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02/10/2018 | FRANCE | N°17LY02932

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 02 octobre 2018, 17LY02932


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la restitution du solde des prélèvements sociaux qu'il a payés sur les revenus de son patrimoine perçus en 2011, 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1603783 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2017, et des mémoires enregistrés le 3 août 2018 et le 20 août 2018, M. B..., représenté par la SELARL Brocar

d Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 3...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la restitution du solde des prélèvements sociaux qu'il a payés sur les revenus de son patrimoine perçus en 2011, 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1603783 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2017, et des mémoires enregistrés le 3 août 2018 et le 20 août 2018, M. B..., représenté par la SELARL Brocard Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 mai 2017 ;

2°) à titre principal, de prononcer le remboursement de l'intégralité des prélèvements sociaux payés, soit la somme de 4 651 euros au titre des cotisations acquittées et laissées à sa charge pour les années 2011, 2012, 2013 et 2014, auxquels doivent s'ajouter des intérêts moratoires ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la cour de justice de l'Union européenne ait statué sur la question préjudicielle qui lui a été transmise par la Cour administrative d'appel de Nancy ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'option ouverte aux résidents français qui travaillent en Suisse qui leur permet d'être exemptés de l'assurance maladie obligatoire suisse lorsqu'ils sont en mesure de faire état d'une couverture en cas de maladie ne saurait faire obstacle à l'application du principe de l'unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale ;

- l'assuré qui exerce cette option reste couvert par la législation suisse de sécurité sociale ;

- la contribution additionnelle de 1,1 % prévue à l'article L 262-24 du Code de l'action sociale et des familles ainsi que le prélèvement de solidarité de 2 % prévu à l'article 1600-OG du code général des impôts financent des prestations sociales de sorte que ces prélèvements ne peuvent pas être appliqués à un résident français relevant de la sécurité sociale suisse ;

- les prélèvements litigieux entrant dans le champ du règlement, doivent être déchargés dans leur totalité ;

- la réponse de la cour de justice de l'Union européenne à la question préjudicielle qui lui a été posée par la cour administrative d'appel de Nancy étant déterminante pour la solution du litige, il convient de surseoir à statuer dans l'attente de son arrêt ;

- l'ensemble des dégrèvements faisant suite à une réclamation, ils doivent tous être assortis d'intérêt moratoires, y compris s'ils portent sur l'année 2011.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2018, et un mémoire en réplique enregistré le 17 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions à fin de restitution des impositions afférentes à l'année 2011 sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 38 ;

- l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, fait à Luxembourg le 21 juin 1999 ;

- le règlement (CE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 ;

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 ;

- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ;

- la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 ;

- l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 28 mai 1974, Odette Callemeyn contre Etat belge (187/73) ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre de Ruyter (C-623/13) ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... réside en France et travaille en Suisse. Il a été assujetti aux prélèvements sociaux sur les revenus de son patrimoine des années 2011 à 2014 conformément aux déclarations de revenus qu'il avait souscrites. Faisant valoir qu'il était travailleur frontalier en Suisse et soumis, en ce qui concerne les branches accident, famille et vieillesse, à la législation suisse de sécurité sociale, il a demandé à être déchargé des prélèvements sociaux appliqués à ses revenus du patrimoine pour les années en cause. L'administration n'a que partiellement accédé à sa réclamation. Elle a considéré que la mise en oeuvre de l'arrêt Ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter, C-623/13, rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 26 février 2015 impliquait le remboursement des prélèvements français affectés aux risques de sécurité sociale faisant l'objet d'une affiliation obligatoire et unique en Suisse, mais que, puisque l'intéressé avait opté en faveur d'une assurance privée française pour sa couverture maladie, la France gardait la possibilité de percevoir sur ces revenus des contributions destinées au financement de l'assurance maladie et de la dépendance. M. B... relève appel du jugement du 30 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de prélèvement de solidarité, de contribution sociale généralisée, de prélèvement social et de contribution additionnelle au prélèvement social et de contribution additionnelle au prélèvement social, alors prévue par le III de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles laissées à sa charge pour les années 2011, 2012, 2013 et 2014.

Sur le bien-fondé des impositions :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ;

2. En vertu de l'article 1er de l'annexe II de l'accord entre la communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la confédération Suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes fait à Luxembourg le 21 juin 1999, le règlement (CE) n° 883/2004 modifié du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale s'applique entre la Suisse et l'Union et ses Etats membres, le terme " État(s) membre(s) " figurant dans cet acte étant réputé s'appliquer à la Suisse. Selon l'article 11 de ce règlement, les personnes auxquelles il est applicable ne sont soumises qu'à la législation de sécurité sociale d'un seul Etat membre.

En ce qui concerne le prélèvement de solidarité et la contribution additionnelle au prélèvement social :

3. Pour contester le refus de l'administration de restituer le prélèvement de solidarité appliqué sur ses revenus du patrimoine et sur les revenus de placement de son foyer fiscal, et la contribution additionnelle au prélèvement social, alors prévue par le III de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, M. B... invoque le principe d'unicité de législation posé par l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004.

S'agissant du prélèvement de solidarité :

4. Aux termes de l'article 1600-0 S du code général des impôts : " I. - Il est institué : / 1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; / 2° Un prélèvement de solidarité sur les produits de placement mentionnés à l'article L. 136-7 du même code. / (...) / III. - Le taux des prélèvements de solidarité mentionnés au I est fixé à 2 % (...) ". Dans sa rédaction antérieure à celle applicable à compter du 1er janvier 2015 résultant de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, le IV du même article prévoyait que le produit de ces prélèvements de solidarité était affecté, pour partie, " au fonds mentionné à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles ", pour partie " au fonds mentionné à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation " et enfin, pour partie, " au fonds mentionné à l'article L. 5423-24 du code du travail ".

5. En premier lieu, le fonds national d'aide au logement finance l'aide personnalisée au logement, la prime de déménagement prévue à l'article L. 351-5 du code de la construction et de l'habitation et les dépenses de gestion qui s'y rapportent, les dépenses du conseil national de l'habitat ainsi que l'allocation de logement relevant du titre III du livre VIII du code de la sécurité sociale et les dépenses de gestion qui s'y rapportent. Ces prestations ne relèvent d'aucune des branches de sécurité sociale au sens de l'article 3, paragraphe 1, du règlement du 29 avril 2004. En particulier, elles ne relèvent pas de la branche qui concerne les "prestations familiales" au sens du z) de l'article 1er du règlement, dès lors qu'elles ne sont pas "destinées à compenser les charges de famille".

6. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles (A...), dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015, le fonds national des solidarités actives finance une part du revenu de solidarité active. D'une part, le revenu de solidarité active constitue une prestation non contributive relevant de l'assistance sociale. D'autre part, alors même qu'il posséderait également les caractéristiques d'une législation en matière de sécurité sociale visée à l'article 3, paragraphe 1, du règlement du 29 avril 2004, le revenu de solidarité active n'est, en tout état de cause, pas mentionné à l'annexe X de ce règlement du 29 avril 2004 qui liste les branches de sécurité sociale auxquelles il s'applique.

7. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 5423-24 du code du travail, le fonds de solidarité gère les moyens de financement de l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 5423-1, de l'allocation équivalent retraite prévue à l'article L. 5423-18, de la prime forfaitaire prévue à l'article L. 5425-3 et de l'aide prévue au II de l'article 136 de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 de finances pour 1997. D'une part l'allocation de solidarité spécifique n'est pas une "prestation de chômage" au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous h) du règlement du 29 avril 2004. Il en va de même pour l'allocation équivalent retraite qui, en vertu de l'article L. 5423-19 du code du travail, ainsi que des deux autres prestations financées par le fonds de solidarité. D'autre part, à supposer que ces prestations spéciales à caractère non contributif financées par le fonds de solidarité entrent dans le champ défini au paragraphe 1 de l'article 70 du règlement du 29 avril 2004, elles ne sont en tout état de cause pas énumérées à l'annexe X de ce règlement qui liste les branches de sécurité sociale auxquelles il s'applique.

8. Aucune des prestations financées par les trois fonds mentionnés à l'article 1600-0 S du code général des impôts auxquels est spécifiquement affecté le prélèvement de solidarité prévu à l'article 1600-0 S du code général des impôts dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015 n'entre dans le champ d'application du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004. Dès lors que le prélèvement de solidarité est spécifiquement affecté au financement de prestations qui ne relèvent pas du règlement du Conseil du 29 avril 2004, il n'entre pas lui-même dans le champ d'application de ce règlement. Le moyen tiré de ce que ce prélèvement méconnaît, en l'espèce, son article 11 est, dès lors, inopérant.

S'agissant de la contribution additionnelle prévue à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, au taux de 1,1 % :

9. Aux termes de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction alors applicable : " I.-Le revenu de solidarité active est financé par le fonds national des solidarités actives mentionné au II et les départements. / (...) Le fonds national des solidarités actives finance la différence entre le total des sommes versées au titre de l'allocation de revenu de solidarité active par les organismes chargés de son service et la somme des contributions de chacun des départements. Il prend également en charge ses frais de fonctionnement ainsi qu'une partie des frais de gestion exposés par les organismes mentionnés à l'article L. 262-16. / (...) III.-Les recettes du fonds national des solidarités actives sont, notamment, constituées par une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions et sont passibles des mêmes sanctions que celles applicables à ces prélèvements sociaux. Leur taux est fixé à 1, 1 % et ne peut l'excéder. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la contribution qu'elles prévoient est spécifiquement affectée au financement du revenu de solidarité active.

10. Il résulte clairement des dispositions des articles 3 et 70 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, qui renvoient à l'annexe X de ce règlement qu'une prestation non contributive relevant de l'assistance sociale n'entre dans le champ d'application de ce règlement que lorsqu'elle possède également les caractéristiques de la législation en matière de sécurité sociale visée au paragraphe 1 de son article 3 et à la condition, notamment, qu'elle soit mentionnée à l'annexe X à laquelle cet articles renvoie.

11. D'une part, le revenu de solidarité active constitue une prestation non contributive relevant de l'assistance sociale. D'autre part, il n'est, en tout état de cause, pas mentionné l'annexe X au règlement du 29 avril 2004.

12. Il résulte de ce qui précède que la contribution en litige, dès lors qu'elle est spécifiquement affectée au financement d'une prestation qui ne relève pas de l'article 3 du règlement du Conseil du 29 avril 2004, n'entre pas elle-même dans le champ d'application de ce règlement. Le moyen tiré de ce que cette contribution méconnaît, en l'espèce, son article 11 est, dès lors, inopérant.

En ce qui concerne les autres prélèvements :

S'agissant des prélèvements qui ne sont pas affectés au financement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie :

13. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que des prélèvements sur les revenus du patrimoine, tels que la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine, le prélèvement social et la contribution additionnelle à ce prélèvement présentent, lorsqu'ils participent au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale, un lien direct et pertinent avec certaines des branches de sécurité sociale énumérées par le règlement sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et relèvent donc de son champ d'application, alors même qu'ils sont assis sur les revenus du patrimoine des personnes assujetties, indépendamment de l'exercice par ces dernières de toute activité professionnelle. Ces prélèvements sur les revenus du patrimoine sont alors soumis au principe d'unicité de législation évoqué ci-dessus.

14. Le b) du 3. du chapitre " Suisse " de l'annexe XI du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale permet à des personnes ne résidant pas en Suisse mais relevant des dispositions juridiques suisses régissant l'assurance-maladie obligatoire d'être, à leur demande, exemptées de l'assurance obligatoire tant qu'elles résident en France et qu'elles prouvent qu'elles y bénéficient d'une couverture en cas de maladie. Le 4. de cette annexe prévoit que, dans cette hypothèse, les coûts des prestations en nature en cas d'accident non professionnel sont répartis pour moitié entre l'organisme d'assurance suisse couvrant les accidents professionnels et non professionnels et les maladies professionnelles et l'organisme d'assurance maladie compétent de l'autre État, lorsqu'il existe un droit à prestations de la part des deux organismes.

15. La faculté ainsi offerte à des ressortissants de l'Union relevant de la législation suisse de sécurité sociale d'être exemptés des dispositions juridiques suisses régissant l'assurance-maladie obligatoire ne leur est ouverte qu'à la condition qu'ils bénéficient d'une couverture en cas de maladie. Cette exemption est organisée par la loi française, par le I de l'article L. 380-3-1 du code de la sécurité sociale, en prévoyant que les personnes concernées sont alors " affiliées obligatoirement " au régime général de la sécurité sociale dans les conditions fixées par l'article L. 380-1, c'est-à-dire à la couverture maladie universelle instituée par la loi 99-641 du 27 juillet 1999 pour les personnes résidant en France et n'ayant droit à aucun autre titre aux prestations d'assurance maladie de la sécurité sociale. Au II de ce même article L. 380-3-1, le législateur a ménagé une période de transition, dans certaines hypothèses, jusqu'au 31 mai 2014 par l'article 49 de la loi 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.

16. En introduisant une telle faculté, le règlement a autorisé une exception au principe d'unicité des législations de sécurité sociale, autorisant le cumul de plusieurs législations nationales en matière de sécurité sociale. En application du II de l'article L. 380-3-1 du code de la sécurité sociale, M. B... a demandé à ce que les dispositions du I du même article, qui prévoient, dans sa situation, une affiliation obligatoire au régime général d'assurance maladie dans les conditions fixées par l'article L. 380-1 ne lui soient pas appliquées. Il relève, dans cette mesure, de la législation sociale française pour le risque maladie. Par suite, M. B..., qui relève d'une des exceptions prévues par le règlement (CE) n° 883/2004 autorisant le cumul de plusieurs législations nationales en matière de sécurité sociale, ne saurait utilement soutenir que le principe d'unicité des législations de sécurité sociale, qui ne trouve pas à s'appliquer dans sa situation, a été méconnu.

S'agissant des prélèvements qui sont affectés au financement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie :

17. Il résulte des dispositions du 3° du IV de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale que la contribution sociale généralisée est en partie versée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Il résulte des dispositions de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles que la contribution additionnelle au prélèvement social est également versée à cette caisse. La CNSA, à travers notamment les dispositions du 1° du I de l'article L. 14-10-1 du code de l'action sociale et des familles, gère pour l'essentiel les prestations de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la prestation compensatoire du handicap (PCH), dont les conditions d'attribution sont également définies par le code de l'action sociale et des familles.

18. Ces prestations sont destinées à couvrir des dépenses supplémentaires de la vie quotidienne engendrées par la dépendance et le handicap. Par un arrêt de grande chambre du 21 février 2006, Hosse, (aff. C-286/03), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit, aux points 37, 38 et 46, qu'" une prestation peut être considérée comme une prestation de sécurité sociale dans la mesure où elle est octroyée aux bénéficiaires en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, sur la base d'une situation légalement définie, et où elle se rapporte à l'un des risques expressément énumérés à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 (...) Il en résulte que des prestations, octroyées de façon objective, sur la base d'une situation légalement définie, et qui visent à améliorer l'état de santé et la vie des personnes dépendantes, ont essentiellement pour objet de compléter les prestations de l'assurance maladie, et doivent être regardées comme des "prestations de maladie" au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1408/71 (...) Par conséquent, une allocation de soins (...) ne constitue pas une prestation spéciale à caractère non contributif au sens de l'article 4, paragraphe 2 ter, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 (...) mais une prestation de maladie au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous a), de ce règlement. ". La Cour de justice a notamment confirmé sa position dans un arrêt du 18 octobre 2007, commission c/Parlement et Conseil (aff. C-299/05, Rec.p. I-8695, point 61) puis dans un arrêt du 5 mai 2011, Commission européenne c/République fédérale d'Allemagne (aff. C-206/10, point 28). Dans cette dernière espèce, où étaient en cause des prestations versées par des Länder aux aveugles, aux sourds et aux handicapés, la Cour de justice a jugé que ces prestations visaient à couvrir, sous forme d'une contribution forfaitaire, les dépenses supplémentaires de la vie quotidienne engendrées par leur handicap.

19. Il résulte de ce qui précède que les prestations mentionnées au point 17 doivent, en toute hypothèse, être regardées comme rattachées au risque maladie, de sorte que les prélèvements affectés à la CNSA, qui contribuent au financement de ces prestations ne peuvent, en tout état de cause, présenter de lien pertinent avec des branches de la sécurité sociale autres que la maladie. Pour les raisons exposées aux points 13 à 16, M. B... relève, dans la mesure, où il a opté pour être exempté du bénéfice de la législation suisse régissant l'assurance maladie obligatoire, de la législation sociale française pour le risque maladie, qui lui a permis de souscrire, pour ce risque, une assurance privée. Par suite, et dans la mesure où il relève d'une des exceptions prévues par le règlement (CE) n° 883/2004 autorisant le cumul de plusieurs législations nationales en matière de sécurité sociale, M. B... ne peut utilement invoquer le principe d'unicité des législations de sécurité sociale, pour contester des prélèvements qui ne se trouvent pas à l'origine d'un cumul de législations prohibé par le règlement.

20. Dès lors, eu égard à la nature des prestations ainsi financées, qui les rattache au risque maladie, la question de savoir si les prélèvements affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie présentent un lien direct et suffisamment pertinent avec certaines branches de la sécurité sociale énumérées à l'article 3 du règlement (CE) n° 883/2004 n'est pas déterminante pour la solution du litige. Par suite il n'y a pas lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question préjudicielle qui lui a été posée par l'arrêt 17NC02124 de la cour administrative d'appel de Nancy.

Sur les intérêts moratoires correspondant aux impositions dégrevées au titre de l'année 2011 :

21. D'une part, aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand (...) un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement (...) ". Si, à défaut de réclamation régulière de la part du contribuable, l'administration n'est pas tenue de verser des intérêts moratoires sur les dégrèvements qu'elle a prononcés, même lorsque les dégrèvements sont accordés à la demande de celui-ci, elle est tenue de le faire en présence d'une réclamation régulière.

22. D'autre part, aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) ". L'avis d'imposition par lequel l'administration porte les impositions à la connaissance du contribuable doit mentionner l'existence et le caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, de la réclamation prévue à l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, ainsi que les délais de forclusion dans lesquels le contribuable doit présenter cette réclamation. Le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie est de nature à faire obstacle à ce que les délais prévus par les articles R. 196-1 et R. 196-2 du livre des procédures fiscales lui soient opposables.

23. Toutefois le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Dans le cas où le recours juridictionnel doit obligatoirement être précédé d'un recours administratif, celui-ci doit être exercé, comme doit l'être le recours juridictionnel, dans un délai raisonnable. Le recours administratif préalable doit être présenté dans le délai prévu par les articles R. 196-1 ou R. 196-2 du livre des procédures fiscales, prolongé, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le contribuable, d'un an. Dans cette hypothèse, le délai de réclamation court à compter de l'année au cours de laquelle il est établi que le contribuable a eu connaissance de l'existence de l'imposition.

24. Les contributions sociales au titre de l'année 2011 ont été mises en recouvrement le 15 octobre 2012. L'avis d'imposition qui a été versé aux débats par l'administration ne fait pas apparaître que M. B...a été informé sur les voies et délais de recours. Les pièces du dossier ne font par ailleurs pas apparaître la date à laquelle l'intéressé a eu connaissance de cet avis d'imposition. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, dans ces conditions, la réclamation concernant ces impositions, présentée le 14 décembre 2015 par M. B... ne peut être regardée comme tardive.

25. Il en résulte que le dégrèvement accordé le 11 juillet 2016, à la suite d'une réclamation présentée par le contribuable n'a pas été prononcé d'office s'agissant de l'année 2011, mais au vu d'une réclamation régulière, et ouvrait droit au bénéfice des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en ce qu'elle a de contraire au présent arrêt.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

27. Il n'ya pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'Etat versera à M. B...les intérêts moratoires correspondant au dégrèvement prononcé au titre de l'année 2011 à la suite de l'introduction de la réclamation du 14 décembre 2015.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 mai 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 2 octobre 2018.

N° 17LY02932


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02932
Date de la décision : 02/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Politique sociale.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL BROCARD AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-02;17ly02932 ?
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