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11/10/2018 | FRANCE | N°17LY02248

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 11 octobre 2018, 17LY02248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501863 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a réduit l'assiette des contributions sociales auxquelles Mme D... a été assujettie au titre de l'année 2011 en raison de la non-application du coefficient mul

tiplicateur de 1,25 prévu au premier alinéa du 7 de l'article 158 du code général ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501863 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a réduit l'assiette des contributions sociales auxquelles Mme D... a été assujettie au titre de l'année 2011 en raison de la non-application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au premier alinéa du 7 de l'article 158 du code général des impôt (article 1), l'a déchargée dans cette mesure des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 (article 2) et a rejeté le surplus de sa demande (article 3).

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juin 2017 et le 6 février 2018, Mme D..., représentée par Me Palomares, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 avril 2017 ;

2°) de la décharger de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme D... soutient que l'administration n'apporte pas la preuve qu'elle a appréhendé les revenus distribués par la société France Pro Déstock dans la mesure où, d'une part, la présomption d'appréhension en présence d'un maitre de l'affaire ne peut jouer dès lors que son compagnon, M. A..., était le gérant de fait de la société, ainsi que cela ressort de la procédure pénale qui a été diligentée à son encontre, et notamment du jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 14 novembre 2017, qu'elle ne disposait pas seule des fonds de la société et n'était pas gérante majoritaire et, d'autre part, que l'examen de sa situation fiscale personnelle n'a abouti à aucun redressement, ce qui démontre qu'elle n'a pas appréhendé les fonds distribués.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E..., première conseillère,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'un examen de sa situation fiscale personnelle, l'administration fiscale a décidé d'imposer, selon la procédure contradictoire, entre les mains de Mme D..., associée et gérante de la société France Pro Déstock, la somme de 88 022 euros au titre de l'année 2011 en tant que revenus distribués, cette somme correspondant au montant réintégré dans le bénéfice de la société France Pro Déstock au titre de l'année 2011 à la suite d'une vérification de comptabilité de la société. Mme D... relève appel du jugement du 13 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a réduit l'assiette des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 et l'a déchargée dans cette mesure des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011, en tant que le tribunal a rejeté le surplus de sa demande qui tendait à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " pour l'application de l'article 109 1-1°, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".

3. D'une part, en cas de refus des rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. Est qualifiée de maître de l'affaire une personne qui exerce la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et dispose sans contrôle de ses fonds.

4. D'autre part, l'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif.

5. Mme D..., dont les rehaussements ont été notifiés selon la procédure de rectification contradictoire, n'ayant pas accepté les rectifications découlant du rattachement à son revenu des revenus regardés comme distribués à la suite de la vérification de comptabilité de la société France Pro Déstock, il incombe à l'administration d'apporter la preuve de leur appréhension par Mme D....

6. Pour estimer que Mme D... était maître de l'affaire, l'administration fiscale s'est fondée sur la circonstance que l'intéressée, qui était associée et gérante de la société France Pro Déstock au cours de l'année 2011 en litige, avait déclaré lors de son audition du 18 mars 2011 qu'elle s'occupait de la facturation, procédait aux encaissements, réglait les factures des fournisseurs, gérait tous les contacts internet. L'administration a également noté qu'elle était le seul contact des tiers mentionné sur les sites internet et la seule interlocutrice de la société dans ses relations avec l'administration, les banques, les fournisseurs et les clients de l'entreprise. Elle a enfin indiqué qu'en sa qualité de gérante, elle établissait la politique de l'entreprise, et disposait seule de la signature sociale et bancaire de l'entreprise, ainsi que d'une carte bancaire adossée au compte courant ouvert au nom de la société auprès de la BRA.

7. Toutefois, par un jugement du 14 novembre 2017, devenu définitif, le tribunal correctionnel de Lyon a reconnu M. A..., qui était alors le compagnon de Mme D..., coupable de délit d'escroquerie et Mme D... coupable de complicité de délit d'escroquerie pour des faits datant notamment de l'année 2011. Pour condamner M. A..., le tribunal a retenu que celui-ci avait fourni à un tiers, également concerné par la procédure pénale, " des documents administratifs et notamment des feuilles de paie de sa société France Pro Destock pour qu'il puisse fabriquer de fausses feuilles de paie et en s'organisant pour que lui-même ou son personnel répondent aux sociétés de financement que la personne dont l'identité était usurpée travaillait bien dans la société ". S'agissant de Mme D..., le jugement du tribunal correctionnel a seulement retenu qu'elle avait répondu " aux appels passés par les sociétés de crédit et vendeurs automobiles à la société France Pro Destock et en confirmant les fausses identités, fausses déclarations d'embauche et faux bulletins de paie ". La constatation matérielle de ces faits, qui sont le support nécessaire du dispositif, démontre que M. A..., qui ne pouvait exercer des fonctions de gérant compte tenu d'une précédente condamnation, était gérant de fait de la société et que Mme D..., qui pouvait être amenée à agir selon sa volonté, ne disposait pas de la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société. Par ailleurs, il ressort des documents bancaires produits pour la première fois en appel que si Mme D..., qui détenait 2 500 parts sur les 20 000 parts de la société, pouvait disposer des fonds de la société ainsi que l'a démontré l'administration, elle n'en disposait pas seule dans la mesure où Mme B..., soeur de M. A..., détentrice de 9 500 parts de la société, disposait sur le compte de dépôt LCL de la société une procuration lui donnant tous pouvoirs sur ce compte et que M. B..., neveu de M. A..., détenteur de 5 750 parts, disposait, comme Mme D..., d'une carte bancaire adossée au compte courant ouvert au nom de la société auprès de la BRA. Compte tenu de ces différents éléments, Mme D... ne disposait pas seule des pouvoirs les plus étendus au sein de la société. Elle ne peut ainsi être regardée comme la seule maître de l'affaire. Elle ne peut, en conséquence, être présumée avoir appréhendé les distributions effectuées par la société. L'administration n'a, par ailleurs, pas cherché à apporter la preuve que Mme D... aurait effectivement appréhendé ces sommes. Dans ces conditions, Mme D... est fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Mme D... est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1501863 du 13 avril 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Mme D... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Fisher-Hirtz, présidente de chambre,

M. Souteyrand, président assesseur,

Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2018.

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N° 17LY02248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02248
Date de la décision : 11/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme FISCHER-HIRTZ
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : PALOMARES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-11;17ly02248 ?
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