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08/10/2018 | FRANCE | N°18LY00444

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 08 octobre 2018, 18LY00444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 17 novembre 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités suisses et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1709136 du 26 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I) Par une requête enregistrée le 5 février 2018, sous le n° 18LY00444, présentée pour M. B..., il est d

emandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1709136 du magistrat désigné par le président du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 17 novembre 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités suisses et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1709136 du 26 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I) Par une requête enregistrée le 5 février 2018, sous le n° 18LY00444, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1709136 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 26 décembre 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) titre principal, d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile dans le délai de quarante-huit heures à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui remettre le dossier de demande d'asile à transmettre à l'OFPRA sous le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et d'enjoindre à la même autorité de l'admettre au séjour sous les mêmes conditions en qualité de demandeur d'asile ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande comme irrecevable en raison de sa tardiveté, dès lors que la notification effective des décisions n'est intervenue qu'à la date du 21 décembre 2017, lors de sa présentation aux services de la police aux frontières et que, même si la cour venait à considérer que la notification effective des décisions est intervenue le 23 novembre, alors même qu'aucun document ne lui a été remis ce jour-là, il convient, en tout état de cause, de retenir le caractère irrégulier de cette notification, dès lors que cette notification n'a pas été faite dans une langue qu'il comprend ;

- la décision de transfert est entachée d'une erreur de droit tirée de l'absence de réexamen de sa situation à la suite de l'injonction du tribunal administratif de Lyon du 20 novembre 2017 en raison de l'annulation de la décision de transfert du 2 novembre 2017 et de la décision d'assignation à résidence du 15 novembre 2017 ;

- la décision de transfert est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit en ce qu'elle mentionne qu'il n'aurait pas sollicité l'asile auprès de la préfecture de police à Paris, en contradiction avec la note d'information remise le 16 août 2017, et cette erreur a nécessairement eu une incidence sur sa situation dès lors qu'il a été privé des droits que garantit son statut de demandeur d'asile, notamment en application de l'article L. 744-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'agissant des conditions matérielles d'accueil ;

- la décision de transfert a méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 dès lors qu'il n'est pas démontré que les informations prévues lui auraient été remises dès l'introduction de sa demande d'asile et a fortiori préalablement à la tenue de l'entretien individuel ; le préfet du Rhône n'a pas justifié de la remise des brochures dans une langue comprise par le requérant ; elle méconnaît également les dispositions de l'article 5 en l'absence de démonstration qu'un entretien individuel a été mené par la préfecture de police avant la saisine des autorités suisses ; elle méconnaît les dispositions des articles 23 et 24 du règlement à défaut de saisine des autorités suisses dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ; elle méconnait aussi l'article 1-1 du règlement 1560/2003 modifié, à défaut de communication aux autorités suisses des déclarations du demandeur ; elle méconnait encore les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 1, 4, 6 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; elle méconnaît l'article 17 du règlement n° 604/2013 et est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet s'est abstenu de procéder à un examen particulier de sa situation ;

- la décision portant assignation à résidence est illégale par voie de conséquence.

Par un mémoire, enregistré le 17 août 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la demande de première instance était irrecevable.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 janvier 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

II) Par une requête enregistrée le 5 février 2018, sous le n° 18LY00445, présentée pour M. B..., il est demandée à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1709136 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 26 décembre 2017 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 300 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- il soulève dans sa requête aux fins d'annulation du jugement attaqué des moyens sérieux et de nature à en justifier l'annulation.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 janvier 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Par un mémoire, enregistré le 17 août 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la demande de première instance était irrecevable.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les observations de Me A..., substituant Me Petit, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de nationalité érythréenne, né le 1er janvier 1991, a sollicité l'asile auprès des autorités suisses le 13 août 2015. M. B... est entré en France le 4 août 2017 et, ayant été convoqué à la préfecture de police de Paris, il a fait part de sa volonté de solliciter l'asile en France le 16 août 2017. La comparaison de ses empreintes avec le fichier Eurodac a conduit le préfet de police de Paris à le placer sous procédure dite Dublin en faisant valoir la responsabilité des autorités suisses pour examiner sa demande d'asile puis il a été orienté vers le centre d'accueil et d'orientation de Forum Réfugiés - COSI de Villeurbanne. Par une première décision du 2 novembre 2017, notifiée le 15 novembre suivant, le préfet du Rhône a prononcé son transfert vers la Suisse et, par une décision du 15 novembre 2017, la même autorité l'a assigné à résidence. Ces décisions ont été annulées par un jugement du 20 novembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, intervenu alors que, par une décision du 17 novembre 2017, le préfet du Rhône avait retiré l'arrêté du 2 novembre 2017 et pris une nouvelle décision de transfert aux autorités suisses. D'une part, M. B..., par sa requête n° 18LY00444, interjette appel du jugement du 26 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision de transfert du 17 novembre 2017 et de la décision du même jour par laquelle le préfet du Rhône l'a assigné à résidence. D'autre part, M. B..., par sa requête enregistrée sous le n° 18LY00445, conclut également à ce que soit ordonné le sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 18LY00444 à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon :

3. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen (...). " L'article L. 561-2 du même code dispose que : " l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger (...) fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ". Aux termes du II de l'article L. 742-4 de ce code : " Lorsqu'une décision (...) d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence (...) ".

4. Aux termes du II de l'article R. 777-3-1 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions du II de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification simultanée d'une décision (...) d'assignation à résidence et d'une décision de transfert fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester la décision de transfert et, le cas échéant, celle d'assignation à résidence ".

5. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des documents intitulés " notification d'une décision de transfert " et " notification d'un arrêté d'assignation à résidence ", que les décisions du 17 novembre 2017 par lesquelles le préfet du Rhône, d'une part, a ordonné le transfert de M. B... aux autorités suisses et, d'autre part, l'a assigné à résidence lui ont été notifiées, le 23 novembre 2017, par le biais d'un interprète, en langues Tigrigna et anglaise, que l'intéressé avait déclaré comprendre lors de l'entretien en préfecture du Rhône le 19 septembre 2017. Lesdits documents comportent la signature de l'interprète ainsi que celle du requérant. Si M. B... affirme que ne lui ont pas été remis alors les décisions en cause ni les documents de notification, chacune des fiches de notification, signée par le requérant, comporte la mention selon laquelle un exemplaire de la fiche de notification et des décisions de transfert et d'assignation à résidence lui ont été remis. Ces fiches de notification mentionnaient les voies et délais de recours, la première précisant que la décision de transfert pouvait être contestée auprès du tribunal administratif de Lyon, à compter de sa notification, dans un délai de quinze jours réduit à quarante-huit heures dans l'hypothèse où M. B... ferait concomitamment l'objet d'une mesure d'assignation à résidence et la seconde que la décision d'assignation à résidence pouvait être contestée dans un délai de quarante-huit heures. Le requérant, qui disposait ainsi d'un délai de quarante-huit heures, à compter du 23 novembre 2017, pour contester les arrêtés préfectoraux en litige, n'a saisi le tribunal administratif de Lyon que le 22 décembre 2017, plus d'un mois après la prise de ces décisions notifiées régulièrement. Sa demande était, dès lors, tardive.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur la requête n° 18LY00445 à fins de sursis à exécution :

7. Le présent arrêt statuant sur la requête de M. B... dirigée contre le jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante, une somme au titre des frais exposés à l'occasion des présentes instances par M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 18LY00444 de M. B... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18LY00445 de M. B....

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.

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Nos 18LY00444, 18LY00445


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00444
Date de la décision : 08/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-08;18ly00444 ?
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