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22/10/2018 | FRANCE | N°16LY02778

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 22 octobre 2018, 16LY02778


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat CGT des personnels de la plateforme chimique Les Roches-Roussillon et l'association Comité action prévenir et réparer (CAPER) Nord Isère ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 22 juillet 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté leur demande d'inscription de l'usine des Roches-Roussillon sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des

travailleurs de l'amiante pour la période de 1945 à 1996.

Par un jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat CGT des personnels de la plateforme chimique Les Roches-Roussillon et l'association Comité action prévenir et réparer (CAPER) Nord Isère ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 22 juillet 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté leur demande d'inscription de l'usine des Roches-Roussillon sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1945 à 1996.

Par un jugement n° 1407291 du 11 juillet 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 22 juillet 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et enjoint audit ministre de procéder à l'inscription de l'établissement Les Roches-Roussillon sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, au titre de la période de 1945 à 1996.

Procédure devant la cour

I) Par une requête enregistrée sous le n° 16LY02778 le 29 juillet 2016, présentée pour la société Rhodia Opérations, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1407291 du 11 juillet 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande du syndicat CGT des personnels de la plateforme chimique Les Roches-Roussillon et de l'association Comité action prévenir et réparer (CAPER) Nord Isère devant le tribunal.

Elle soutient que :

- l'activité industrielle de la société Rhodia Opérations sur la plateforme chimique Les Roches-Roussillon n'est pas une des activités visées par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et cette plateforme chimique, composée de quinze établissements industriels exploités par des sociétés distinctes, ne se résume pas au seul établissement exploité par la société Rhodia Opérations, de sorte qu'il convient d'apprécier la pertinence de la demande d'inscription au regard de chacune des sociétés exploitant un établissement industriel sur le site ;

- en ce qui concerne l'activité développée par la partie industrielle de la plateforme chimique relevant de la société Rhodia Opérations, il a été démontré que les travaux de calorifugeage étaient sous-traités depuis les années 1950 ;

- le nombre des maladies professionnelles n'est pas le signe d'une activité significative de calorifugeage au sens de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;

- les constats consignés par l'inspection du travail dans son rapport d'enquête préalable ne permettent pas de retenir que les opérations de calorifugeage sur la plateforme chimique Les Roches-Roussillon, compte tenu de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, ont représenté une part significative de l'activité du site.

Par un mémoire, enregistré le 12 décembre 2016, présenté pour le syndicat CGT des personnels de la plateforme chimique Les Roches-Roussillon et l'association Comité action prévenir et réparer (CAPER) Nord Isère, ils concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Rhodia Opérations au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 24 avril 2018, le ministre du travail indique s'associer aux conclusions de la requête de la société Rhodia Opérations.

II) Par un recours, enregistré sous le n° 16LY03130 le 9 septembre 2016 et un mémoire enregistré le 20 juillet 2017, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1407291 du 11 juillet 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande du syndicat CGT des personnels de la plateforme chimique Les Roches-Roussillon et de l'association Comité action prévenir et réparer (CAPER) Nord Isère devant le tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que 1'établissement des Roches Roussillon était un seul et même établissement ayant appartenu à Rhône Poulenc alors qu'ainsi qu'il ressort d'un rapport de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes mentionnant deux numéros SIRET distincts pour les deux sites de la plateforme chimique des Roches et de Roussillon, il y avait plusieurs établissements sur la plate-forme chimique alors que l'instruction des dossiers de demandes d'inscription au titre de la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante nécessite un examen particulier de la situation de chaque établissement ;

- c'est également à tort que les premiers juges ont considéré que la part des activités exposant à l'amiante au sein de l'établissement Les Roches-Roussillon devait être regardée comme significative au sens de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 sans être toutefois en mesure d'apprécier la part représentée par les activités exposant à l'amiante ni la proportion de salariés ou la fréquence des opérations de calorifugeage à 1'amiante, dès lors que le tribunal administratif s'est contenté de procéder à une énumération de pourcentages représentant la proportion de salariés de chaque catégorie susceptibles d'avoir été en contact avec des produits de calorifugeage à l'amiante.

Par des mémoires, enregistrés le 12 décembre 2016 et le 10 novembre 2017, présentés pour le syndicat CGT des personnels de la plateforme chimique Les Roches-Roussillon et l'association Comité action prévenir et réparer (CAPER) Nord Isère, ils concluent au rejet du recours et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me Bidal, avocat de la société Rhodia Opérations, et de Me A..., Topaloff, Lafforgue, Andreu associés), avocat du syndicat CGT des personnels de la plateforme chimique Les Roches-Roussillon et de l'association CAPER Nord Isère ;

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat CGT des personnels de la plateforme chimique Les Roches-Roussillon et l'association CAPER Nord Isère ont sollicité auprès du ministre chargé du travail, par lettre du 1er août 2014, l'inscription sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, pour la période de 1945 à 1996, de l'établissement " usine de Roussillon ", correspondant à l'usine chimique de Roussillon créée en 1915 par la Société chimique des usines du Rhône, devenue par la suite la Société des usines chimiques Rhône-Poulenc, puis Rhône-Poulenc, établissement devenu " Rhône-Poulenc Chimie Les Roches Roussillon " à la suite de la création d'une entité unique en 1993 avec le regroupement de l'usine des Roches de Condrieu. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration pendant deux mois puis, à la suite du rapport transmis par l'inspecteur du travail, le ministre chargé du travail a refusé, par une décision du 22 juillet 2015, de faire droit à cette demande. La société Rhodia Opérations, intervenant en défense en première instance, d'une part, sous le n° 16LY02778, et le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, d'autre part, sous le n° 16LY03130, interjettent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ladite décision ministérielle et enjoint audit ministre de procéder à l'inscription de l'établissement Les Roches-Roussillon sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation d'activité des travailleurs de l'amiante, au titre de la période de 1945 à 1996.

2. La requête de la société Rhodia Opérations et le recours du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social étant dirigés contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la demande présentée le 1er août 2014 par le syndicat CGT des personnels de la plateforme chimique Les Roches-Roussillon et l'association CAPER Nord Isère que celle-ci tendait, ainsi qu'il a été dit au point 1, à l'inscription sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, pour la période de 1945 à 1996, de " l'établissement " Roussillon " devenu en 1994 " Les Roches-Roussillon ", suite à la fusion intervenue avec l'usine des " Roches de Condrieu ". Il en ressort également que, pour la période concernée par l'inscription, un seul établissement, comprenant dans un premier temps le seul site de Roussillon, exploité par la société Rhône Poulenc, puis les deux sites respectifs de Roussillon et des Roches, suite au regroupement en une entité unique Rhône-Poulenc Chimie Les Roches-Roussillon en 1993, a fait l'objet d'une demande d'inscription et a, au demeurant, fait l'objet d'une telle inscription par un arrêté ministériel du 19 juin 2017 pris pour l'exécution du jugement attaqué. Dès lors, en dépit de la circonstance qu'à la date de la demande d'inscription de l'établissement sur la liste plusieurs sociétés exploitaient le site, notamment la société Rhodia à partir de 1999, suite à la séparation des activités chimie et pharmacie de la société Rhône-Poulenc, plusieurs activités ayant par ailleurs été cédées entraînant l'installation de nouvelles entreprises sur le site Les Roches-Roussillon et la création d'un groupement d'intérêt économique dénommé Osiris, l'examen de la demande d'inscription du site n'impliquait pas, contrairement à ce que soutient la société Rhodia Opérations, d'apprécier la pertinence de cette demande au regard de chacune des sociétés exploitant un établissement industriel sur le site.

4. En second lieu, aux termes du I de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, dans sa rédaction applicable à la date des décisions en litige : " I. - Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante (...), sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : / 1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. L'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que peuvent seuls être légalement inscrits sur la liste qu'elles prévoient les établissements dans lesquels les opérations de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de calorifugeage ou de flocage à l'amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, représenté sur la période en cause une part significative de l'activité de ces établissements et il en va ainsi alors même que ces opérations ne constitueraient pas l'activité principale des établissements en question. Les opérations de calorifugeage à l'amiante doivent, pour l'application de ces dispositions, s'entendre des interventions qui ont pour but d'utiliser l'amiante à des fins d'isolation thermique et ne sauraient, par suite, ouvrir droit à l'allocation prévue par ce texte les utilisations de l'amiante à des fins autres que l'isolation thermique, alors même que, par l'effet de ses propriétés intrinsèques, l'amiante ainsi utilisée assurerait également une isolation thermique.

6. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du rapport de l'inspecteur du travail du 13 mars 2015 produit par les parties, que les métiers concernés par la pose, la dépose et la découpe de plaques, tresses et joints amiantés dans le but de calorifuger les chaudières, les fours et les différents réseaux de fluides (vapeur, acide...) étaient les chaudronniers, les menuisiers, les mécaniciens, les monteurs, les électriciens, les instrumentistes regroupés sous la catégorie des agents d'entretiens, qui représentaient 27 % des salariés embauchés de 1983 à 1988 sur le site de Roussillon et 10 % sur le site des Roches ainsi que les laborantins, qui représentaient environ 5 % de l'ensemble du personnel, et qui calorifugeaient quotidiennement à l'aide de tresses le matériel utilisé pour leurs préparations et analyses. Il en ressort également que les agents de fabrication, du niveau opérateur à chef de quart, qui représentaient 54 % du personnel de l'usine de Roussillon et 79 % de celui de l'usine des Roches, procédaient deux à trois fois par mois à des opérations de calorifugeage des joints lors des opérations de démontage des pompes. Il ressort ainsi des termes mêmes de ce rapport que l'amiante utilisé sur le site l'était à des fins de calorifugeage, alors au demeurant que ni la société Rhodia Opérations ni le ministre du travail ne contestent l'existence d'activités de calorifugeage dans l'établissement en cause. Dans ces conditions, à supposer même établie la circonstance qu'une partie de l'activité de calorifugeage exercée sur le site aurait été externalisée, eu égard à la fréquence et à la proportion de salariés affectés aux activités de calorifugeage à l'amiante, et alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les conditions d'emploi de l'amiante par les salariés du site auraient été différentes au cours des années antérieures à la période prise en compte par l'inspecteur du travail dans son rapport eu égard aux archives alors encore disponibles, de telles activités devaient être considérées comme revêtant un caractère significatif au cours de la période comprise entre 1945 et 1996. Par suite, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en refusant l'inscription de cet établissement sur la liste prévue à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, a méconnu ces dispositions.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Rhodia Opérations, d'une part, et le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, d'autre part, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision ministérielle du 22 juillet 2015.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Rhodia Opérations et de l'État la somme de 1 500 euros chacun au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par le syndicat CGT des personnels de la plateforme chimique Les Roches-Roussillon et l'association Comité action prévenir et réparer (CAPER) Nord Isère.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Rhodia Opérations et le recours du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sont rejetés.

Article 2 : La société Rhodia Opérations et l'État verseront chacun la somme de 1 500 euros au syndicat CGT des personnels de la plateforme chimique Les Roches-Roussillon et à l'association comité action prévenir et réparer (CAPER) Nord Isère au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Rhodia Opérations, au ministre du travail, au syndicat CGT des personnels de la plateforme chimique Les Roches-Roussillon et à l'association Comité action prévenir et réparer (CAPER) Nord Isère.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2018.

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Nos 16LY02778, 16LY03130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02778
Date de la décision : 22/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP J. AGUERA et ASSOCIES - LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-22;16ly02778 ?
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