Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 10 juin 2016 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé, d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer sous astreinte un titre de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 1608025 du 28 mars 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 24 avril 2017, M. B... A..., représenté par Me Di Nicola, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1608025 du 28 mars 2017 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 10 juin 2016 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de dix jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa demande de titre de séjour en lui délivrant dans l'attente et sans délai une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- s'agissant du refus de titre de séjour, il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du premier alinéa de l'article L. 313-14 du même code et d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, dès lors que, né le 6 juillet 1987 à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), il a grandi, étudié et travaillé sous contrat de travail à durée indéterminée en France, qu'il séjourne dans ce pays de sa naissance à 1999, de 2003 à 2007 et depuis 2009 et y a donc vécu durant vingt-trois ans au total, qu'il a été élevé en France chez sa soeur qui a la nationalité française, qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, qu'en 2007, son père l'a contraint à rentrer au Maroc pour le marier de force, ce qui a entraîné en 2009 son départ de ce pays et la rupture avec ses parents qui y demeurent et qu'il vit depuis en Francede nouveau chez sa soeur qui est française ;
- s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français, elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- s'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours, elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il ne peut quitter en seulement trente jours la France où il est établi de manière ancienne et stable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Un mémoire en réplique enregistré le 6 mars 2018 et présenté pour M. A..., n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mai 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pierre Thierry premier conseiller ;
1. M. A..., ressortissant Marocain né en 1987 à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) expose qu'il a vécu en France jusqu'en 1999, année au cours de laquelle il a suivi ses parents retournés vivre au Maroc. Il est revenu en France de 2003 à 2007 où il a poursuivi sa scolarité en collège et lycée, puis en 2009, au bénéfice d'un visa court séjour. Il s'y est maintenu depuis lors et a formé une demande de titre de séjour le 23 octobre 2015 sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 juin 2016, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et l'a obligé à quitter le territoire français. M. A... relève appel du jugement du 28 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation dirigée contre ce dernier arrêté.
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'ensemble des moyens de la requête.
2. Il n'est pas contesté que M. A... a vécu en France jusqu'à l'âge de 12 ans puis entre ses 16 à 19 ans et depuis 2009, soit l'essentiel de sa vie d'enfant, de son adolescence et de sa vie d'adulte. La quasi totalité de sa scolarité s'y est déroulée, notamment en collège et lycée au cours de la période de 2003 à 2007 ce qui lui a permis d'obtenir un brevet d'études professionnelles en électronique lorsqu'il était hébergé, en région parisienne, par sa soeur de nationalité française. Bien que ce soit pour des durées mensuelles limitées, il justifie avoir occupé des emplois, de février 2011 à février 2012 novembre 2012 à juillet 2014 de juillet 2014 à janvier 2015 et de janvier 2016 à juin 2016. Si la mère de M. A... vit au Maroc ainsi que son frère, son père y est décédé quelques jours avant l'arrêté attaqué du préfet du Rhône et M. A... indique sans être contredit qu'il ne parle pas l'arabe, langue officielle du Maroc. Dans ces circonstances M. A... est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du Maroc le préfet du Rhône a entaché son arrêté du 10 juin 2016 d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle et que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ce jugement et l'arrêté attaqué doivent être annulés.
3. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution". Eu égard aux motifs du présent arrêt et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un changement dans les circonstances de fait ou de droit y fasse obstacle, l'annulation des décisions contestées implique nécessairement que le préfet du Rhône délivre à M. A... une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale". Par suite, il y a lieu de prescrire cette mesure dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu toutefois d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
4. M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocate, Me Di Nicola peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros qui sera versée à Me Di Nicola.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1608025 du tribunal administratif de Lyon du 28 mars 2017 et l'arrêté du préfet du Rhône du 10 juin 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à Me Di Nicola, avocate de M. A..., en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à charge pour elle de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Di Nicola, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 octobre 2018.
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N° 17LY01738
mg