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18/10/2018 | FRANCE | N°16LY04494

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2018, 16LY04494


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision née du silence gardé par le président de La Poste sur sa demande adressée le 8 janvier 2014 tendant à la reconstitution de sa carrière et à l'indemnisation de ses préjudices, d'autre part, de condamner La Poste à lui verser les sommes de 50 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des agissements fautifs de son employeur dans la gestion de sa carrière, 7 487,20 euros au titre de la perte de traiteme

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision née du silence gardé par le président de La Poste sur sa demande adressée le 8 janvier 2014 tendant à la reconstitution de sa carrière et à l'indemnisation de ses préjudices, d'autre part, de condamner La Poste à lui verser les sommes de 50 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des agissements fautifs de son employeur dans la gestion de sa carrière, 7 487,20 euros au titre de la perte de traitement, 79 733,77 euros au titre de son préjudice de retraite et 10 000 euros au titre du retard dans la reconstitution de sa carrière, et enfin, d'ordonner la reconstitution de sa carrière.

Par un jugement n° 1402840 du 31 octobre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 décembre 2016 et 23 avril 2018, M. B..., représenté par la SELARL Horus Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 octobre 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 8 janvier 2014 ;

3°) de condamner La Poste à l'indemniser des préjudices subis du fait de ses agissements fautifs en matière de gestion de sa carrière à hauteur de 50 000 euros ;

4°) d'ordonner à la Poste la reconstitution de sa carrière en le réintégrant au 4ème échelon du grade de contrôleur divisionnaire (C...), avec une ancienneté acquise d'un an, à compter du 1er janvier 2003 et en rétablissant rétroactivement ses promotions d'échelons jusqu'au 6 août 2007, date de son départ à la retraite ;

5°) de tirer les conséquences financières de cette reconstitution de carrière en condamnant La Poste à lui verser à la somme de 7 487, 20 euros à parfaire, au titre de sa perte de traitement et accessoires ainsi que la somme de 79 733, 77 euros, à parfaire, du fait de la minoration du montant de sa retraite ;

6°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- La Poste a commis des fautes dans la gestion de sa carrière, d'une part, en ne conservant pas les éléments relatifs à ses appréciations et notations ou en refusant de les lui communiquer, le privant ainsi de la possibilité d'établir qu'il avait perdu une chance sérieuse d'être promu au grade de contrôleur divisionnaire avant son départ à la retraite ;d'autre part, La Poste a également méconnu les règles régissant la notation des fonctionnaires entre le 23 mars 1993 et le 13 juillet 2001 ;

- sa carrière doit nécessairement être reconstituée sur le plan administratif et financier dès lors qu'il a été privé d'une chance sérieuse de promotion interne dès le 1er janvier 2003 ; le blocage illégal de sa carrière a entrainé une perte de revenus et une minoration de ses droits à pension dont il peut prétendre à être indemnisé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2018, et un nouveau mémoire, enregistré le 5 juin 2018, La Poste, représentée par la SCP Granrut Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'appelant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés ;

- l'autorité de la chose jugée par l'arrêt devenu définitif de la cour administrative d'appel de Lyon du 20 septembre 2011 s'oppose à ce qu'il soit de nouveau statué sur sa demande tendant à la reconstitution de sa carrière depuis 2003 ; en tout état de ce cause, ces conclusions doivent être rejetées dès lors que l'intéressé n'établit pas avoir perdu une chance sérieuse d'être promu ; il n'établit ainsi ni son préjudice de carrière, ni son préjudice de retraite.

Par une ordonnance du 7 mai 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 72-503 du 23 juin 1972 ;

- le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- les observations de M.B....

Considérant ce qui suit :

1. Fonctionnaire de l'administration des Postes et Télécommunications depuis 1977, M. B... a accédé au grade de contrôleur en 1995. Ayant choisi de conserver son grade de reclassement après la création de corps de reclassification au sein de La Poste en 1993, son statut est demeuré régi par les dispositions du décret du 23 juin 1972 portant statut particulier du corps des contrôleurs des postes et télécommunications jusqu'à la date de son départ à la retraite le 6 août 2007. Estimant avoir subi des préjudices du fait du blocage de sa carrière, M. B... a saisi La Poste et l'Etat d'une demande indemnitaire, puis a saisi la juridiction administrative. Par un arrêt du 20 septembre 2011, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que l'intéressé avait droit à une indemnité en réparation de son préjudice moral à raison des fautes relevées, consistant à priver de manière générale les fonctionnaires " reclassés " de la possibilité de promotion interne mais qu'il n'établissait pas avoir perdu une chance sérieuse d'accéder au corps des contrôleurs divisionnaires de La Poste si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires " reclassés " après 1993. Par un courrier du 8 janvier 2014, M. B... a formé, auprès de La Poste, une nouvelle demande indemnitaire du fait des agissements fautifs de son employeur dans la gestion de sa carrière et a demandé de procéder à la reconstitution de sa carrière en le réintégrant au 4ème échelon du grade de contrôleur divisionnaire, avec une ancienneté acquise d'un an, à compter du 1er janvier 2003, de rétablir rétroactivement les promotions d'échelons auxquelles il pouvait prétendre, de lui verser les traitements correspondants et de l'indemniser du manque à gagner concernant sa pension de retraite. M. B... relève appel du jugement du 31 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande du 8 janvier 2014, à ce que La Poste soit condamnée à lui verser des indemnités en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis et à ce qu'il lui soit enjoint de reconstituer sa carrière tant sur le plan administratif que financier.

Sur les conclusions indemnitaires au titre des agissements fautifs de La Poste dans la gestion de carrière de M. B... :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. (...) Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi. ". Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion du contentieux indemnitaire engagé à l'encontre de La Poste et de l'Etat, M. B... a sollicité de son employeur la communication de documents administratifs contenus dans son dossier individuel en vue de faire reconnaître ses droits liés au blocage de sa carrière. Par un jugement du 20 septembre 2013, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer partiel sur sa demande et a rejeté le surplus de ses conclusions dans la mesure où La Poste lui avait communiqué un certain nombre de documents mais était dans l'impossibilité matérielle de produire l'ensemble des notations et appréciations demandées. Or, l'obligation de communication résultant des dispositions de la loi du 17 juillet 1978, désormais codifiée au livre III du code des relations entre le public et l'administration, ne saurait imposer la transmission d'un document en cas d'impossibilité matérielle. Ainsi, M. B..., qui n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette impossibilité, n'est pas fondé à soutenir que La Poste aurait commis une faute de nature à lui ouvrir droit à une indemnisation.

3. Il est cependant constant que le dossier individuel de M. B... ne comporte pas l'ensemble des pièces intéressant la situation administrative de ce dernier. Néanmoins, celui-ci n'apporte pas plus en appel que devant les premiers juges de pièces ou témoignages de nature à établir que les éléments manquants de son dossier lui auraient permis d'établir l'existence d'une chance sérieuse d'être promu au grade supérieur dès le 1er janvier 2003. Il ne peut, par suite, prétendre à aucune indemnisation à ce titre.

4. En second lieu, aux termes de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées. / Les statuts particuliers peuvent ne pas prévoir de système de notation. ". M. B... soutient que La Poste a commis une faute dans l'établissement de ses notations pour les années 1993 à 2001 intervenues sur la base d'une décision du conseil d'administration de La Poste du 26 juin 1992 et du décret n° 96-285 du 2 avril 1996 relatif à la notation des fonctionnaires de La Poste et des fonctionnaires de France Telecom, dont le Conseil d'Etat a reconnu l'illégalité. Toutefois, si par une décision n° 211989 du 4 octobre 2000, le Conseil d'Etat a annulé la décision implicite du Premier ministre refusant d'abroger le décret du 2 avril 1996, cette annulation a été prononcée pour un motif de légalité externe et n'ouvre droit de ce seul fait à aucune indemnisation que pourrait revendiquer M. B.... En outre, l'appelant n'établit pas, ni même n'allègue, qu'en faisant application de ces textes, La Poste se serait écartée des règles générales de notation posées par les dispositions précitées ni que ces notations n'auraient pas reflété sa réelle valeur professionnelle. Il en résulte que M. B... ne peut pas davantage prétendre à une indemnisation sur ce second fondement.

Sur la reconstitution de carrière et ses conséquences financières :

5. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l'administration ne peut, en dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation. En l'espèce, il résulte de l'arrêt du 20 septembre 2011 de la cour administrative d'appel de Lyon, devenu définitif, ainsi que de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt, que M. B... n'établit pas avoir été privé d'une chance sérieuse d'accéder au grade supérieur dès le 1er janvier 2003. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception d'autorité de la chose jugée opposée par La Poste, M. B... ne peut prétendre ni à la reconstitution de sa carrière ni à la réparation d'une quelconque perte de revenus subis pour la période courant du 1er janvier 2003 et 6 août 2007, date à laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite, ni à l'indemnisation d'un manque à gagner relatif à sa pension de retraite.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de La Poste, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais liés au litige qu'il a exposés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme que La Poste demande sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.

5

N° 16LY04494


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY04494
Date de la décision : 18/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Notation.

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Avancement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Effets des annulations - Reconstitution de carrière.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SELARL HORUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-18;16ly04494 ?
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