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18/10/2018 | FRANCE | N°16LY04066

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2018, 16LY04066


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler la décision du 2 avril 2015 du recteur de l'académie de Clermont-Ferrand le privant de sa rémunération à compter du 7 février 2015, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser son traitement pour la période comprise entre cette date et le 1er septembre 2015, date de sa mise à la retraite, et enfin, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement

n° 1501604 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler la décision du 2 avril 2015 du recteur de l'académie de Clermont-Ferrand le privant de sa rémunération à compter du 7 février 2015, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser son traitement pour la période comprise entre cette date et le 1er septembre 2015, date de sa mise à la retraite, et enfin, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1501604 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2016 et un mémoire, enregistré le 3 mai 2018, M.A..., représenté par la SELARL Abside avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 2016 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler la décision du recteur de l'académie de Clermont-Ferrand du 2 avril 2015 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, un demi-traitement du 7 février au 31 mars 2015 et du 2 avril au 1er septembre 2015, et d'autre part, une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- en application de l'article 27 du décret du 14 mars 1986, sa rémunération, sous forme de demi-traitement, devait être maintenue jusqu'au 31 mars 2015 ;

- les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 ne subordonnent pas la reprise de l'exercice des fonctions pendant une durée d'un an pour bénéficier d'un nouveau congé de cette nature ; il n'était plus en congé de maladie depuis le 7 février 2015, a repris ses fonctions le 1er avril 2015 et devait donc bénéficier d'un nouveau congé de maladie rémunéré à compter du 2 avril suivant ;

- outre un préjudice moral, il a subi un préjudice matériel ayant dû s'acquitter des cotisations de mutuelle et subir une procédure en répétition de l'indu infondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés ;

- il ne peut prétendre à l'indemnisation des préjudices allégués en l'absence d'illégalité fautive de la décision contestée.

Un mémoire produit pour M.A..., enregistré le 14 mai 2018 n'a pas été communiqué.

Par une ordonnance du 12 avril 2018, l'instruction a été close au 14 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 84-11 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., professeur de lycée professionnel en économie et gestion depuis 1993, a été déclaré inapte aux fonctions d'enseignement à la suite de l'avis émis par la commission de réforme du 4 juillet 2013. Affecté sur la zone de remplacement de l'Allier, par un arrêté du 3 février 2014 du recteur de l'académie de Clermont-Ferrand, il a été rattaché administrativement au collège Jules Verne du Mayet-de-Montagne afin d'y exercer des fonctions administratives. M. A... n'a jamais pris ses fonctions et a été placé en congé de maladie ordinaire du 7 février 2014 au 6 février 2015. Après le rejet de sa demande de placement en congé de longue durée, M. A...a sollicité sa réintégration à temps partiel thérapeutique à l'issue de son congé de maladie ordinaire ainsi que sa mise à la retraite à compter du 1er septembre 2015. Dans l'attente d'une décision concernant les modalités de sa reprise de service, il a continué de percevoir un demi-traitement. Le 25 mars 2015, le comité médical départemental ayant émis un avis défavorable à sa demande de temps partiel thérapeutique, le recteur de l'académie de Clermont-Ferrand a, par un courrier du 31 mars 2015, demandé à M. A... de prendre son poste au collège du Mayet-de-Montagne, sans délai, faute de quoi son traitement serait arrêté avec effet rétroactif au 7 février 2015. M. A...s'est présenté à son poste le 1er avril 2015 mais a présenté dès le lendemain un avis d'arrêt de travail, pour la période du 2 avril au 5 mai 2015, qui sera renouvelé jusqu'à la date de son départ à la retraite, le 1er septembre suivant. Par une décision du 2 avril 2015, le recteur de l'académie de Clermont-Ferrand a décidé, d'une part, de lui retirer le demi-traitement perçu, dans l'attente d'une décision concernant sa reprise de service, entre le 7 février et le 31 mars 2015, et d'autre part, de lui refuser le bénéfice d'un nouveau congé de maladie ordinaire à compter du 2 avril 2015. Par un jugement du 6 octobre 2016, dont M. A...relève appel, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 2 avril 2015 et à la condamnation de l'Etat à lui verser son traitement pour la période du 7 février au 31 août 2015 ainsi qu'une somme de 2 000 euros en réparation de ses préjudices matériel et moral.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) ". Aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa version alors en vigueur : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la durée maximale du congé de maladie ordinaire auquel a droit un fonctionnaire en activité est d'un an pendant une période de douze mois consécutifs et qu'à l'issue de cette période, l'intéressé ne peut reprendre son service qu'après avis favorable du comité médical. Dans l'attente d'une décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite, le fonctionnaire concerné peut prétendre au versement d'un demi-traitement.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié du versement d'un demi-traitement à compter du 7 février 2015, sur le fondement de l'article 27 précité du décret du 14 mars 1986, dans l'attente d'une décision concernant sa reprise de service. Toutefois, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, la décision contestée du recteur de l'académie de Clermont-Ferrand avait pour effet de lui retirer le bénéfice de ce versement à compter du 7 février 2015. Or, la décision lui demandant de reprendre son service ne lui a été notifiée que par courrier du 31 mars 2015, avec effet au 1er avril 2015. En l'absence d'effet rétroactif de la décision de reprise de service, les sommes versées à M. A...pour la période courant du 7 février au 31 mars 2015 lui étaient définitivement acquises. Ainsi, la décision du 2 avril 2015, en tant qu'elle retire à M. A...le bénéfice du versement d'un demi-traitement pour la période courant du 7 février au 31 mars 2015 est entachée d'illégalité.

4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 désormais reprises à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 3 de cette même loi, désormais reprises à l'article 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions et de celles de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 précitées, que le refus d'un congé de maladie ordinaire est au nombre des décisions qui doivent être motivées. Il est constant que la décision en litige, qui oppose à M. A... l'épuisement de ses droits à congé de maladie ordinaire rémunérés depuis le 7 février 2015, n'est pas motivée en droit. Par suite, la décision du 2 avril 2015, en tant qu'elle refuse à M. A..., le bénéfice d'un congé de maladie ordinaire à compter du même jour, est entachée d'illégalité.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande en annulation de la décision du 2 avril 2015.

Sur les conclusions indemnitaires :

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A...a fait l'objet d'un titre de perception d'un montant de 1 973,85 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération pour la période du 7 février au 31 mars 2015. Cependant, l'appelant n'établit pas ni même n'allègue qu'il y aurait donné suite, malgré les lettres de relance notifiées en juillet et août 2015 portant la somme due à 2 170,85 euros. Il n'y a donc pas lieu de condamner l'Etat à restituer à M. A...une somme quelconque à ce titre.

8. En deuxième lieu, l'annulation de la décision du 2 avril 2015 en tant qu'elle refuse à M. A...le bénéfice d'un congé de maladie ordinaire à compter de cette date n'implique pas, eu égard aux motifs retenus et en tout état de cause, la condamnation de l'Etat à lui verser un demi-traitement pour la période courant jusqu'au 1er septembre 2015, date de son départ à la retraite.

9. En dernier lieu, M. A... se borne à invoquer un préjudice financier né de son obligation d'acquitter des cotisations auprès de sa mutuelle santé, ainsi qu'un préjudice moral lié à la mise en oeuvre par l'administration, d'une procédure en répétition de l'indu. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de ces préjudices. Par suite, ses conclusions doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501604 du 6 octobre 2016 du tribunal administratif de Clermond-Ferrand et la décision du 2 avril 2015 du recteur de l'académie de Clermont-Ferrand sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. A...la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.

5

N° 16LY04066


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Traitement.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : ABSIDE AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 18/10/2018
Date de l'import : 30/10/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16LY04066
Numéro NOR : CETATEXT000037525156 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-18;16ly04066 ?
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