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22/10/2018 | FRANCE | N°18LY00242

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 22 octobre 2018, 18LY00242


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 17 octobre 2017 lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office.

Par un jugement n° 1706013 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un

mémoire, enregistrés les 19 janvier et 2 février 2018, Mme B..., représentée par Me Bret, avoca...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 17 octobre 2017 lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office.

Par un jugement n° 1706013 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 janvier et 2 février 2018, Mme B..., représentée par Me Bret, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 décembre 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que, n'ayant pas séjourné en France plus de six mois par an, le préfet ne pouvait pas légalement lui refuser le renouvellement de son titre de séjour au motif qu'elle n'avait pas respecté cette obligation, définie par l'article L. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 24 septembre 2018, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen de la requête est infondé et que le passeport de Mme B... ne comporte que des visas datés de 2014 et 2015.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 16 février 1995, a obtenu une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier ", valable du 29 août 2014 au 28 août 2017. Le 17 août 2017, elle en a sollicité le renouvellement. Par arrêté du 17 octobre 2017, le préfet de la Drôme lui a opposé un refus, qu'il a assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi. Mme B... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. Aux termes de l'article L. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour d'une durée maximale de trois ans, renouvelable, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée, dès sa première admission au séjour, à l'étranger pour l'exercice d'un emploi à caractère saisonnier, défini au 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du même code, lorsque l'étranger s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France. La carte porte la mention " travailleur saisonnier ". / Elle donne à son titulaire le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois par an. "

3. Pour refuser le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier ", le préfet de la Drôme s'est fondé sur le non respect, par Mme B..., des obligations en matière de durée de séjour en France imposées par son titre de séjour. Le préfet de la Drôme soutient, au vu des factures d'eau établies au nom de Mme B... pour un appartement situé à Tain l'Hermitage pris à bail en 2014, révélant selon lui des consommations d'eau constantes et significatives, et du procès-verbal de gendarmerie établi le 22 septembre 2017, faisant état du constat, la veille, de ce que le nom de Mme B... figurait, avec deux autres patronymes, sur la boîte aux lettres d'un appartement situé à Tain l'Hermitage qui contenait du courrier lui étant adressé, que l'intéressée a séjourné plus de six mois par an en France durant la durée de validité de sa carte de séjour pluriannuelle. Toutefois, Mme B... produit les formulaires d'autorisation de travail saisonnier renseignés par son employeur, l'autorisant à travailler en France pour une durée de quatre mois, qui ont été visés par les services de l'emploi respectivement les 19 juin 2014, 17 avril 2015, 18 mai 2016 et 19 mai 2017 et comportent des cachets de l'Office français de l'immigration et de l'intégration attestant de son retour au Maroc les 12 novembre 2014, 8 octobre 2015 et 14 novembre 2016, ainsi que des réservations de transport aérien à son nom pour des trajets au départ du Maroc et à destination de la France les 20 juin 2014, 8 mai 2015, 19 mai 2016 et 20 mai 2017. Enfin, Mme B... produit une attestation de l'administrateur de biens gérant l'appartement pris en location à Tain l'Hermitage en août 2014, qui affirme, quittances de loyer à l'appui, que du 1er novembre 2014 au 31 mai 2017, le locataire de l'appartement était une autre personne, que Mme B... présente comme son cousin. Mme B... affirme que c'est par négligence que le changement de locataire n'a pas été communiqué au service de distribution d'eau potable et produit des factures d'électricité et de gaz établies à partir de fin 2014 au nom du nouveau locataire. Par ailleurs, le constat de gendarmerie précité a été réalisé alors que Mme B... était revenue sur le territoire français au titre de l'année 2017, quatre mois seulement auparavant. Même si son passeport ne comporte pas de cachet postérieur à 2015, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que Mme B... a séjourné en France plus de six mois par an durant la période couverte par la carte de séjour pluriannuelle " travailleur saisonnier " qu'elle détenait. Par suite, le préfet a commis une erreur d'appréciation en lui refusant le renouvellement de ce titre de séjour au motif du non respect de ses obligations de durée de séjour en France. En conséquence, le refus de renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle mention " travailleur saisonnier " est illégal et doit être annulé. Il en est de même, par voie de conséquence, des décisions du même jour obligeant Mme B...à quitter le territoire français, lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Le juge de l'injonction, saisi de conclusions présentées au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, est tenu de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de son arrêt.

6. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) ".

7. Le présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il repose, que le préfet de la Drôme renouvelle le titre de séjour sollicité. Par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de délivrer à Mme B... une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bret, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au profit de Me Bret, au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 décembre 2017 et les décisions du préfet de la Drôme du 17 octobre 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Drôme de délivrer à Mme B... une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera la somme de 1 000 euros à Me Bret au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Valence.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2018.

5

N° 18LY00242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00242
Date de la décision : 22/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : JEAN-YVES BRET -PATRICK BERAS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-22;18ly00242 ?
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