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22/10/2018 | FRANCE | N°16LY03150

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 22 octobre 2018, 16LY03150


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 à raison d'une plus-value de cession de droits sociaux, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1502058 du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 septembre 2016 et 2

3 mars 2017, Mme C..., représentée par Me Martin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 à raison d'une plus-value de cession de droits sociaux, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1502058 du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 septembre 2016 et 23 mars 2017, Mme C..., représentée par Me Martin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 juin 2016 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'est devenue propriétaire des titres litigieux que par l'effet de l'acte de liquidation-partage reçu le 23 février 2011, lequel constitue au regard des soultes versées, une acquisition à titre onéreux ; le caractère déclaratif du partage institué par l'article 883 du code civil ne saurait produire de conséquence fiscale ;

- l'article 150-0 A IV du code général des impôts n'a pour objet que d'exonérer d'impôt sur le revenu les plus-values constatées à l'occasion d'un partage de droits sociaux dépendant d'une indivision successorale intervenant entre les membres originaires de l'indivision ; il n'implique pas l'absence de prise en compte des soultes versées aux cohéritières dans le calcul du montant de la plus-value réalisée lors de la cession des titres ;

- l'administration ne peut se prévaloir des dispositions du BOI n° 54 du 21 mai 2008 n° 17 ;

- les dispositions de l'article 883 du code civil appliquées en matière de calcul des plus-values de cession et celles du IV du A de l'article 150-0 du code général des impôts méconnaissent les principes d'égalité devant l'impôt ainsi que d'égale répartition des charges entre tous les citoyens à raison de leurs facultés contributives.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que : selon l'article 883 du code civil, le transfert de propriété intervient au décès de la personne ; l'article 150-0 A IV du code général des impôts prévoit que les gains nets constatés à l'occasion d'un partage sur des valeurs mobilières, droits sociaux et des titres assimilés dépendant d'une indivision successorale ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu ; ainsi la requérante ne peut soutenir que le partage constitue nécessairement, au regard des soultes stipulés, une acquisition à titre onéreux ; c'est pour cette raison que lors de la cession ultérieure par l'attributaire des titres ou droits reçus lors du partage, il n'est pas tenu compte des soultes versées à l'occasion du partage.

Par deux mémoires distincts, enregistrés le 11 avril 2017, Mme C... soulève la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux principes d'égalité devant les charges publiques et de répartition des impôts selon les facultés contributives consacrés par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen :

- de l'article 883 du code civil tel qu'interprété par le Conseil d'État pour la détermination des plus-values en matière fiscale ;

- du IV du A de l'article 150-0 du code général des impôts en ce qu'il prévoit des conditions d'imposition différentes pour les attributaires d'un bien indivis en fonction de l'origine de l'indivision et pour les indivisaires d'une même indivision selon qu'ils sont attributaires ou non.

Par des observations enregistrées le 18 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées.

Le ministre expose que les conditions de transmission des question prioritaires de constitutionnalité ne sont pas réunies ; les dispositions de l'article 883 du code civil ne sont pas applicables au litige ; l'existence de situations différentes entre l'indivision résultant d'une acquisition à titre onéreux et celle résultant d'une succession explique l'existence d'une différence d'imposition qui est en rapport avec l'objet de la loi ; la question prioritaire de constitutionnalité relative au IV de l'article 150-0 A du code général des impôts ne présente pas de caractère sérieux.

Par une ordonnance du 16 janvier 2018, le président de la 5ème chambre de la cour a transmis au Conseil d'État les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par Mme C....

Par une décision n° 417378 du 11 avril 2018, le Conseil d'État statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des paragraphes I et IV de l'article 150-0 A du code général des impôts et a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 883 du code civil, ce dernier texte n'étant pas applicable au litige.

Par une décision n° 2018-719 QPC du 13 juillet 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du paragraphe IV de l'article 150-0 A du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche ;

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a reçu de son père, M. B... C..., par acte de donation en avancement de la part successorale du 6 décembre 2007, cent vingt cinq parts de la SARL CAPPI dont il était le gérant. Par un second acte, du 13 février 2009, elle a bénéficié d'une nouvelle donation à hauteur de cent quatre vingt quatorze parts de la SARL CAPPI. Par acte authentique du même jour, le père de l'intéressée a légué à ses quatre filles l'ensemble des parts qu'il possédait dans la SARL CAPPI. A la suite du décès de M. B... C..., le 23 mars 2009, suivant l'acte de partage successoral du 23 février 2011, Mme C... a été reconnue redevable à l'égard de ses cohéritières, eu égard aux donations opérées en sa faveur par son père et rapportées à la succession, de soultes correspondant à un montant global de 215 870,33 euros. Le 25 mai 2011, l'intéressé a cédé deux cent vingt deux parts de la SARL CAPPI à l'EURL JEDM Holding pour un montant de 175 380 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces, par une proposition de rectification du 31 juillet 2014, l'administration a estimé qu'à raison de cette cession du 25 mai 2011, Mme C... avait réalisé une plus-value qu'elle a imposée sur le fondement des articles 150-0 A et 150-0 D du code général des impôts. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenue assorties de pénalités et d'intérêts de retard, ont été mises en recouvrement le 23 janvier 2015. Mme C... relève appel du jugement du 23 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011. Par mémoires distincts, la requérante sollicite la transmission au Conseil d'État de deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité aux principes d'égalité devant les charges publiques et de proportionnalité de l'impôt au regard des capacités contributives du contribuable garantis par la Constitution, d'une part, des dispositions de l'article 883 du code civil tel qu'interprété par le Conseil d'État pour la détermination des plus-values en matière fiscale et, d'autre part, des dispositions du IV du A de l'article 150-0 du code général des impôts.

Sur les questions prioritaires de constitutionnalité :

2. Par deux mémoires enregistrés le 11 avril 2017, Mme C... a demandé à la cour de transmettre au Conseil d'État l'examen des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du IV de l'article 150-0 A du code général des impôts et de l'article 883 du code civil et par une ordonnance du 16 janvier 2018, le président de la 5ème chambre de la cour a transmis ces questions au Conseil d'État.

3. Par une décision du 11 avril 2018, le Conseil d'État, a renvoyé au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des paragraphes I et IV de l'article 150-0 A du code général des impôts et a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 883 du code civil au motif que ces dispositions ne sont pas applicables au litige. Enfin, par une décision n° 2018-719 QPC du 13 juillet 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions litigeuses du paragraphe IV de l'article 150-0 A du code général des impôts.

4. Il résulte de ces décisions que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 883 du code civil appliquées en matière de calcul des plus-values de cession et celles du IV du A de l'article 150-0 du code général des impôts méconnaîtraient les principes d'égalité devant l'impôt ainsi que d'égale répartition des charges entre tous les citoyens à raison de leurs facultés contributives.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu. (...) IV. Le I ne s'applique pas aux partages qui portent sur des valeurs mobilières, des droits sociaux et des titres assimilés, dépendant d'une succession ou d'une communauté conjugale et qui interviennent uniquement entre les membres originaires de l'indivision, leur conjoint, des ascendants, des descendants ou des ayants droit à titre universel de l'un ou de plusieurs d'entre eux. Il en est de même des partages portant sur des biens indivis issus d'une donation-partage et des partages portant sur des biens indivis acquis par des partenaires ayant conclu un pacte civil de solidarité ou par des époux, avant ou pendant le pacte ou le mariage. Ces partages ne sont pas considérés comme translatifs de propriété dans la mesure des soultes ou plus-values. ". Aux termes de l'article 150-0 D du même code : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. (...) ".

6. Il résulte du premier alinéa de l'article 883 du code civil, aux termes duquel : " Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession ", que seul un effet déclaratif et non translatif de propriété est attaché à un partage successoral.

7. En premier lieu, Mme C... soutient qu'elle doit être regardée comme ayant acquis à titre onéreux la propriété des titres litigieux le 23 février 2011, date de l'acte de partage successoral qui l'a rendue redevable de soultes à l'égard de ses cohéritières. Toutefois, il résulte des dispositions précitées que ce partage, qui a porté sur des biens provenant d'une indivision successorale, ne peut être regardé comme une acquisition de ces biens à titre onéreux, alors même qu'il a donné lieu au versement de soultes. Par suite, c'est à bon droit que, pour déterminer le montant de la plus-value de cession des titres réalisée par l'intéressée, l'administration s'est fondée sur la valeur des titres cédés à la date de l'ouverture de la succession, à non à celle du partage successoral.

8. En deuxième lieu, il résulte également des dispositions précitées que le partage de biens issus d'une indivision successorale ne pouvant faire l'objet d'aucune imposition, le versement de soultes auquel il peut avoir donné lieu le cas échéant ne peut être pris en compte au titre des frais d'acquisition lors de la cession ultérieure de ces biens. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé de déduire les soultes versées par Mme C... à ses cohéritières de la valeur d'acquisition des titres litigieux pour le calcul du montant de la plus-value réalisée lors de leur cession.

9. En troisième et dernier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a imposé la plus-value réalisée par Mme C... en se fondant sur les dispositions du IV de l'article 150-0 A du code général des impôts. Dès lors, la circonstance que, dans la proposition de rectification du 31 juillet 2014 et dans sa réponse aux observations du contribuable du 17 octobre 2014, l'administration s'est référée au paragraphe n° 17 de l'instruction publiée au bulletin officiel des impôts n° 54 du 21 mai 2008 reste sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition en litige.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2018.

6

N° 16LY03150


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03150
Date de la décision : 22/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-08-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Plus-values des particuliers. Plus-values immobilières.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LEGI CONSEILS BOURGOGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-22;16ly03150 ?
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