Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société française d'intervention et de prévention (SFIP) a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 4 février 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a :
- retiré sa décision implicite de rejet du recours de M. A... B... contre la décision de l'inspectrice du travail de la 7ème section du Rhône du 23 juin 2014 ayant autorisé son licenciement pour inaptitude ;
- annulé cette décision ;
- refusé l'autorisation de licencier ce salarié.
Par un jugement n° 1502450 du 14 février 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du ministre du travail du 4 février 2015 et lui a enjoint de procéder à un nouvel réexamen de la demande d'autorisation de licenciement de M. B... et de prendre une nouvelle décision.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 10 avril 2017, M. B..., représenté par Me Chabanol, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 février 2017 ;
2°) de rejeter la demande de la société SFIP devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- la visite organisée le 24 février 2014 pendant son arrêt de travail ne peut être valablement qualifiée de visite de reprise au sens des dispositions des articles L. 1226-2 et R. 4624-23 du code du travail ;
- la société SFIP n'a pas rempli son obligation de recherche de reclassement dès lors que l'employeur ne justifie d'aucune recherche de reclassement étendue au niveau du groupe auquel la société appartient ;
- les agissements de son supérieur hiérarchique ayant causé une dégradation de son état de santé et ayant conduit à son inaptitude sont en lien avec son mandat de délégué du personnel.
La requête a été communiquée au ministre du travail et à la société française d'intervention et de prévention, qui n'ont pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 19 avril 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Clot, président,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été embauché le 9 janvier 2003 par la société française d'intervention et de prévention (SFIP), spécialisée dans la protection des biens, des personnes et des locaux, pour occuper le poste d'agent de sécurité incendie. Le 7 octobre 2011, il détenait un mandat de délégué du personnel titulaire jusqu'au 12 mars 2014. A compter du 26 avril 2013 et jusqu'au 6 mai 2014, il a fait l'objet de neuf arrêts de travail pour état dépressif et syndrome anxieux majeur. Parallèlement, à la suite d'un examen effectué le 24 février 2014, le médecin du travail a déclaré M. B... inapte à reprendre son poste ou tout autre poste quels que soient les aménagements, reclassements ou mutations envisagés. Après lui avoir proposé trois postes de reclassement, que l'intéressé a refusés, et après avoir consulté le médecin du travail à deux reprises puis les délégués du personnel et fait état d'une impossibilité de reclassement de ce salarié, la société SFIP a saisi le 3 juin 2014 l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de M. B... pour inaptitude. Le 23 juin 2014, l'inspectrice du travail de la 7ème section du Rhône a autorisé ce licenciement et M. B... s'est vu notifier, par un courrier du 26 juin 2014, son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement. Par lettre du 4 août 2014, reçue le 7 août 2014, il a formé un recours hiérarchique contre cette décision. Le 4 février 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet de ce recours, annulé la décision de l'inspectrice du travail et refusé l'autorisation de licenciement de M. B.... Celui-ci relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ".
3. Dans le cas où la demande de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en oeuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
4. Il ressort des pièces du dossier que, à la suite de l'avis d'inaptitude du médecin du travail en date du 24 février 2014, la société SFIP a demandé au médecin du travail, par courrier du 7 mars 2014, de lui préciser les postes susceptibles d'être occupés par M. B..., y compris moyennant adaptation ou formation. En réponse, ce médecin a, le 12 mars 2014, confirmé l'inaptitude totale à tout poste au sein de l'entreprise et du groupe et qu'aucun aménagement, reclassement ou mutation n'était envisageable. Cet avis d'inaptitude ne dispensait pas l'employeur, avant de présenter une demande d'autorisation de licenciement fondée sur ledit avis, de rechercher une possibilité de reclassement au sein de la société et des entreprises du groupe dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel et d'établir, le cas échéant, l'impossibilité de procéder à ce reclassement.
5. Il est constant que la société SFIP fait partie d'un groupe auquel appartiennent également la société française d'intervention pour la tranquillité (SFIT) dont l'activité est dédiée à la sûreté des biens et des personnes, la société Centre de formation sécurité (CFS), chargée de la formation continue dans le domaine de la sécurité, de la prévention, de l'incendie et du secours à la personne et la société française de gestion (SFG), chargée de l'animation et de la gestion des entreprises du groupe. L'organisation, les activités et le lieu d'exploitation de ces entreprises permettent d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Dès lors, il incombait à la société SFIP de rechercher au sein de l'ensemble de ces entreprises le reclassement de M. B... dans un emploi approprié à ses capacités. Après avoir consulté la délégation unique du personnel le 25 mars 2014, la société SFIP a proposé à celui-ci trois postes de reclassement en son sein, soit un poste de planificateur au siège social de Villeurbanne et deux postes d'agent de sécurité en vidéo-protection au pôle de loisirs et de commerce à Lyon 2ème et au centre commercial de Lyon Part Dieu. En se bornant à produire les registres du personnel des trois autres sociétés appartenant au même groupe, elle n'établit pas avoir recherché au sein de celles-ci l'existence de possibilités de reclassement de ce salarié au moyen de mesures telles que mutations, transformations des postes de travail ou aménagement du temps de travail. Dès lors, elle ne peut pas être regardée comme ayant satisfait à l'obligation de recherche sérieuse de telles possibilités, qui lui incombait. Par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision ministérielle en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que la société SFIP avait satisfait à son obligation de reclassement.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner l'autre moyen invoqué par la société SFIP.
7. Le ministre ne s'étant pas fondé sur le motif tiré de l'existence d'un lien entre le licenciement de M. B... et le mandat de délégué du personnel qu'il détenait, le moyen de la société SFIP tiré de l'absence d'un tel lien est inopérant.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du ministre du travail.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 février 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de la société SFIP devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société française d'intervention et de prévention et au ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2018.
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N° 17LY01590