Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Monsieur et Madame B...ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 24 octobre 2017 par lesquels le préfet du Cantal leur a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés d'office.
Par les jugements n°s 1702081 et 1702082 du 18 janvier 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces arrêtés et enjoint au préfet du Cantal de réexaminer la situation de Monsieur et de Madame B... dans le délai de deux mois et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification des jugements.
Procédure devant la cour
- I - Par une requête enregistrée le 12 février 2018 sous le n° 18LY00531 et un mémoire enregistré le 17 avril 2018, le préfet du Cantal demande à la cour d'annuler le jugement n° 1702081 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 18 janvier 2018 et de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
Le préfet soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ; MmeB..., dont la demande d'asile a été rejetée, ne pouvait ignorer le risque d'éloignement qui s'ensuivrait ainsi que le prévoit l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été notifiée à Mme B... le 16 octobre 2017, avant la date de l'arrêté contesté ;
- le 11° et le 7° de l'article L. 313-11 du code précité n'ont en rien été méconnus ;
- il en va de même pour les articles 3 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 avril 2018 Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour Me A... de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle fait valoir que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le préfet du Cantal avait méconnu son droit d'être entendue ; elle n'a pas eu de délai pour faire valoir les éléments relatifs à sa situation personnelle ;
- en plus elle n'a pas reçu notification de la décision de la CNDA avant le 24 octobre 2017, date de l'obligation de quitter le territoire français ;
- le 11° de l'article L. 313-11 du code précité a été méconnu, son enfant est malade et l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'a pas été requis ;
- il en va de même pour le 7° de l'article L. 313-11, ses quatre enfants sont scolarisés en France et ils n'ont plus de contact avec leur famille en Albanie ;
- ont également été méconnues les stipulations des articles 3 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
- II - Par une requête enregistrée le 12 février 2018 sous le n° 18LY00532 et un mémoire enregistré le 17 avril 2018, le préfet du Cantal demande à la cour d'annuler le jugement n° 1702082 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 18 janvier 2018 et de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
Le préfet soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ; M. B..., dont la demande d'asile a été rejetée, ne pouvait ignorer le risque d'éloignement qui s'ensuivrait ainsi que le prévoit l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été notifiée à M. B... le 16 octobre 2017, avant la date de l'arrêté contesté ;
- le 11° et le 7° de l'article L. 313-11 du code précité n'ont en rien été méconnus ;
- il en va de même pour les articles 3 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour Me A... de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il fait valoir que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le préfet du Cantal avait méconnu son droit d'être entendu ; il n'a pas eu de délai pour faire valoir les éléments relatifs à sa situation personnelle ;
- en plus il n'a pas reçu notification de la décision de la CNDA avant le 24 octobre 2017, date de l'obligation de quitter le territoire français ;
- le 11° de l'article L. 313-11 du code précité a été méconnu, son enfant est malade et l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'a pas été requis ;
- il en va de même pour le 7°de l'article L. 313-11, ses quatre enfants sont scolarisés en France et ils n'ont plus de contact avec leur famille en Albanie ;
- ont également été méconnues les stipulations des articles 3 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des décisions du 13 mars 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Monsieur et à MadameB....
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Gondouin ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Monsieur et Madame B...nés respectivement en 1968 et 1978, sont de nationalité albanaise. Leur demande d'asile a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 et 31 mai 2017 que la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmées le 9 octobre 2017. À la suite de ces décisions de la CNDA, le préfet du Cantal a pris à leur encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés d'office par des arrêtés du 24 octobre 2017. Le préfet du Cantal relève appel des jugements du 18 janvier 2018 par lesquels le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces arrêtés.
2. Ces requêtes appellent à juger des questions semblables qui ont des conséquences sur la situation de l'un et l'autre requérants. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le motif d'annulation retenu par les jugements attaqués :
3. Aux termes des premier et septième alinéas du paragraphe I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ".
4. Les décisions de l'OFPRA du 30 et du 31 mai 2017 ont été confirmées, comme il a été dit au point 1, par la CNDA le 9 octobre 2017. La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à Monsieur et à Madame B...et ils n'étaient pas titulaires d'un titre de séjour en cours de validité. Ils entraient ainsi dans le cas prévu par le 6° du paragraphe I de l'article L. 511-1 du code précité où le préfet peut obliger un étranger à quitter le territoire français.
5. Dans le cas prévu au 6° du paragraphe I de cet article L. 511-1 où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. L'étranger qui présente une demande d'asile ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire.
6. M. et Mme B...ont présenté leur demande d'asile en février 2017. Ils auraient pu, notamment après les décisions de l'OFPRA refusant de leur accorder l'asile en mai 2017 et avant celles de la CNDA rendues en octobre 2017, présenter tous les éléments personnels importants dont ils n'avaient pas encore fait état auprès de la préfecture. Le certificat médical du 11 septembre 2017, établi à la suite d'une consultation qui s'est tenue le 1er août 2017, évoque un problème d'amygdales et de végétations pour leur fille née en 2004 sans fixer de délai à court terme pour une intervention chirurgicale. Le préfet du Cantal est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler ses arrêtés du 24 octobre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a retenu le moyen tiré de la méconnaissance du droit de M. et Mme B...à être entendus préalablement à la mesure d'éloignement.
7. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B...en première instance et en appel.
Sur les autres moyens :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".
9. Il ressort tant de la fiche Telemofpra que des accusés de réception produits par le préfet que les décisions du 9 octobre 2017 par lesquelles la CNDA a rejeté les recours de M. et de Mme B...contre les décisions de l'OFPRA leur ont été notifiées le 16 octobre 2017. En prenant des arrêtés portant obligation de quitter le territoire français le 24 octobre 2017, le préfet du Cantal n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 743-1.
10. En deuxième lieu, M. et Mme B...soutiennent que les arrêtés préfectoraux portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent le 11° de l'article L. 313-11 du code précité car leur enfant Klarissa a de graves problèmes de santé nécessitant une intervention chirurgicale. À supposer que ce moyen soit en l'espèce opérant, il ne peut qu'être écarté dès lors, comme il a été dit au point 6, que l'intervention chirurgicale a été simplement évoquée par les médecins qui ont établi le certificat médical du 11 septembre 2017. Il ne ressort en outre pas de ce certificat médical que les problèmes de santé de la fille de M. et Mme B... ne pourraient être traités en Albanie.
11. En troisième lieu, à la date des décisions contestées, M. et Mme B... n'étaient en France que depuis quelques mois. La circonstance que leurs quatre enfants sont désormais scolarisés à Aurillac ne permet pas d'établir que le préfet du Cantal a porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale et méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité et les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. et Mme B...soutiennent qu'ils ont fait l'objet de menaces en Albanie, raison pour laquelle ils sont partis au Kosovo avant de venir en France, et que tous les hommes de leur famille font l'objet d'une vendetta. Ce récit qui n'a toutefois convaincu ni l'OFPRA ni la CNDA n'est corroboré par aucune pièce du dossier. Compte tenu des éléments produits par M. et MmeB..., le préfet du Cantal n'a pas méconnu les stipulations précitées en estimant que ceux-ci pourraient être reconduits d'office dans leur pays d'origine où " la cellule familiale sera maintenue ".
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Cantal est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ses arrêtés du 24 octobre 2017. Les demandes présentées par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ainsi que leurs conclusions présentées devant la cour sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements nos 1702081 et 1702082 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 18 janvier 2018 sont annulés.
Article 2 : Les demandes de Monsieur et de Madame B...présentées devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ainsi que les conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Monsieur D...B...et à Madame C...épouse B...ainsi qu'au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Cantal.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2018 où siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.
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Nos 18LY00531, 18LY00532