Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision implicite du 22 mars 2017 par laquelle la préfète de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour mention "salarié" et l'arrêté du 3 avril 2017 par lequel elle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1701163 du 26 octobre 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 mars 2018 et un mémoire enregistré le 21 septembre 2018 qui n'a pas été communiqué, M. D... B..., représenté par Me A... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 octobre 2017;
2°) d'annuler la décision implicite de la préfète de la Côte-d'Or du 22 mars 2017 ;
3°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Côte-d'Or du 3 avril 2017 ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour mention "vie privée et familiale" ou, à défaut, mention "salarié", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de ce que le motif opposé par le préfet dans sa décision du 22 mars 2017 était illégal ;
- la décision de refus de séjour du 3 avril 2017, qui ne tient pas compte de sa situation familiale, est entachée d'erreurs de fait et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la préfète de la Côte-d'Or ne pouvait implicitement refuser de lui délivrer un titre salarié par sa décision implicite du 22 mars 2017 au motif qu'il avait déjà déposé une autre demande de titre de séjour, ce qui ne peut légalement fonder un tel refus ;
- le tribunal ne pouvait substituer à ce motif celui, au demeurant non fondé, tiré de l'absence de production d'un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ;
- la décision de refus de séjour du 3 avril 2017 méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
Par un mémoire enregistré le 20 septembre 2018, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Par une décision du 13 février 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant des Comores, né en 1969, soutient être entré en France en 2002 et n'en être plus reparti. Il a épousé le 28 mai 2011 une Française et a bénéficié en cette qualité de titres de séjour renouvelés jusqu'au 9 décembre 2015. Le 11 décembre 2015, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, puis, le 11 février 2017, il a déposé une demande de titre de séjour mention "salarié". Le 22 mars 2017, les services de la préfecture ont refusé d'enregistrer cette dernière demande au motif qu'il avait déjà un dossier en cours d'instruction. Par arrêté du 3 avril 2017, la préfète de la Côte-d'Or, constatant la rupture de la communauté de vie entre M. B... et son épouse, a refusé au requérant le renouvellement de sa carte de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé. M. B... relève appel du jugement du 26 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ensemble de ces décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. Pour rejeter les conclusions de la demande de M. B... dirigées contre la décision du 22 mars 2017, laquelle doit être regardée comme un refus d'enregistrer sa demande de titre de séjour, les premiers juges, après avoir rappelé le motif de refus selon lequel l'intéressé avait déjà un dossier en cours d'instruction, ont relevé que sa demande n'était pas complète. Ils doivent être regardés comme ayant ainsi substitué ce motif à celui dont M. B... conteste le bien-fondé et comme ayant, ce faisant, implicitement mais nécessairement répondu au moyen qu'il soulevait à cette fin. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement n'aurait pas répondu au moyen tiré de l'illégalité du motif opposé par l'administration doit être écarté.
Sur la décision du 22 mars 2017 :
3. Le courrier du 22 mars 2017 par lequel les services de la préfecture de la Côte-d'Or ont retourné à M. B... son dossier de demande de titre de séjour en qualité de salarié au motif qu'il avait une autre demande de titre de séjour en cours d'instruction constitue un refus d'enregistrement de sa demande de titre de séjour et non, comme il le soutient, un refus implicite de lui délivrer un titre de séjour salarié. Si le motif initial de ce refus était illégal, le préfet de la Côte-d'Or a fait valoir devant le tribunal administratif de Dijon que le dossier de demande de titre de séjour de M. B... était incomplet.
4. Aux termes de l'article R. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 1° de l'article L. 313-10, l'étranger qui demande la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes : (...) 2° Lorsqu'il réside sur le territoire français, un formulaire de demande d'autorisation de travail, pour la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée avec un employeur établi en France correspondant à l'emploi sollicité. Ce formulaire est conforme au modèle fixé par arrêté du ministre chargé du travail. ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait joint à sa demande de titre de séjour un formulaire de demande d'autorisation de travail. Par suite, le dossier de demande de titre de séjour présenté par M. B... était incomplet. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à demander l'annulation de ce refus, lequel ne constitue pas une décision faisant grief susceptible de recours contentieux.
Sur l'arrêté du 3 avril 2017 :
En ce qui concerne le refus de séjour :
5. Compte tenu des éléments que lui avait fournis M. B... dans sa demande de titre de séjour, le préfet de la Côte-d'Or n'a pas entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation du requérant ni d'erreurs de fait en faisant état de ce que l'intéressé n'avait pas d'attaches familiales en France et qu'il avait aux Comores sa mère, dont il n'avait pas signalé le décès.
6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Si M. B... soutient n'avoir pas quitté la France depuis son entrée en 2002, il ne l'établit pas, ne produisant aucun document de nature à justifier sa présence sur le territoire entre 2006, date à laquelle il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, et 2011. S'il fait valoir que son père, de nationalité française et ses demi-frères et demi-soeurs vivent en France métropolitaine, à La Réunion ou à Mayotte, il était, à la date de la décision en litige, en instance de divorce de son épouse française et n'est pas dépourvu d'attaches familiales aux Comores, où vivent ses cinq enfants majeurs, même s'il soutient ne plus avoir de contacts avec eux. Dans ces conditions, et alors même que M. B... a travaillé en France depuis 2012 et justifie ainsi d'une bonne insertion, la décision de refus de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle entend poursuivre et n'a pas méconnu les dispositions et stipulations citées au point précédent.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application au bénéfice de son avocat des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2018.
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N° 18LY00990
md