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16/10/2018 | FRANCE | N°17LY03164

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2018, 17LY03164


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 dans les rôles de la commune de Chabeuil et des pénalités y afférentes et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503451 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur

demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 août 2017 Mme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 dans les rôles de la commune de Chabeuil et des pénalités y afférentes et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503451 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 août 2017 Mme et M. C... B..., représentés par Me D... demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 juin 2017 ;

2°) de les décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme et M. C... B... soutiennent que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu l'existence d'un cas de force majeure résultant du moratoire organisé par le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 qui faisait obstacle au raccordement des installations jusqu'au 10 mars 2011.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2018 le ministre de l'action et des comtes publics conclut au rejet de la requête. Le ministre fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 18 septembre 2018, M. et Mme B... soutiennent en outre que la position de l'administration fiscale va à l'encontre de la réponse ministérielle du 24 juin 2014 et que l'analyse de l'administration fiscale bafoue les droits fondamentaux des contribuables, notamment l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

- le décret n° 72-1120 du 14 décembre 1972 modifié ;

- le décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 ;

- l'arrêté du 17 octobre 1973 portant agrément d'un organisme (Consuel) pour exercer le contrôle de la conformité des installations électriques intérieures aux règlements et normes de sécurité ;

- l'arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions de rachat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- l'arrêté du 4 mars 2011 portant abrogation de l'arrêté du 31 août 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,

- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. et Mme B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 septembre 2018, présentée pour M. et Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme et M. B... ont imputé sur leur impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt à raison d'investissements productifs réalisés outre-mer par les sociétés en participation Sunra Fluide 1151, Sunra Fluide 1152 et Sunra Fluide 1153, dont ils étaient associés, consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques. Cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration fiscale au motif que les centrales n'ayant pas reçu d'attestation de conformité à la réglementation en vigueur, ni été raccordées au réseau électrique au 31 décembre de l'année en cause, elles ne sauraient leur ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre de l'année 2010. Mme et M. B... ont demandé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes. Ils relèvent appel du jugement du 29 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

2. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, [...] dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 [...]/ La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. [...] ". Aux termes de l'article 95 K de l'annexe II du même code : " Les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer, [...] qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue au 1 de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article. ". Aux termes de l'article 95 Q de la même annexe II : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en nom collectif en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées, et par suite productives de revenus, qu'à compter de cette date.

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable ou à l'administration, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si des dépenses sont éligibles au dispositif de la réduction d'impôt prévue par les dispositions précitées et la date à laquelle le droit à réduction est né.

5. Des panneaux photovoltaïques ne peuvent être effectivement exploités sans être intégrés dans une installation et raccordés au réseau électrique. La conformité aux normes en vigueur de cette installation doit être attestée par le comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (Consuel), avant qu'une demande de raccordement au réseau électrique ne puisse être déposée. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'a indiqué l'administration dans la proposition de rectification adressée à Mme et M. B..., que les centrales photovoltaïques acquises par les sociétés n'étaient pas raccordées au réseau électrique au 31 décembre 2010 et qu'elles n'avaient pas reçu l'attestation de conformité du Consuel. En opposant un tel motif, l'administration n'a pas ajouté de critères aux conditions fixées par la loi fiscale applicable aux années litigieuses mais s'est bornée à mettre en oeuvre les conditions légales auxquelles les investissements réalisés outre-mer sont soumis pour pouvoir être regardés comme étant réalisés au sens des dispositions du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts. Mme et M. B... se bornent à faire valoir la nature des installations concernées, éligibles au dispositif, ce qui n'est pas contesté, la date à laquelle ils ont procédé aux investissements et la date à laquelle les installations ont été livrées et mises à disposition des sociétés exploitantes, mais ne contestent pas que les investissements en cause ne pouvaient pas être effectivement exploités, donc n'étaient pas productifs de revenus à la date du 31 décembre 2010.

6. Par le décret visé ci-dessus du 9 décembre 2010, le Premier ministre a suspendu pour une durée de trois mois l'obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par les installations, d'une puissance installée inférieure ou égale à 12 mégawatts, utilisant l'énergie radiative du soleil, à l'exception, notamment, des installations dont le producteur avait notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau, sous réserve, pour ces dernières installations, qu'elles soient mises en service dans des délais qu'il a précisés, et a décidé qu'aucune nouvelle demande ne pourrait être déposée durant la période de suspension. Il résulte de l'instruction que des demandes de raccordement avaient été déposées avant la période de suspension par les sociétés exploitantes, de sorte que ce texte n'a pas fait obstacle au dépôt, par ces dernières, de demandes de raccordement. Il résulte également des demandes de raccordement établies au nom des sociétés d'exploitation des centrales photovoltaïques, versées au débat par M. et Mme B... que ces documents prévoient une date prévisible pour le raccordement au réseau public d'électricité postérieure au 31 décembre 2010. Enfin, et comme l'a indiqué le tribunal, l'exigence de raccordement est également soumise, en application du décret du 14 décembre 1972 modifié et de l'arrêté du 17 octobre 1973, à la condition qu'une attestation de conformité aux prescriptions de sécurité visée par le Consuel ait été obtenue pour ces installations, avant le 31 décembre de l'année civile au titre de laquelle les investisseurs sollicitent le bénéfice de la réduction d'impôt. Or, il résulte de l'instruction qu'aucune démarche n'avait été diligentée auprès du Consuel pour obtenir l'attestation de conformité aux normes de sécurité électrique, de sorte que l'exigence tenant à l'obtention d'une attestation de conformité aux prescriptions de sécurité visée par le Consuel n'était pas respectée à la date du 31 décembre 2010.

7. Il résulte de ce qui précède que le non-respect des conditions posées par l'article 199 undecies B du code général des impôts pour prétendre au bénéfice de la réduction d'impôt qu'il institue ne peut être regardé comme trouvant sa cause dans l'intervention du moratoire institué par le décret du 9 décembre 2010. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir qu'un événement présentant les caractères de la force majeure et résultant de l'interruption de l'instruction des demandes de raccordement en raison du moratoire suspendant l'obligation d'achat de l'électricité a fait obstacle au respect des conditions posées par la loi pour le bénéfice de la réduction d'impôt en cause.

8. Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ".

9. Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations. Par ailleurs, si ces stipulations ne font en principe pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits patrimoniaux découlant de lois en vigueur, ayant le caractère d'un bien au sens de ces stipulations, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre l'atteinte portée à ces droits et les motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier.

10. La loi du 10 février 2000 qui a instauré l'obligation d'achat a également prévu les conditions de sa suspension. Elle a en outre été modifiée pour préciser que les parties n'étaient engagées qu'à compter de la signature du contrat d'achat. Les requérants ne peuvent dès lors se prévaloir d'une espérance légitime à la conclusion d'un contrat à des conditions tarifaires inchangées. Par suite, les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre du décret du 9 décembre 2010.

11. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé qu'ils n'étaient pas éligibles à la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme et M. B... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme et M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme et M. C... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Menasseyre, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme E..., première conseillère,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2018.

2

N° 17LY03164

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03164
Date de la décision : 16/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MDL SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-16;17ly03164 ?
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