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08/10/2018 | FRANCE | N°17LY03456

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 08 octobre 2018, 17LY03456


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'une part, d'annuler l'arrêté du 22 août 2017 par lequel le préfet de la Loire a décidé son transfert aux autorités portugaises pour l'examen de sa demande d'asile et de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Loire d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1706369 du 29 août 2017, le magistrat dés

igné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'une part, d'annuler l'arrêté du 22 août 2017 par lequel le préfet de la Loire a décidé son transfert aux autorités portugaises pour l'examen de sa demande d'asile et de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Loire d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1706369 du 29 août 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2017, présentée pour Mme A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1706369 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 29 août 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de lui permettre de déposer sa demande d'asile et de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- elle n'a pas été questionnée, et donc mise en mesure de présenter des observations relatives à son état de santé au cours de son entretien, et elle ne s'est au demeurant pas vu remettre le certificat visé à l'article 15 bis du règlement 118/2014 du 31 janvier 2014, alors même qu'elle était malade et qu'une opération chirurgicale était prévue sur sa personne ;

- la décision de transfert est insuffisamment motivée en ce qu'elle n'indique pas quels sont les éléments de sa situation personnelle et familiale pris en compte pour décider qu'elle ne pouvait faire application de la clause de souveraineté et/ou de la clause humanitaire ; elle ne signale pas non plus l'existence de son enfant, ne vise pas la convention internationale des droits de l'enfant et ne mentionne pas la présence régulière du père de l'enfant en France ; il n'est pas établi que le préfet a effectivement procédé à un examen approfondi de sa situation ;

- la décision de transfert méconnaît l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne combiné avec l'article 17 du règlement ;

- la décision d'assignation à résidence est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de transfert.

Par un mémoire, enregistré le 13 octobre 2017, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante de nationalité angolaise née le 20 août 1977 à Luanda (Angola), entrée en France le 1er décembre 2016 accompagnée de sa fille mineure, a déposé une demande d'asile à la préfecture du Rhône le 12 janvier 2017. Le système Visabio a révélé qu'elle avait bénéficié d'un visa de type C délivré par les autorités consulaires portugaises valable du 28 septembre 2016 au 27 octobre 2016. Les autorités portugaises, saisies d'une demande de prise en charge le 23 février 2017, ont donné leur accord le 21 avril 2017. Le 22 août 2017, le préfet du Rhône a ordonné son transfert au Portugal et, par un arrêté du même jour, l'a assignée à résidence. Mme A... fait appel du jugement du 29 août 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de la décision de transfert :

2. En premier lieu, les dispositions de l'article 15 bis du règlement d'exécution n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 sont relatives aux " conditions uniformes et modalités pratiques de l'échange de données concernant la santé avant l'exécution d'un transfert ". De telles dispositions, qui concernent le traitement de la personne transférée, une fois le transfert décidé, sont dès lors sans incidence sur la régularité de la décision ordonnant le transfert de Mme A... aux autorités portugaises.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. "

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A..., qui disposait de la possibilité d'évoquer ses problèmes de santé lors de l'entretien tenu en préfecture le 12 janvier 2017, aurait alors évoqué son état de santé et la nécessité de traitements ou d'une intervention chirurgicale alors, au demeurant, que l'ensemble des documents médicaux produits par la requérante, rédigés postérieurement à la date de cet entretien, ne sont pas de nature à établir qu'elle connaissait à cette date des problèmes de santé. Le moyen tiré de ce qu'à défaut d'avoir été mise en mesure d'évoquer son état de santé lors de l'entretien en préfecture auraient été méconnues les dispositions de l'article 5 du règlement, qui ne comportent au demeurant aucune prescription en ce sens, doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ". La décision de transfert d'un demandeur d'asile en vue de sa prise en charge par un autre État membre doit être suffisamment motivée afin de le mettre à même de critiquer l'application du critère de détermination de l'Etat responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, elle doit permettre d'identifier le critère de responsabilité retenu par l'autorité administrative parmi ceux énoncés au chapitre III de ce règlement ou, à défaut, au paragraphe 2 de son article 3. En revanche, elle n'a pas nécessairement à faire apparaître explicitement les éléments pris en considération par l'administration pour appliquer l'ordre de priorité établi entre ces critères, en vertu des articles 7 et 3 du même règlement.

6. L'arrêté du 22 août 2017 par lequel le préfet du Rhône a décidé le transfert de Mme A... aux autorités portugaises, regardées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile, vise le règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers, et les textes sur lesquels il se fonde. Il indique qu'il ressort de l'article 12 paragraphe 4 du règlement que l'examen de la demande d'asile incombe à l'État membre qui a émis un visa qui a expiré depuis moins de six mois, que l'examen du dossier de l'intéressée a fait apparaître qu'elle était entrée sur le territoire des États membres muni d'un visa C délivré par le Portugal dont la date de validité débutait le 28 septembre 2016 et expirait le 27 octobre 2016, que l'intéressée avait déposé une demande d'asile auprès de la préfecture du Rhône le 12 janvier 2017 et qu'ainsi, au moment du dépôt de sa demande d'asile, elle s'était maintenue sur le territoire Français alors que son visa avait expiré depuis moins de six mois et que, dès lors, le Portugal était responsable du traitement de sa demande d'asile. Il indique également que les autorités portugaises avaient été saisies, le 23 février 2017, sur le fondement de l'article 12-4° du règlement (UE) n° 604/2013, d'une demande de prise en charge, et qu'elles avaient donné leur accord le 21 avril 2017. Ces énonciations permettent de faire apparaître que l'autorité préfectorale a entendu faire application, compte tenu de la hiérarchie des critères de détermination de l'État membre responsable énoncés au chapitre III, des dispositions du paragraphe 4 de l'article 12 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et mettent ainsi l'intéressée à même de comprendre les motifs de la décision pour lui permettre d'exercer utilement son recours. Dès lors, la décision litigieuse, qui mentionne également que l'intéressée ne peut se prévaloir en France d'une vie privée et familiale stable, est suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme A....

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ".

8. Mme A... fait valoir qu'elle est entrée en France avec sa fille mineure pour rejoindre son conjoint et père de cette enfant, auquel un récépissé de demande de séjour avait été délivré et qui assure avec elle l'entretien de leur fille. Elle fait valoir également que son état de santé nécessite des soins médicaux et une intervention chirurgicale. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A..., dont la présence en France avec sa fille était récente à la date de l'arrêté de transfert aux autorités portugaises en litige, et dont le conjoint, avec lequel au demeurant elle ne résidait pas, ne bénéficiait pas à cette date d'un titre de séjour en France, ne pourrait bénéficier au Portugal, pays dont elle parle la langue, d'une vie familiale normale et de soins adaptés à son état de santé, dont d'ailleurs elle n'avait pas fait état en première instance. Dès lors, le préfet de la Loire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue au 1. de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui permet à un État d'examiner la demande d'asile d'un demandeur même si cet examen ne lui incombe pas en application des critères fixés dans ce règlement. Pour les mêmes motifs, la décision en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :

9. Il résulte de ce qui a été dit que Mme A... ne peut exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision par laquelle le préfet de la Loire l'a assignée à résidence, de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités portugaises.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et que doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.

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N° 17LY03456


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03456
Date de la décision : 08/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ROYON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-08;17ly03456 ?
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