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08/10/2018 | FRANCE | N°18LY01692

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 08 octobre 2018, 18LY01692


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler les décisions du 29 décembre 2017 du préfet de l'Isère portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai elle serait reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays où elle établirait être légalement admissible ;

- d'aut

re part, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou de réexamine...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler les décisions du 29 décembre 2017 du préfet de l'Isère portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai elle serait reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays où elle établirait être légalement admissible ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1800470 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du préfet de l'Isère du 29 décembre 2017, enjoint au préfet de délivrer à Mme F... un document provisoire de séjour et un certificat de résidence d'un an, et mis à la charge de l'État la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2018, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1800470 du tribunal administratif de Grenoble du 3 avril 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme F... devant le tribunal.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il ne pouvait être refusé à Mme F... la délivrance du titre de séjour sollicité en sa qualité de conjointe de Français, au motif qu'elle n'était pas entrée régulièrement en France, alors qu'il ressort des termes d'un jugement du tribunal de Mohammadia du 13 décembre 2015 que l'intéressée, déclarée comparante lors de cette audience, était bien présente en Algérie à cette date alors qu'elle ne justifie pas d'une nouvelle entrée régulière en France depuis cette date.

Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2018, présenté pour Mme F..., elle conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de l'Isère ne sont pas fondés.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante algérienne, entrée en France le 23 avril 2015, sous couvert d'un visa de long séjour valable du 10 mars au 8 juin 2015, dans le cadre d'une procédure de regroupement familial après son mariage avec M. E... B..., également de nationalité algérienne, a sollicité, en premier lieu, un certificat de résidence, le 18 juin 2015. Par une décision du 23 septembre 2016, cette demande a été rejetée, au motif de la dissolution de son mariage par un jugement du 13 décembre 2015 du tribunal de Mohammadia (Algérie). A la suite de son mariage, célébré en France le 15 juillet 2017, avec M. D... G...F..., ressortissant français, elle a sollicité, le 31 octobre 2017, auprès des services préfectoraux, la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien en sa qualité de conjointe de Français. Par une décision du 29 décembre 2017, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de destination. Le préfet de l'Isère interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions du 29 décembre 2017.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...). Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre époux ".

3. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier, du jugement du tribunal de Mohammadia (Algérie) du 13 décembre 2015 prononçant la dissolution du mariage entre Mme A... C... et M. E... B..., qui mentionne la présence à l'audience de la première en sa qualité de " comparante " " assistée de son conseil ", que Mme F..., si elle avait été absente lors des audiences de conciliation tenues par ce tribunal au cours du mois de novembre 2015, se trouvait en Algérie le 13 décembre 2015, en dépit de la circonstance qu'aucune des pages du passeport produit par Mme F... ne porte une mention d'une sortie du territoire français. Ainsi, le préfet de l'Isère a pu prendre en compte la circonstance que Mme F... avait nécessairement quitté le territoire français depuis sa première entrée en France le 23 avril 2015 et lui refuser le titre de séjour sollicité au motif qu'elle ne remplissait pas la condition tenant à une entrée régulière sur le territoire français posée par les stipulations précitées du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. C'est, dès lors, à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler le refus de titre de séjour en litige et, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, sur le motif tiré de ce que le préfet de l'Isère avait méconnu lesdites stipulations.

4. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme F... en première instance et en appel.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, la décision en litige a été signée par Mme Demaret, secrétaire générale de préfecture, qui disposait d'une délégation de signature du 3 novembre 2017, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs spécial du 6 novembre 2017. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision manque en fait.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit, Mme F... est entrée une première fois en France le 23 avril 2015, dans le cadre d'un regroupement familial à la suite de son premier mariage, dissous par la suite, avec un compatriote, un peu plus de deux ans et demi seulement avant la date de la décision contestée. Si elle fait valoir qu'elle a épousé un ressortissant français, le 15 juillet 2017, et qu'elle attend un enfant de cette union, eu égard à la brièveté de la relations conjugale de Mme F... avec son second époux et au caractère également récent de sa présence en France à la date de la décision en litige, ladite décision n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté pour le motif retenu au point 5.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".

10. Mme F..., de nationalité algérienne, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 29 décembre 2017. Ainsi, à la même date, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français. Il résulte de ce qui a été dit que Mme F... ne peut exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

11. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs retenus pour écarter ces moyens en tant qu'ils étaient soulevés au soutien des conclusions de la requête dirigées contre le refus de titre de séjour.

12. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 29 décembre 2017.

Sur les conclusions de Mme F... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante, au titre des frais exposés par Mme F... à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800470 du 3 avril 2018 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions de Mme F... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'État, ministre de l'intérieur et à Mme A... C... épouse F....

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.

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N° 18LY01692


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01692
Date de la décision : 08/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-08;18ly01692 ?
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