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27/09/2018 | FRANCE | N°17LY04364

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2018, 17LY04364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 juin 2017 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.

Par un jugement n° 1705555 du 27 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 30 juin 2017, enjoint au préfet de l'Isère de délivr

er à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 juin 2017 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.

Par un jugement n° 1705555 du 27 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 30 juin 2017, enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2017, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 novembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par Mme B....

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu à l'ensemble de ses arguments présentés en première instance ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté du 30 juin 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2018, MmeB..., représentée par Me Coutaz, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- les décisions en litige méconnaissent les articles L. 313-11, 6° et L. 511-4, 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles ont également été prises en violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 313-1, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2018.

Par une ordonnance du 14 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 14 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lesieux ;

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., née le 13 mars 1986, de nationalité ivoirienne, est entrée en France le 27 juillet 2015 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 février 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 2 novembre 2016. Le 31 mars 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 juin 2017, le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en désignant le pays de destination en cas d'éloignement forcé. Par un jugement du 27 novembre 2017, dont le préfet de l'Isère relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de délivrer à Mme B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros, à verser à son conseil, au titre des frais liés à l'instance.

Sur la régularité du jugement :

2. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont fait droit au moyen invoqué par Mme B...tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaissait le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en retenant que le préfet de l'Isère, en l'état de l'instruction, n'apportait pas la preuve qui lui incombe du caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité des enfants de l'intéressée par un ressortissant français. Le tribunal administratif de Grenoble, qui n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments présentés en défense par le préfet, a suffisamment motivé son jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; (...) ".

4. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est, en principe, opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ses compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ou de procéder, le cas échéant, à son retrait.

5. Il ressort des pièces du dossier que MmeB..., mère de deux enfants, nés en Côte d'Ivoire en 2012 et 2014, est entrée en France, accompagnée du plus jeune de ses enfants, alors qu'elle était enceinte de plusieurs mois. Son troisième enfant est né en France le 26 octobre 2015 et a été reconnu par M.A..., ressortissant français d'origine ivoirienne, le 12 janvier 2016. Postérieurement à la date de la décision contestée, le 5 juillet 2017, elle a donné naissance à un quatrième enfant, reconnu par anticipation par ce même ressortissant français. Mme B...soutient qu'alors qu'elle vivait en Côte d'Ivoire avec le père de sa fille née en 2014, elle a entretenu une relation amoureuse avec M.A..., par ailleurs marié. Le préfet de l'Isère fait valoir qu'il est possible de déduire du certificat médical produit par Mme B...que l'enfant né en octobre 2015 aurait été conçu vers le 7 février 2015 alors que le passeport de M. A...n'indique son entrée régulière en Côte d'Ivoire que le 1er mars 2015, rendant ainsi invraisemblable la paternité de ce dernier. Ce faisant, le préfet de l'Isère, qui ne produit pas le passeport de M. A..., ne conteste pas la présence de ce dernier en Côte d'Ivoire plusieurs mois avant l'entrée en France de MmeB.... Par ailleurs, le préfet de l'Isère n'apporte à la cour aucun élément sur les suites données par le procureur de la République de Grenoble au signalement effectué le 2 mai 2017 pour suspicion de fraude pour la reconnaissance de paternité faite par M. A.... Dès lors, et comme l'ont à bon droit jugé les premiers juges, Mme B...est fondée à soutenir que l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 30 juin 2017.

7. Mme B...ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Coutaz, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Coutaz de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Coutaz une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Coutaz renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à Mme C... B... et au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.

4

N° 17LY04364


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY04364
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-09-27;17ly04364 ?
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