TTC correspondant aux frais de mission de maîtrise d'oeuvre, de contrôle technique, de coordination SPS et de frais de publicité de marché en se fondant sur les pièces produites par l'Université et notamment les factures. Le jugement attaqué a également relevé que la somme de 35 796 euros correspondant aux frais de maîtrise d'oeuvre ne peut être regardée comme excessive dès lors qu'elle correspond à un taux de rémunération de 12,3 %. Les sociétés requérantes ne contestent pas de façon pertinente le jugement attaqué qu'il convient dès lors de confirmer sur ce point.

24. En dernier lieu, pour les motifs retenus par le jugement attaqué, le montant des réparations dues à l'Université Claude Bernard Lyon I doit être calculé toutes taxes comprises, les sociétés requérantes n'ayant apporté aucun élément de nature à remettre en cause la présomption de non-assujettissement de cette université à la taxe sur la valeur ajoutée. Elles n'apportent pas davantage d'éléments de nature à établir que la fourniture et l'installation de ces ascenseurs, qui ne rentrent pas dans la catégorie des ascenseurs spécialement destinés à des personnes handicapées, pourraient être soumises à un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée. Dès lors, et comme l'ont retenu les premiers juges, le montant des réparations TTC doit être calculé au taux normal en vigueur lors de la réalisation des travaux.

25. Il résulte de tout ce qui précède, et compte tenu de ce qui a été dit aux points 17 et 20, qu'il y a lieu de condamner solidairement les sociétés Gautier + Conquet et associés et GEC Rhône-Alpes à verser à l'Université Claude Bernard Lyon I une indemnité d'un montant de 203 997 euros TTC. Le jugement du tribunal administratif de Lyon qui les a condamnées à verser la somme de 305 995,51 euros TTC doit être réformé dans cette mesure.

Sur les appels en garantie :

26. Le préjudice subi par le maître d'ouvrage qui a été privé de la possibilité de refuser la réception des ouvrages ou d'assortir cette réception de réserves, du fait d'un manquement du maître d'oeuvre à son obligation de conseil, et dont ce dernier doit réparer les conséquences financières, n'est pas directement imputable aux manquements aux règles de l'art commis par les entreprises en cours de chantier. Par suite, les sociétés Gautier + Conquet et associés et GEC Rhône-Alpes ne sont pas fondées à demander à être garanties par les sociétés NSA et Bureau Alpes contrôles des condamnations prononcées à leur encontre.

Sur les frais liés au litige :

27. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter l'ensemble des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1 : La somme que les sociétés Gautier + Conquet et associés et GEC Rhône-Alpes ont été condamnées à verser à l'Université Claude Bernard Lyon I par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 janvier 2015 est ramenée de 305 995,51 euros TTC à 203 997 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2010. Ces intérêts seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter du 20 mai 2011 puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 janvier 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties et celles qu'elles ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Gautier + Conquet et associés, GEC Rhône-Alpes, Nouvelle Société d'Ascenseurs (NSA), SECA, à l'Université Claude Bernard Lyon I, Bureau Alpes Contrôles et à la compagnie d'assurances AGF.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2018 où siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 octobre 2018.

16

Nos 15LY01256, 15LY01264


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01256
Date de la décision : 25/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité contractuelle.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité contractuelle - Qualité pour la mettre en jeu.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité contractuelle - Faits de nature à entraîner la responsabilité de l'architecte.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale - Qualité pour la mettre en jeu.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale - Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale - Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs - N'ont pas ce caractère.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Réparation - Condamnation solidaire.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Genevieve GONDOUIN
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : JOSSERAND

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-25;15ly01256 ?
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