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18/10/2018 | FRANCE | N°17LY03259

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2018, 17LY03259


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 8 décembre 2016 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1701257 du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 août 2017, Mme A... B..., représe

ntée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 8 décembre 2016 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1701257 du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 août 2017, Mme A... B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 juin 2017 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 8 décembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois, et dans l'attente de lui accorder une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 30 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont procédé à une substitution de motifs sans demande en ce sens de l'administration ;

- la décision de refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision méconnaît également l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article L. 313-14 du même code ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision du même jour portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- cette décision porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistrée le 31 octobre 2017, le préfet du Rhône, qui s'en rapporte à ses écritures de première instance, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme A... B... ne sont pas fondés.

Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juillet 2017.

Par une ordonnance du 2 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 17 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux,

- et les observations de MeD..., représentant Mme A...B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante de la République Démocratique du Congo, née le 20 juillet 1996 est entrée en France à la date déclarée du 9 septembre 2013, alors qu'elle était mineure, et a été prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du Rhône à compter du 20 septembre suivant. Elle a déposé une demande d'asile, rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 19 novembre 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 22 juin 2015. Dans le même temps, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 30 octobre 2014 sur le fondement des articles L. 313-10, L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 11 mai 2015, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé. Le 9 octobre suivant, le préfet du Rhône opposait à l'intéressée un nouveau refus de délivrance d'un titre de séjour en conséquence du rejet de sa demande d'asile. Il assortissait cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi. Saisi par Mme A... B... de deux demandes tendant à l'annulation des décisions des 11 mai et 9 octobre 2015, le tribunal administratif de Lyon, par un jugement du 6 juillet 2016, a annulé l'arrêté préfectoral du 11 mai 2015, a enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la situation de Mme A... B... et a rejeté le surplus de ses conclusions. En exécution de cette injonction, le préfet du Rhône a, par un nouvel arrêté du 8 décembre 2016, refusé à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office. Par un jugement du 13 juin 2017, dont Mme A... B... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... B... a soulevé devant le tribunal administratif de Lyon les moyens tirés de ce que le préfet du Rhône aurait entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour écarter ce moyen, les premiers juges ont considéré, au point 5 de leur jugement, que tant à la date de la décision contestée qu'à celle de la demande de réexamen, l'intéressée ne se trouvait plus dans l'année qui suivait son dix-huitième anniversaire et ne pouvait, dès lors prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 invoqué. Contrairement à ce que soutient Mme A... B..., les premiers juges n'ont pas ainsi procédé irrégulièrement à une substitution de motifs mais se sont bornés à écarter un moyen en opposant à la requérante qu'elle n'était pas fondée à se prévaloir des dispositions qu'elle invoquait.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, Mme A... B... fait valoir qu'elle est entrée en France en 2013 alors qu'elle était mineure, qu'elle a été prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du Rhône, qu'elle a été scolarisée, qu'elle n'a plus aucun lien avec sa famille restée en République Démocratique du Congo, qu'elle entretient une relation amoureuse depuis décembre 2015 avec un jeune homme, de nationalité congolaise, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2024 et qu'elle est psychologiquement fragile. Toutefois, à supposer qu'elle n'ait plus de nouvelles de ses parents, l'intéressée a vécu jusqu'à l'âge de 17 ans dans son pays d'origine où elle n'établit pas être dépourvue de toute autre attache familiale. Par ailleurs, sa relation amoureuse ne présente pas un caractère ancien et stable. En outre, si Mme A... B... a poursuivi une partie de sa scolarité en France, il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est inscrite, pour la seconde fois, en terminale " gestion administrative " au lycée professionnel d'Oullins après avoir échoué en juin 2016 à obtenir le baccalauréat. Enfin, l'intéressée a déjà fait l'objet d'un refus de titre de séjour le 9 octobre 2015 assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours qu'elle n'a pas exécutée. Ainsi, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, le préfet du Rhône n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles la décision refusant à Mme A... B... la délivrance d'un titre de séjour a été prise. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'appelante.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. "

5. En application de ces dispositions, la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ne peut être délivrée à un étranger que dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire. Il ressort des pièces du dossier, et ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, qu'à la date de la décision contestée, ainsi, en tout état de cause, qu'à celle à laquelle le préfet était saisi du réexamen de la demande de titre de séjour de Mme A... B..., cette dernière était âgée de plus de 19 ans. Il en résulte que le préfet du Rhône ne pouvait pas légalement accorder à Mme A... B... un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-15 ne peuvent qu'être rejetées.

6. En troisième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. " Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, et en l'absence d'autres éléments invoqués par l'appelante, Mme A... B... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées.

7. En quatrième lieu, les moyens soulevés à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre.

8. En cinquième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 du présent arrêt.

9. En sixième lieu, les moyens soulevés à l'encontre tant du refus de titre de séjour que de la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination en cas d'éloignement forcé est illégale.

10. En dernier lieu, et ainsi qu'il a été dit au point 1, la demande d'asile de Mme A... B... a été définitivement rejetée, le 22 juin 2015, par la Cour nationale du droit d'asile. Si l'intéressée soutient qu'elle a dû fuir son pays alors que ses parents ont été agressés à leur domicile et que son père pourrait être impliqué dans l'organisation d'un coup d'Etat, elle ne se prévaut d'aucun élément nouveau sur les risques personnels qu'elle encourrait en cas de retour en République Démocratique du Congo. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées à titre subsidiaire à fin d'astreinte, ainsi que ses conclusions présentées au titre des frais liés au litige, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.

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N° 17LY03259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03259
Date de la décision : 18/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : RODRIGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-18;17ly03259 ?
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