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27/09/2018 | FRANCE | N°18LY01053

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 27 septembre 2018, 18LY01053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 11 août 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il sera reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1702087 du 22 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté, a enjoint au pr

éfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 11 août 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il sera reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1702087 du 22 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'État le paiement à Me Gauché, avocat, de la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 mars et 4 juillet 2018, le préfet du Puy-de-Dôme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 février 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé son arrêté du 11 août 2017 pour méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2018, M. B..., représenté par Me Gauché, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que le moyen invoqué par le préfet est infondé.

Par un mémoire, enregistré le 11 juillet 2018, non communiqué, M. B..., représenté par Me Gauché, avocat, conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Il soutient en outre que le préfet est incompétent pour interjeter appel du jugement attaqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 et notamment le VI de l'article 67 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Fischer-Hirtz, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo où il est né le 12 octobre 1974, déclare être arrivé en France le 7 février 2012. Le 23 février suivant, il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Un refus lui a été opposé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. Le 22 juillet 2013, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette demande a été implicitement rejetée le 31 décembre 2014. Il a présenté le 22 septembre 2016 une nouvelle demande aux mêmes fins. Le 11 août 2017, le préfet du Puy-de-Dôme lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé un pays de destination. Le préfet du Puy-de-Dôme relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces décisions.

Sur la fin de non recevoir opposée à la requête :

2. Aux termes de l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative : " I.- Par dérogation aux dispositions de l'article R. 811-10, le préfet présente devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'État lorsque le litige est né de l'activité des services de la préfecture dans les matières suivantes : 1° Entrée et séjour des étrangers en France (...) ".

3. Les décisions du préfet du Puy-de-Dôme en litige, refusant un titre de séjour à M. B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant un pays de destination, sont relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France. Dès lors, contrairement à ce que soutient l'intimé, en application des dispositions du 1° du I de l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative, le préfet du Puy-de-Dôme a qualité pour faire appel, au nom de l'État, du jugement ayant annulé ces décisions.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ".

5. Par un avis du 29 novembre 2016, un médecin de l'agence régionale de santé de santé d'Auvergne-Rhône-Alpes a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale d'une durée de vingt-quatre mois, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié n'existe pas dans le pays dont l'intéressé est originaire.

6. Si le préfet n'est pas lié par l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé, dont l'avis n'est que consultatif, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments l'ayant conduit à considérer, nonobstant cet avis médical, que les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies.

7. Il résulte du seul certificat médical du 25 mars 2013 produit par M. B... qu'il a été suivi au centre hospitalier de Sainte-Marie à Clermont-Ferrand, spécialisé dans le traitement des pathologies psychiatriques.

8. Pour établir l'existence, en République démocratique du Congo, d'un traitement approprié à l'état de santé de M. B..., le préfet du Puy-de-Dôme produit pour la première fois en appel un courriel du médecin référent du Consulat de France dans ce pays, du 5 septembre 2013, selon lequel " la pathologie psychiatrique est prise en charge dans les grandes villes de la RDC " et notamment à Kinshasa, où toutes les spécialités médicamenteuses usuelles sont disponibles et où les génériques usuels sont très répandus et à des prix abordables. Si le préfet verse au dossier la liste nationale des médicaments essentiels de la République du Congo, alors que M. B... est originaire de République démocratique du Congo, il produit également des fiches provenant de la base " Medical Country of Origin Information " (MedCOI) qui mentionnent un certain nombre de médicaments psychotropes disponibles à Kinshasa. Il suit de là que c'est à tort que, pour annuler le refus de titre de séjour en litige, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance par le préfet des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens invoqués M. B....

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

10. L'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ". L'article L. 312-2 du même code ajoute que : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Ainsi qu'il vient d'être dit, M. B... ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Puy-de-Dôme n'était pas tenue de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ".

13. M. B..., de nationalité congolaise s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour le 11 août 2017. Ainsi, à la même date, il était dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.

14. Il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

15. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux décisions prises à compter du 1er novembre 2016 : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, l'obligation de quitter le territoire français faite à M. B... ne méconnaît pas ces dispositions.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

16. La décision désignant le pays de renvoi n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision portant refus de titre de séjour, M. B... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigés contre la décision fixant le pays de renvoi.

17. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

18. M. B... soutient qu'il encourt un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo où il a déjà subi auparavant des violences d'une particulière gravité. Toutefois, il ne produit aucune pièce à l'appui de ses allégations permettant d'établir la réalité des faits allégués et l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour en République démocratique du Congo. Par suite, en désignant ce pays comme pays de renvoi, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

19. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Puy-de-Dôme est fondé soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions en litige.

20. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à M. B... ou à son conseil au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 février 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. B... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Fischer-Hirtz, président de chambre,

M. Souteyrand, président assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.

2

N° 18LY01053


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01053
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme FISCHER-HIRTZ
Rapporteur ?: Mme Catherine FISCHER-HIRTZ
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-09-27;18ly01053 ?
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