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18/10/2018 | FRANCE | N°17LY03690

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2018, 17LY03690


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...A...C...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 26 janvier 2017 par lesquelles la préfète du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1700926 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 19 octobre 2017, 21 décembre 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...A...C...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 26 janvier 2017 par lesquelles la préfète du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1700926 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 19 octobre 2017, 21 décembre 2017 et 22 janvier 2018, Mme A...C..., représentée par l'AARPI Ad'vocare, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 11 juillet 2017 ;

2°) d'annuler les décisions de la préfète du Puy-de-Dôme du 26 janvier 2017 ;

3°) d'enjoindre à la préfète, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif a communiqué le mémoire en défense du préfet postérieurement à la clôture d'instruction, sans la rouvrir ;

- la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- cette décision méconnaît le 10° de l'article L. 551-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2017, et un nouveau mémoire, enregistré le 2 janvier 2018, le préfet du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le jugement est régulier ;

- les moyens invoqués par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme A...C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 septembre 2017.

Par une ordonnance du 26 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 12 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lesieux.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...C..., ressortissante de la République Démocratique du Congo, née le 16 avril 1962, est entrée irrégulièrement en France le 23 mai 2014. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 septembre 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 30 mars 2015. Le 4 septembre 2015, elle a demandé à la préfète du Puy-de-Dôme de lui délivrer un titre de séjour pour raison de santé. Mme A...C...relève appel du jugement du 11 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2017 de la préfète du Puy-de-Dôme rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination en cas d'éloignement forcé.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. (...) ". Aux termes de l'article R. 613-1 de ce code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ". Enfin, selon l'article R. 613-4 de ce code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. (...) ".

3. Mme A...C...soutient que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand lui a communiqué le mémoire en défense de la préfète du Puy-de-Dôme après la clôture de l'instruction sans la rouvrir. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le président de la formation de jugement avait, par une ordonnance du 6 juin 2017, fixé la clôture de l'instruction au 21 juin suivant à 12H00. La préfète du Puy-de-Dôme a produit un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2017 à 11h43. Ce mémoire a été immédiatement communiqué à la requérante, par l'intermédiaire de son avocat, qui en a accusé réception le même jour à 13h07. Ce même jour, le président de la formation de jugement prenait une ordonnance de réouverture de l'instruction, notifiée à l'avocat de Mme A...C...le 21 juin 2017 à 15h49. A supposer même que, comme le soutient l'appelante, son avocat n'aurait pas été destinataire de cette ordonnance du 21 juin 2017 mais de nouveau, de celle du 6 juin 2017, il résulte des dispositions précitées que lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire une production de l'une des parties après la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Par suite, et en tout état de cause, Mme A...C...n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand aurait rendu son jugement au terme d'une procédure irrégulière.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 de ce code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que par un avis du 28 avril 2016, le médecin de l'agence régionale de santé Auvergne Rhône-Alpes a estimé que l'état de santé de Mme A... C... nécessite une prise en charge médicale pendant douze mois, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine. La préfète du Puy-de-Dôme, qui n'est pas liée par cet avis, a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...C...au motif qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié en République Démocratique du Congo.

6. L'appelante, qui produit devant la cour, une ordonnance du 18 octobre 2017, postérieure à la date de la décision contestée, lui prescrivant des antidépresseurs et un hypnotique, soutient que ces médicaments ne sont pas disponibles en République Démocratique du Congo. Il résulte toutefois des pièces produites pour la première fois en appel par le préfet du Puy-de-Dôme, et en particulier du courrier du médecin référent de l'ambassade de France à Kinshasa du 5 septembre 2013, de la liste des médicaments essentiels adoptée par le ministère de la santé de République Démocratique du Congo et des fiches extraites de la base de données MedCOI, que les pathologies psychiatriques sont correctement prises en charge dans les grandes villes de ce pays et que des anxiolytiques et des antidépresseurs y sont disponibles, étant précisé qu'un traitement approprié n'est pas nécessairement un traitement identique à celui prescrit en France. Par suite, la préfète du Puy-de-Dôme, en prenant les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français, n'a méconnu ni les dispositions du 11° de l'article L. 313-11, ni celles du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En deuxième lieu, Mme A...C...soutient que toute sa famille proche vit régulièrement en France. Elle se prévaut, en particulier, de la présence de sa fille, mère d'enfants français et de son fils, bénéficiant du statut de réfugié. A supposer même que le lien de filiation puisse être regardé comme établi, il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme A...C...et sa famille vivent dans le département du Jura et que son fils et sa famille vivent dans le Val d'Oise alors que Mme A...C...est domiciliée.dans le département du Puy-de-Dôme Par ailleurs, l'intéressée est entrée en France en 2014, alors que ses enfants y étaient déjà présents depuis au moins deux ans selon ses déclarations. En outre, l'intéressée ne réside sur le territoire national que depuis moins de trois ans à la date de la décision contestée après avoir vécu jusqu'à l'âge de 52 ans dans son pays d'origine où elle n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale. Dans ces circonstances, les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté au droit de Mme A...C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

8. En troisième lieu, aucun des moyens développés en appel à l'encontre du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français n'étant fondé, les moyens tirés par exception de l'illégalité de ces décisions doivent être écartés.

9. En dernier lieu, le moyen, présenté à l'encontre de la décision fixant le pays de destination en cas d'éloignement forcé, tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juge, Mme A...C...n'apportant en appel aucun élément nouveau de nature à établir les risques encourus en cas de retour en République Démocratique du Congo.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A...C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte, et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Wivine Amba Bonsenge épouse D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.

6

N° 17LY03690


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03690
Date de la décision : 18/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-18;17ly03690 ?
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