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18/10/2018 | FRANCE | N°13LY01546

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2018, 13LY01546


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Eiffage TP, agissant tant en son nom propre et pour son compte qu'en sa qualité de mandataire du groupement qu'elle forme avec la SNC Eiffage Travaux Publics Rhône-Alpes Auvergne, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

- dans le dossier n° 1200936, de condamner l'État - direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement d'Auvergne (DREAL) - à lui verser la somme de 4 205 000 euros HT ainsi que les intérêts moratoires à compter du 30 janvier 2012 et la capi

talisation des intérêts, en réparation du préjudice subi par le groupement Eiffa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Eiffage TP, agissant tant en son nom propre et pour son compte qu'en sa qualité de mandataire du groupement qu'elle forme avec la SNC Eiffage Travaux Publics Rhône-Alpes Auvergne, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

- dans le dossier n° 1200936, de condamner l'État - direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement d'Auvergne (DREAL) - à lui verser la somme de 4 205 000 euros HT ainsi que les intérêts moratoires à compter du 30 janvier 2012 et la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi par le groupement Eiffage TP du fait du report de la date de démarrage du marché de travaux relatif à la réalisation des chaussées et de l'assainissement des surfaces dans le cadre de l'opération de la mise à 2 x 2 voies de la RN 7 dans sa section comprise entre Saint-Prix et la limite du département de la Loire ;

- dans le dossier n° 1201202, de prononcer la résiliation de son marché à la date du 22 juin 2012 ;

- dans le dossier n° 1300492, de condamner l'État à lui verser la somme de 5 516 790,22 euros ainsi que les intérêts moratoires à compter du 24 août 2012 et la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice résultant de la résiliation de son marché.

Par les jugements n°s 1200936 - 1201202 du 18 avril 2013 et 1300492 du 29 décembre 2014 le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes.

La société Eiffage TP et la société Eiffage Travaux Publics Rhône-Alpes-Auvergne ont également demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'État à leur verser la somme de 12 509 894 euros HT ainsi que la TVA et les intérêts moratoires à compter du 10 mars 2014 et la capitalisation de ces intérêts, en réparation de leurs préjudices.

Par le jugement n° 14001837 du 18 février 2016 le tribunal administratif a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

- I - Par une requête enregistrée le 12 juin 2013 sous le n° 13LY01546 et des mémoires enregistrés les 25 septembre et 10 octobre 2014, la société Eiffage TP, agissant tant en son nom propre et pour son compte qu'en sa qualité de mandataire du groupement qu'elle forme avec la SNC Eiffage Travaux Publics Rhône-Alpes Auvergne, représentée par la SELARL Cheysson, Marchadier et associés, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1200936 - 1201202 du 18 avril 2013 ;

2°) de prononcer la résiliation du marché du groupement ;

3°) de condamner l'État - direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement d'Auvergne (DREAL) - à lui verser la somme de 4 205 000 euros HT ainsi que les intérêts moratoires à compter du 30 janvier 2012 en réparation du préjudice subi par le groupement Eiffage TP du fait du report de la date de démarrage de son marché de travaux ;

4°) de juger qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

5°) de surseoir à statuer sur l'indemnisation du préjudice subi par le groupement d'entreprises dans l'attente de la décision à intervenir à la suite de la demande introduite devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, actuellement en cours ;

6°) de mettre à la charge de l'État - direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement d'Auvergne (DREAL) - la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance.

La société Eiffage TP soutient que :

- les premiers juges, en considérant qu'elle a commis une faute en refusant d'exécuter l'ordre de service du 11 mai 2011, ont procédé à une lecture erronée du CCTP, cet ordre de service n'étant pas exécutoire ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que sa responsabilité ne pouvait être engagée en raison d'éventuels désordres sur l'ouvrage ;

- le tribunal administratif a considéré, également à tort, que la résiliation du marché de l'entreprise ne pouvait être prononcée et méconnu les stipulations de l'article 46.2.1 du CCAG Travaux de 2009 ;

- le tribunal administratif a rejeté, à tort, sa demande, présentée à titre subsidiaire, de résiliation du marché pour ajournement au titre de l'article 49 du CCAG Travaux de 2009.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2014, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que :

- l'ordre de service du 11 mai 2011 étant exécutoire, l'entreprise devait satisfaire contractuellement à cet OS de démarrer les travaux et il ne lui appartenait pas de s'immiscer dans les compétences et responsabilités des maître d'oeuvre et maître d'ouvrage quant à la qualité des travaux réalisés par l'entreprise de terrassement intervenue en amont ;

- contrairement à ce que soutient la requérante, elle n'avait contractuellement aucune qualité pour décider unilatéralement que l'OS notifié le 11 mai 2011 était irrégulier et qu'elle pouvait ne pas s'y soumettre, elle a commis un manquement grave à ses obligations contractuelles puisqu'elle devait obéir à l'ordre de service régulièrement notifié, quitte à assortir celui-ci de réserves qui l'auraient déchargée de sa responsabilité ;

- l'absence de démarrage des travaux a procédé, non d'une décision d'ajournement au sens des dispositions de l'article 49.1 du CCAG Travaux, mais du refus tardif de l'entreprise de donner suite à l'ordre de service litigieux qui lui avait été notifié par le maître d'oeuvre et qui n'a jamais été rapporté.

- II - Par une requête enregistrée le 27 février 2015, sous le n° 15LY00774, et un mémoire enregistré le 17 août 2015, la société Eiffage TP, agissant tant en son nom propre et pour son compte qu'en sa qualité de mandataire du groupement qu'elle forme avec la SNC Eiffage Travaux Publics Rhône-Alpes Auvergne, représentée par la SELARL Cheysson, Marchadier et associés, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300492 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 29 décembre 2014 ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 5 516 790,22 euros majorée de la TVA et des intérêts moratoires à compter du 24 août 2012 et d'ordonner la capitalisation de ces intérêts ;

3°) à titre subsidiaire de désigner un expert avec pour mission de se prononcer sur le chiffrage de ses demandes ;

4°) en tout état de cause de mettre à la charge de l'État la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

La société Eiffage TP soutient que :

- la jonction avec l'instance n° 13LY01546 est nécessaire ;

- le jugement du 29 décembre 2014 est entaché d'une omission à statuer puisqu'elle avait produit, le 10 décembre 2014, un mémoire complémentaire tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur ses demandes indemnitaires dans l'attente de la décision de la cour administrative d'appel dans le cadre de l'instance n° 13LY01546 ;

- sa demande de voir prononcée la résiliation du marché est fondée dès lors que le tribunal administratif a procédé à une lecture erronée des stipulations des articles 3.1.3. et 4.3.5.1. du CCTP, que l'ordre de service du 11 mai 2011 n'était pas exécutoire puisque le démarrage de ses prestations dépendait de la réalisation par l'entreprise Guintoli de prestations en état d'être réceptionnées ;

- les conditions de mise en oeuvre des stipulations de l'article 46.2.1. ainsi que de celles de l'article 49.1.2du CCAG Travaux étant réunies, la résiliation était ainsi acquise de plein droit ;

- le groupement a droit à être indemnisé à hauteur de 5 516 790,22 euros HT ce qui englobe le coût de repliement des installations et les frais fixes prévus au marché, les dépenses au titre de l'approvisionnement des granulats et agrégats, les frais de garde de ces matériaux non livrés, la perte de chiffre d'affaires sur l'année 2011 et 2012, l'immobilisation du personnel et du matériel pour ces mêmes années.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 juillet 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour :

1°) à titre principal de rejeter les conclusions à fin d'annulation du jugement ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter les conclusions à fin d'indemnisation ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, dans le cas où le jugement serait annulé et où le juge retiendrait une faute à l'encontre de l'État, d'ordonner une expertise sur le chiffrage des indemnités réclamées par la société Eiffage TP.

Le ministre fait valoir que :

- le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté, le juge administratif dirige l'instruction et n'est pas tenu de répondre explicitement à des conclusions à fin de sursis à statuer ;

- la société requérante ne saurait se prévaloir d'une prétendue absence de réception du support qui, au regard des documents contractuels, n'avait pas lieu d'être ;

- sa position est en contradiction avec l'article 3.8.2. du CCAG travaux qui impose à l'entreprise de se conformer aux ordres de service même dans le cas où il y a eu des réserves et même si ces réserves relèvent de la mise en oeuvre de son devoir de conseil ;

- elle n'établit pas que les imperfections de la couche de forme rendaient impossible le démarrage des travaux dès lors que le délai d'exécution des travaux venait de commencer à courir ;

- c'est à bon droit que les juges de première instance ont retenu que l'entreprise avait commis une faute en n'exécutant pas l'ordre de service du 11 mai 2011 ;

- la résiliation du marché ne pouvait intervenir sur le fondement des stipulations de l'article 46.2.1. du CCAG travaux qui ne s'appliquent que pour ordre de service tardif, alors qu'en l'espèce la société requérante est seule fautive ni sur le fondement des stipulations l'article 49.1.2. puisque l'absence de démarrage des travaux a procédé de son refus fautif de donner suite à l'ordre de service litigieux ;

- c'est donc à bon droit que le jugement attaqué a écarté les différentes branches du moyen tendant à résilier le marché et rejeté les demandes de la société Eiffage TP.

- III - Par une requête enregistrée le 22 avril 2016, sous le n° 16LY01402, et un mémoire enregistré le 7 avril 2017, la société Eiffage génie civil, venant aux droits de la société Eiffage TP, agissant tant en son nom propre et pour son compte qu'en sa qualité de mandataire du groupement qu'elle forme avec la SNC Eiffage Travaux Publics Rhône-Alpes Auvergne, et la société Eiffage Route centre est, venant aux droits de la SNC Eiffage Travaux Publics Rhône-Alpes Auvergne, représentées par la SELARL Cheysson, Marchadier et associés, demandent à la cour :

1°) d'ordonner la jonction avec les instances nos 13LY01546 et 15LY00774 ;

2°) d'ordonner la communication des pièces des contentieux opposant la DREAL Auvergne et la société Guintoli ;

3°) d'annuler le jugement n° 14001837 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 18 février 2016 ;

4°) de condamner l'État à leur verser la somme de 12 509 894 euros HT majorée de la TVA et des intérêts moratoires à compter du 10 mars 2014 et d'ordonner la capitalisation de ces intérêts ;

5°) de prononcer la décharge de toutes pénalités et retenues pour réfaction effectuées par la DREAL Auvergne ;

6°) à titre subsidiaire de désigner un expert avec pour mission de se prononcer sur le chiffrage de leurs demandes ;

7°) en tout état de cause de mettre à la charge de l'État la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

Les sociétés soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont procédé à une lecture erronée des stipulations des articles 3.1.3 et 4.3.5.1. du CCTP du marché litigieux ;

- la DREAL Auvergne a commis des fautes, en refusant de procéder à la résiliation du marché pour ordre de service tardif (article 46.2.1. du CCAG Travaux de 2009), ou pour ajournement des travaux (article 49.1.2. du CCAG) ; ces fautes ont rendu plus difficile l'exécution du marché ;

- le groupement a droit à la réparation du préjudice financier du fait du retard des travaux de terrassement, sujétion technique imprévue (immobilisation du personnel et du matériel, débours non amortis du fait du retard des travaux de terrassement), du fait de la faute du maître d'ouvrage tendant à suspendre ses travaux du mois de juin 2011 au mois de janvier 2012, du fait de la faute du maître d'oeuvre qui s'est opposé au démarrage des travaux, du fait des frais générés par la garde du chantier, par le décalage des travaux du fait de la maîtrise d'ouvrage ; il a également droit à être indemnisé des conséquences financières de la mise en demeure adressée à la société Eiffage TP par la DREAL, des conséquences des exigences de la maîtrise d'oeuvre pour la réception des travaux, des frais liés à la gestion administrative et financière du chantier.

Par un mémoire enregistré le 6 février 2017, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer demande à la cour :

1°) de rejeter les conclusions à fin d'annulation du jugement ;

2°) de rejeter les conclusions à fin d'indemnisation ;

3°) à titre subsidiaire, dans le cas où le jugement serait annulé et où le juge retiendrait une faute à l'encontre de l'État, d'ordonner une expertise sur le chiffrage des indemnités réclamées par la société Eiffage TP ou de ramener les demandes à de plus justes proportions.

Le ministre fait valoir que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- la société requérante ne saurait se prévaloir d'une prétendue absence de réception du support qui, au regard des documents contractuels, n'avait pas lieu d'être ; l'OS du 11 mai 2011, comme l'a jugé le tribunal administratif, était exécutoire et la requérante devait démarrer les travaux ;

- si la requérante pouvait contester la validité contractuelle des OS notifiés par le maître d'oeuvre, elle n'avait aucune qualité pour décider unilatéralement que l'OS notifié le 13 mai 2011 était irrégulier ni qu'elle pouvait ne pas s'y soumettre ;

- cet OS a été notifié dans le délai de six mois suivant la notification du marché intervenue le 29 décembre 2010, la requérante ne peut se prévaloir d'une résiliation sur le fondement des stipulations de l'article 46.2.1. du CCAG travaux ;

- le marché n'a pas fait l'objet d'un ajournement au sens des stipulations de l'article 49-1 du CCAG ;

- les demandes tirées des sujétions imprévues n'avaient pas été présentées dans le mémoire en réclamation, en tout état de cause, il n'y a pas en l'espèce sujétions imprévues ;

- les demandes indemnitaires de la société ne peuvent qu'être rejetées, les difficultés rencontrées sont le fait de son refus fautif d'obéir à l'OS du 11 mai 2011.

Par ordonnance du 8 mars 2017, l'instruction a été close le 9 mai 2017.

Le ministre a produit un mémoire enregistré le 28 juin 2017, après la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gondouin,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- les observations de Me Simonnet, avocat des sociétés Eiffage ;

Une note en délibéré produite par le ministre de la transition écologique et solidaire a été enregistrée le 4 octobre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché du 27 décembre 2010, l'État - DREAL Auvergne - a confié à un groupement d'entreprises constitué de la SNC Appia Grands Travaux (mandataire) et de la SNC Eiffage Travaux Publics Rhône-Alpes Auvergne la réalisation des chaussées et de l'assainissement de surfaces de la section Saint-Prix - Loire de la RN 7, dans le cadre de sa mise à deux fois deux voies sur 9,5 kms, de la réfection de la couche de roulement du giratoire du " grand remblai " et des bretelles d'accès. La maîtrise d'oeuvre a été assurée par la direction interdépartementale des routes (DIR) Centre-Est. Par un marché distinct, l'État a confié à la société Guintoli la réalisation des travaux de terrassement qui devaient être effectués préalablement à ceux dont était chargé le groupement d'entreprises.

2. La société Eiffage TP, venant aux droits de la SNC Appia Grands Travaux, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, de condamner l'État à lui verser la somme de 4 205 000 euros HT en réparation des préjudices subis en raison du report de la date de démarrage de son marché de travaux et, notamment, de l'immobilisation des moyens des entreprises du groupement, d'autre part, de prononcer la résiliation de son marché à la date du 22 juin 2012. Dans le dossier n° 13LY01546, la société Eiffage TP relève appel du jugement du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes.

3. La société Eiffage TP a saisi le même tribunal, le 26 mars 2013, d'une demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser la somme de 5 516 790,22 euros ainsi que les intérêts moratoires à compter du 24 août 2012 et capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice résultant de la résiliation de son marché. Elle relève appel, par sa requête n° 15LY00774, du jugement du 29 décembre 2014, par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

4. Les sociétés Eiffage TP et Eiffage Travaux Publics Rhône-Alpes-Auvergne ont également demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'État à leur verser la somme de 12 509 894 euros HT ainsi que la TVA et les intérêts moratoires à compter du 10 mars 2014 et la capitalisation de ces intérêts. La société Eiffage génie civil, venant aux droits de la société Eiffage TP et la société Eiffage Route centre est, venant aux droits de la SNC Eiffage Travaux Publics Rhône-Alpes Auvergne relèvent appel, par la requête n° 16LY01402, du jugement du 18 février 2016 par lequel le tribunal a rejeté leurs demandes.

5. Le juge a la faculté de décider, sans d'ailleurs en avoir jamais l'obligation, la jonction de requêtes pendantes présentant à juger les mêmes questions ou des questions connexes. En l'espèce, il y a lieu de joindre ces trois requêtes qui se rapportent au même marché de travaux pour statuer par un seul arrêt.

6. Il appartient au juge du contrat, en l'absence de décompte général devenu définitif, de statuer sur les réclamations pécuniaires présentées par chacune des deux parties et de déterminer le solde de leurs obligations contractuelles respectives.

Sur la requête n° 13LY01546 :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :

7. L'article 3-1 de l'acte d'engagement du marché en litige relatif à la période de préparation prévoit que : " Par dérogation à l'article 28.1 du cahier des clauses administratives générales travaux, le délai de la période de préparation est de 1 mois à compter de la date fixée par l'ordre de service qui prescrira de la commencer. Ce délai n'est pas compris dans la période d'exécution des travaux ". Aux termes de l'article 3-2 " Période d'exécution des travaux " : " Le délai d'exécution des travaux est de 12 mois à compter de la date fixée par l'ordre de service qui prescrira de les commencer ".

8. Aux termes de l'article 3.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) applicable au marché litigieux, relatif à la reconnaissance du support de chaussée : " 3.1.1 Préambule. Les opérations de reconnaissance de support ne sont pas destinées à réceptionner la plate-forme support de chaussée, mais à reconnaître et, s'il y a lieu, réparer les dégradations qui ont pu se produire entre la date de réception de la plate-forme et la date de début des travaux du présent marché. (...) 3.1.3 Modalités de reconnaissance du support. Il sera procédé, pendant la période de préparation, à la réception du support de chaussée et à l'inventaire des défectuosités ou discordances de celui-ci que l'entrepreneur constatera. Les éventuels travaux correctifs seront exécutés par l'entreprise suivant les modalités fixées par le maître d'oeuvre, dans les sections où il le jugera nécessaire ".

9. L'article 3.8.2. du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de travaux, dans sa version issue de l'arrêté du 8 septembre 2009 ci-dessus visé dispose : " Lorsque le titulaire estime que les prescriptions d'un ordre de service appellent des réserves de sa part, il doit, sous peine de forclusion, les notifier au maître d'oeuvre, dans un délai de quinze jours, décompté ainsi qu'il est précisé à l'article 3.2. ". Aux termes de l'article 3.8.3. du même texte : " Le titulaire se conforme strictement aux ordres de service qui lui sont notifiés, que ceux-ci aient ou non fait l'objet de réserves de sa part, à l'exception des seuls cas que prévoient les articles 15.2.2 et 46.2.1. ".

10. Il résulte de l'instruction que, par un ordre de service n° 2729 daté du 11 mai 2011, le maître d'oeuvre a invité la SNC Appia Grands Travaux " à commencer les travaux à compter du lundi 16 mai 2011 au matin (12 mois) ", " à commencer les prestations du délai distinct n° 1 à compter du lundi 16 mai 2011 au matin (chaussée et assainissement de surface section courante - 6 mois) " et " à reprendre la couche de forme sur les zones définies par courrier électronique le 9 mai 2011 ". Ce même ordre de service invitait l'entreprise " à ne pas intervenir sur la zone de chantier du profil 469 au profil 540 ". La société Appia Grands Travaux, par un courrier du 18 mai 2011, a contesté " la valeur juridique même de l'ordre de service reçu le 13 mai 2011 ", en se fondant sur l'article 3.1.3. du CCTP, au motif qu'elle ne pouvait commencer ses travaux tant que la réception de la couche de forme constituant le support sur lequel elle devait intervenir n'était pas prononcée. Par un courrier du 21 juin 2011, le maître d'oeuvre a maintenu l'ordre de service de commencer les travaux au 16 mai 2011. Le 30 juin 2011, les sociétés ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui, par ordonnance du 4 juillet suivant, a désigné un expert avec pour mission, notamment, " de décrire de la manière la plus complète possible l'état et les caractéristiques de la couche de forme constituant le support sur lequel la SNC Appia Grands Travaux et la SNC Eiffage Travaux publics Rhône Alpes Auvergne doivent réaliser les travaux du marché (...) ".

11. D'une part, si les stipulations précitées de l'article 3.1. du cahier des clauses techniques particulières applicable au marché litigieux, ainsi que d'autres stipulations de ce document, notamment l'article 3.8.1.6. et l'article 4.3.5.1.1., évoquent la réception de la couche de forme et la reconnaissance de ce support, il n'en résulte pas que ces stipulations subordonnaient l'intervention de l'entreprise chargée de la réalisation des chaussées à la réception complète et sans réserves de l'ensemble des travaux confiés à l'entreprise chargée de la réalisation de la couche de forme. Il résulte de l'instruction que si, le 8 mars 2011, beaucoup de réserves restaient encore à lever dans le cadre du marché passé entre l'État et l'entreprise Guintoli, toutes ces réserves ne concernaient pas la couche de forme et, qu'en juillet 2011, celles qui restaient à lever portaient sur la réalisation de la couche de forme du profil 469 au profil 520. Ainsi qu'il a été dit, l'ordre de service du 11 mai 2011 invitait l'entreprise Appia Grands Travaux " à ne pas intervenir sur la zone de chantier du profil 469 au profil 540 ".

12. D'autre part, si le constat prescrit par ordonnance du juge des référés en date du 4 juillet 2011 a mis en évidence que certaines zones de la couche de forme ne présentaient pas la compacité ou les caractéristiques d'un sol traité au ciment susceptible de supporter les couches de chaussées à venir et étaient susceptibles de faire douter en l'état de la pérennité de l'ouvrage, il n'en résulte pas que la seule existence de ces zones se serait opposée à ce que la société Appia Grands Travaux procède au traitement des défectuosités constatées et à la réalisation des chaussées sur les zones de la couche de forme non affectées par ces malfaçons.

13. Dès lors, s'il était loisible à l'entreprise, si elle estimait que ses travaux étaient, tant en vertu des stipulations précitées du CCTP qu'en vertu des règles de l'art, subordonnés à la réception préalable de la plate-forme support de chaussée et à la remise en état dudit support par le maître de l'ouvrage, de présenter des réserves en ce sens, elle était néanmoins tenue de déférer aux ordres qui lui avaient été donnés par ce dernier. Les préjudices pour lesquels la société Appia Grands Travaux, aux droits de laquelle vient Eiffage TP, demande réparation, sont dans ces conditions imputables à son abstention fautive d'exécuter l'ordre de service du 11 mai 2011. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 avril 2013, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation.

En ce qui concerne les conclusions tendant à la résiliation du marché :

14. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 46.2 du cahier des clauses administratives générales précité : " Résiliation du fait du représentant du pouvoir adjudicateur ou de son mandataire : 46.2.1. Pour ordre de service tardif. / Dans le cas où le marché prévoit que les travaux doivent commencer sur un ordre de service intervenant après la notification du marché, si cet ordre de service n'a pas été notifié dans le délai fixé par le marché ou, à défaut d'un tel délai, dans les six mois suivant la notification du marché, le titulaire peut : - soit proposer au représentant du pouvoir adjudicateur une nouvelle date de commencement de réalisation des prestations du marché ; les prestations sont alors exécutées aux conditions économiques du marché tel qu'il a été notifié ; si le représentant du pouvoir adjudicateur refuse la proposition du titulaire, celui-ci peut demander par écrit la résiliation du marché ; - soit demander, par écrit, la résiliation du marché. / Lorsque la résiliation est demandée par le titulaire en application du présent article, elle ne peut lui être refusée. / Si, ayant reçu l'ordre de commencer les travaux, le titulaire n'a pas, dans un délai de quinze jours, refusé d'exécuter cet ordre et proposé une nouvelle date de commencement ou demandé la résiliation du marché, il est réputé, par son silence, avoir accepté d'exécuter les prestations aux conditions initiales du marché. / Lorsque la résiliation est prononcée à la demande du titulaire en application du présent article, celui-ci est indemnisé des frais et investissements éventuellement engagés pour le marché et nécessaires à son exécution. Il doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de deux mois, à compter de la notification de la décision de résiliation. 46.2.2. Après ajournement ou interruption des travaux. En application de l'article 49, le marché peut être résilié. / Cette résiliation ouvre droit pour le titulaire à indemnité ".

15. Ainsi qu'il a été dit précédemment, par un ordre de service daté du 11 mai 2011, notifié le 13 mai suivant à la société Appia Grands Travaux, il a été enjoint à celle-ci de procéder à la réalisation des prestations de son marché. Cette notification est intervenue dans le délai de six mois suivant la notification du marché le 29 décembre 2010. Par suite, comme l'ont relevé les premiers juges, la société Eiffage TP venant aux droits de la société Appia Grands Travaux, dont le refus de se conformer à l'ordre de service du 11 mai 2011 a présenté un caractère fautif, n'est pas fondée à solliciter la résiliation de son marché sur le fondement des stipulations précitées de l'article 46.2.1 du CCAG.

16. En second lieu, aux termes de l'article 49 du CCAG précité : " Ajournement et interruption des travaux. 49.1. Ajournement des travaux : 49.1.1. L'ajournement des travaux peut être décidé par le représentant du pouvoir adjudicateur. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l'article 12, à la constatation des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés. Le titulaire, qui conserve la garde du chantier, a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et du préjudice qu'il aura éventuellement subi du fait de l'ajournement. Une indemnité d'attente de reprise des travaux peut être fixée suivant les modalités prévues aux articles 14.3. et 14.4. 49.1.2. Si, par suite d'un ajournement ou de plusieurs ajournements successifs, les travaux ont été interrompus pendant plus d'une année, le titulaire a le droit d'obtenir la résiliation du marché, sauf si, informé par écrit d'une durée d'ajournement conduisant au dépassement de la durée d'un an indiquée ci-dessus, il n'a pas, dans un délai de quinze jours, demandé la résiliation ". Il y a ajournement des travaux au sens des stipulations précitées de l'article 49.1 du cahier des clauses administratives générales lorsque le maître d'ouvrage décide de différer leur début ou d'en suspendre l'exécution.

17. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que l'absence de démarrage des travaux procédait, non d'une décision d'ajournement au sens des stipulations précitées, mais du refus fautif de la société Appia Grands Travaux d'exécuter l'ordre de service du 11 mai 2011 qui lui avait été notifié par le maître d'oeuvre et n'a jamais été rapporté. Par suite, la société Eiffage TP, qui vient aux droits de la société Appia Grands Travaux, n'est pas fondée à solliciter la résiliation de son marché sur le fondement des stipulations précitées de l'article 46.2.1 CCAG.

Sur la requête n° 15LY00774 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

18. En premier lieu, la société Eiffage TP soutient que le jugement du 29 décembre 2014 est entaché d'une omission à statuer dès lors qu'il n'a pas répondu aux conclusions présentées dans son mémoire complémentaire produit le 10 décembre 2014 tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur ses demandes indemnitaires dans l'attente de la décision de la cour de céans dans le cadre de l'instance n° 13LY01546. Le juge administratif dirigeant l'instruction, le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre à ces conclusions.

19. En second lieu, à supposer que la société requérante entende soulever un moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué qui, selon elle, aurait dû joindre les affaires 1200936 -1201202 et 1300492, ce moyen ne pourra qu'être écarté dès lors, comme il a été rappelé au point 5, que le juge a la faculté de décider, sans en avoir jamais l'obligation, la jonction de requêtes pendantes présentant à juger les mêmes questions ou des questions connexes.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

20. Selon la société Eiffage TP, le marché qui liait la société Appia Grands Travaux à l'État a été résilié de plein droit dès lors que les conditions prévues par les stipulations des articles 46.2.1. et 49.1.2. du CCAG applicables aux marchés de travaux sont réunies.

21. D'une part, si, aux termes de l'article 46.2.1 du cahier des clauses administratives générales, dont les stipulations ont été précédemment rappelées, " lorsque la résiliation est demandée par le titulaire en application du présent article, elle ne peut lui être refusée ", ces stipulations ne sont applicables que lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur a notifié tardivement un ordre de service. Tel n'était pas le cas dans le présent litige puisque, comme il a déjà été dit au point 14, la notification de l'ordre de service de commencer les travaux, faite le 11 mai 2011, est intervenue dans le délai de six mois suivant la notification du marché le 29 décembre 2010 et que la société Appia Grands Travaux a refusé de l'exécuter. La société Eiffage TP n'est pas fondée à soutenir que la résiliation de son marché est intervenue sur le fondement de ces stipulations et à solliciter de ce fait une indemnisation.

22. D'autre part, l'article 49.1.2. prévoit que le titulaire du marché a le droit d'obtenir la résiliation du marché si, " par suite d'un ajournement ou de plusieurs ajournements successifs, les travaux ont été interrompus pendant plus d'une année ". En l'espèce, l'absence de démarrage des travaux en mai 2011 ne procédait pas d'une décision d'ajournement au sens des stipulations de l'article 49.1.2. précédemment rappelées, mais du refus fautif de la société Appia Grands Travaux de se conformer à l'ordre de service du 11 mai 2011 qui lui avait été notifié deux jours plus tard et qui n'a pas été rapporté. La société Eiffage TP n'est pas davantage fondée que précédemment à soutenir que la résiliation de son marché est intervenue sur le fondement de ces stipulations et à solliciter de ce fait une indemnisation.

23. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des demandes, que la société Eiffage TP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués du 18 avril 2013 (n°s1200936 -1201202) et du 29 décembre 2014 (n° 1300492), le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur la requête n° 16LY01402 :

24. En premier lieu, les sociétés requérantes demandent que l'État soit condamné à les indemniser en raison d'un refus fautif de la DREAL Auvergne de procéder à la résiliation du marché.

25. D'une part, comme il a été dit aux points 11 à 13 et 17 et comme les premiers juges l'ont relevé, le refus de la société Appia Grands Travaux de donner suite à l'ordre de service du 11 mai 2011 a présenté un caractère fautif. En conséquence, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'une résiliation du marché aurait dû intervenir sur le fondement des stipulations précitées de l'article 46.2.1 du cahier des clauses administratives générales et que le refus injustifié de l'État de procéder à cette résiliation est fautif.

26. D'autre part, comme il a été dit aux points 11 à 13 et 17, comme les premiers juges l'ont relevé, et ainsi qu'il vient d'être rappelé au point précédent, le refus de la société Appia Grands Travaux d'exécuter l'ordre de service du 11 mai 2011 a présenté un caractère fautif. L'absence de démarrage des travaux en mai 2011 ne procédait pas d'une décision d'ajournement au sens des stipulations de l'article 49.1.2. précédemment rappelées. En conséquence, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'une résiliation du marché aurait dû intervenir sur le fondement des stipulations précitées de l'article 49.1 du cahier des clauses administratives générales et que le refus injustifié de l'État de procéder à cette résiliation est fautif.

27. En second lieu, les sociétés requérantes demandent que l'État soit condamné à les indemniser du fait des " conditions plus difficiles " dans lesquelles leur marché a été exécuté.

28. D'une part, les sujétions imprévues sont celles qui présentent un caractère exceptionnel et imprévisible et dont la cause est extérieure aux parties. En l'espèce, et compte tenu de ce qui a été dit dans tout ce qui précède, les sociétés requérantes ne peuvent demander une indemnisation pour des sujétions imprévues qu'elles auraient rencontrées dans l'exécution du marché puisque ces difficultés trouvent leur origine exclusive dans le refus de la société Appia Grands Travaux d'exécuter l'ordre de service du 11 mai 2011.

29. D'autre part, et comme l'ont relevé les premiers juges dont le jugement est suffisamment motivé contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, celles-ci ne sont pas fondées à demander l'indemnisation de préjudices qui, selon elles, sont imputables aux fautes et atermoiements du maître de l'ouvrage et du maître d'oeuvre, dès lors que la plupart des préjudices qu'elles invoquent sont la conséquence directe du refus de la société Appia Grands Travaux d'exécuter l'ordre de service du 11 mai 2011. Les appelantes ne sont pas davantage fondées, pour les mêmes raisons, à demander la remise de toutes pénalités et retenues.

30. Les sociétés requérantes soutiennent toutefois, au titre des " difficultés liées aux exigences de la maîtrise d'oeuvre de réceptionner les travaux " qu'elles ont dû effectuer des travaux supplémentaires qui n'étaient pas prévus par les stipulations du marché. Il résulte du premier procès-verbal des opérations préalables à la réception intervenues en avril 2013 que " la malfaçon majeure porte sur le décalage de niveau entre l'enrobé de la couche de roulement et le raccordement aux ouvrages d'assainissement (cunettes et caniveaux à fente) qui dépasse la hauteur tolérable maximum de 1 cm. Cette malfaçon est de nature à porter atteinte à la sécurité des futurs usagers... ". Il résulte de l'instruction que, compte tenu du danger représenté pour les usagers, seules les différences d'altimétrie entre la couche de chaussée de roulement et les caniveaux à fente doivent être regardées comme des malfaçons. Il n'en va pas de même pour les discontinuités entre la couche de chaussée et les cunettes, en l'absence de danger pour les usagers, de méconnaissance des règles de l'art et de stipulations précises sur ce point dans les documents contractuels. Les reprises effectuées par la titulaire du marché sur les cunettes en béton n'étaient pas couvertes par les prix unitaires du marché et doivent donc faire l'objet d'une rémunération supplémentaire dont le montant, compte tenu des éléments fournis par les sociétés requérantes, peut être évalué à 200 000 euros HT, soit 239 200 euros TTC.

31. Il résulte du paragraphe I de l'article 1er du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics alors applicable, que, " pour les marchés de travaux, le point de départ du délai global de paiement du solde est la date de réception du décompte général et définitif " par le maître d'ouvrage. Pour l'application de ces dispositions, reprises à l'article 2 du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique, lorsqu'un décompte général fait l'objet d'une réclamation par le cocontractant, le délai de paiement du solde doit être regardé comme ne commençant à courir qu'à compter de la réception de cette réclamation par le maître d'ouvrage.

32. La somme de 239 200 euros TTC sera assortie des intérêts moratoires contractuels à compter, non, comme le demandent les sociétés requérantes du 10 mars 2014, date du mémoire en réclamation contre le décompte général, mais du 10 avril 2014, soit trente jours après la réception par l'État de sa réclamation contre le décompte général. La capitalisation des intérêts a été demandée par la société Eiffage TP et la société Eiffage Travaux publics Rhône-Alpes Auvergne dans leur requête enregistrée le 21 octobre 2014 devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand. À cette date, une année d'intérêts n'était pas encore due. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 10 avril 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

33. Les sociétés requérantes contestaient également les modalités de calcul des pénalités dont le montant total s'élève à 1 392 068,13 euros pour un retard de 387 jours entre le 1er août 2012 et le 23 août 2013 date d'achèvement des travaux. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment pour les travaux supplémentaires exécutés par la titulaire du marché, il convient d'opérer une réfaction de 200 000 euros sur le montant total de ces pénalités.

34. Il résulte de ce qui précède que la société Eiffage génie civil, venant aux droits de la société Eiffage TP, et la société Eiffage Route centre est, venant aux droits de la SNC Eiffage Travaux Publics Rhône-Alpes Auvergne, sont seulement fondées à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 février 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes à hauteur de 239 200 euros TTC pour les travaux supplémentaires et de 200 000 euros pour la remise de pénalités.

Sur les frais liés à l'instance :

35. Il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser aux sociétés Eiffage génie civil et Eiffage Route centre est.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de la société Eiffage TP dans les dossiers 13LY01546 et 15LY00774 sont rejetées.

Article 2 : Le jugement n° 14001837 du 18 février 2016 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a rejeté la demande des sociétés Eiffage génie civil et Eiffage Route centre est à hauteur de 239 200 euros TTC pour les travaux supplémentaires et de 200 000 euros pour la remise de pénalités.

Article 3 : L'État est condamné à verser la somme de 239 200 euros TTC aux sociétés Eiffage génie civil et Eiffage Route centre est. Cette somme portera intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 10 avril 2014. Les intérêts échus le 10 avril 2015 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Pour la détermination du solde du décompte général et définitif, l'État procédera également à une remise de pénalités d'un montant de 200 000 euros.

Article 5 : L'État versera la somme de 2 000 euros aux sociétés Eiffage génie civil et Eiffage Route centre est sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Eiffage génie civil et Eiffage Route centre est ainsi qu'au ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2018 où siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.

14

Nos 13LY01546, 15LY00774 et 16LY01402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01546
Date de la décision : 18/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas - Marchés - Retards d'exécution.

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Fin des concessions - Résiliation.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Indemnités.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: Mme Genevieve GONDOUIN
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SELARL CHEYSSON MARCHADIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-18;13ly01546 ?
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