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27/09/2018 | FRANCE | N°16LY01710

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2018, 16LY01710


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société ADG Amorèse Déménagements a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler le marché conclu par la commune d'Annecy avec la société Rives Dicostanzo Industrie pour effectuer le déménagement des archives municipales et d'autre part, de condamner cette commune au paiement d'une indemnité de 3 256,11 euros en réparation du manque à gagner qu'elle a subi du fait de son éviction irrégulière.

Par un jugement n° 1400412 du 22 mars 2016, le tribunal administratif de

Grenoble a annulé le marché conclu par la commune d'Annecy avec la société Rives Dicos...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société ADG Amorèse Déménagements a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler le marché conclu par la commune d'Annecy avec la société Rives Dicostanzo Industrie pour effectuer le déménagement des archives municipales et d'autre part, de condamner cette commune au paiement d'une indemnité de 3 256,11 euros en réparation du manque à gagner qu'elle a subi du fait de son éviction irrégulière.

Par un jugement n° 1400412 du 22 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le marché conclu par la commune d'Annecy avec la société Rives Dicostanzo Industrie, a condamné cette commune à verser à la société ADG Amorèse Déménagements la somme de 2 723 euros et a mis à sa charge le versement à cette société d'une somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2016, la commune d'Annecy, représentée par la SELARL CDMF-Avocats, Affaires Publiques, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 mars 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la société ADG Amorèse Déménagements ;

3°) de mettre à la charge de cette société une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le dossier de consultation n'a pas entendu élever au rang de critère ou de sous-critère " la liste de références ", celle-ci étant simplement un élément d'appréciation du critère " valeur technique de l'offre " ;

- le critère " références " est au nombre de ceux susceptibles d'être retenus comme critères de jugement des offres dans le cadre d'une procédure adaptée ;

- dans le cadre d'une procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur peut examiner, au cours d'une phase unique, la recevabilité de candidatures et la valeur des offres ;

- l'utilisation de l'élément d'appréciation tenant à l'expérience des candidats est justifiée par la complexité et la difficulté particulière de l'opération ;

- la société ADG Amorèse Déménagements ne conteste pas que ses références étaient insuffisantes en matière de déménagement d'archives ;

- à le supposer avéré, le manquement retenu par les premiers juges ne justifiait pas que soit prononcée l'annulation du marché ;

- la société ADG Amorèse Déménagements ne justifie pas qu'elle avait une chance sérieuse d'obtenir le marche ;

- en tout état de cause, son manque à gagner doit être limité à la somme de 2 723 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2016, la société ADG Amorèse Déménagements, représentée par la SELARL Brun-Kanedanian, conclut au rejet de la requête, elle demande en outre à la cour :

1°) de réformer le jugement du 22 mars 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner la commune d'Annecy à lui verser une somme de 3 256,11 euros au titre de son manque à gagner ;

3°) de mettre à la charge de cette commune une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le critère " références " ne peut être utilisé que dans le cadre de l'examen des candidatures et pour l'attribution du marché ainsi que le prévoient les articles 52 et 53 du code des marchés publics ; la prise en compte d'une liste de références au stade de l'attribution du marché est illégale et entraîne donc la nullité du marché ;

- sans la prise en compte de ce critère, elle aurait emporté le marché ;

- un transport d'archives municipales est une mission classique pour un déménageur ; l'objet du marché litigieux ne présentait aucune spécificité ou technicité particulière ;

- elle est bien fondée à solliciter la condamnation de la commune d'Annecy à lui verser une somme de 3 256,11 euros représentant une perte de marge nette de 15 %.

La procédure a été communiquée à la société Rives Dicostanzo Industrie qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics alors en vigueur ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- les observations de MeA..., représentant la commune d'Annecy ;

Considérant ce qui suit :

1. La commune d'Annecy a, courant 2013, lancé une consultation selon la procédure adaptée de l'article 28 du code des marchés publics en vue de la passation d'un marché pour procéder au déménagement des archives municipales. Par un courrier du 22 novembre 2013, la société ADG Amorèse Déménagements a été informée du rejet de son offre, classée en 2ème position et de l'attribution du marché à la société Rives Dicostanzo Industrie. Par un jugement du 22 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce marché, à la demande de la société ADG Amorèse Déménagements, condamné la commune d'Annecy à verser à cette société la somme de 2 723 euros au titre de son manque à gagner et mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige. La commune d'Annecy relève appel de ce jugement, et par la voie de l'appel incident, la société ADG Amorèse Déménagements demande à la cour de porter la condamnation de la commune à la somme de 3 256,11 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière.

2. Aux termes du I de l'article 53 du code des marchés publics alors en vigueur : " Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; / 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix. ". Ces dispositions permettent dans le cadre d'une procédure adaptée au pouvoir adjudicateur de tenir compte pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse, de l'expérience des candidats, et donc de leurs références portant sur l'exécution d'autres marchés, lorsque cette prise en compte est rendue objectivement nécessaire par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser et n'a pas d'effet discriminatoire.

3. Il résulte de l'instruction que pour évaluer la valeur technique, pondérée à 40 %, des offres qui lui étaient soumises, la commune d'Annecy a notamment pris en compte les références des candidats pour des prestations similaires et les a notées sur 30 points. Il ressort du rapport d'analyse des offres que la société ADG Amorèse Déménagements a obtenu 10 points à ce sous-critère, le pouvoir adjudicateur ayant estimé, sans être contredit, qu'elle disposait de " références intéressantes mais peu d'expériences de déménagements d'archives (...) ". La société attributaire qui justifiait de " nombreuses références en matière de déménagements d'archives " a, quant à elle, obtenu la note de 30/30.

4. Il ressort en particulier du dossier de consultation des entreprises, que les opérations à réaliser comprenaient outre celui du mobilier, le déménagement des fonds (linéaires, cartons d'archives et registres), de maquettes de livres, d'appareils dont des lecteurs microfiches, et divers autres équipements. Ainsi que le fait valoir la commune d'Annecy, sans être valablement contredite, ce déménagement impliquait la manutention de fonds et objets à valeur patrimoniale importante dont la perte ou la détérioration auraient constitué un préjudice irrémédiable. En outre, certains documents ou objets présentaient, par leur nature ou leur ancienneté, une fragilité particulière et leur transport nécessitait l'utilisation de matériel adapté. Par ailleurs, il appartenait au prestataire de respecter le classement et l'ordre de rangement des documents et collections, dont le volume avait été évalué à 524 m3 par la société ADG Amorèse Déménagements et à 690 m3 par la société attributaire. Ainsi, la prestation objet du marché en litige qui devait permettre de réunir en un même lieu les archives municipales jusqu'alors implantées dans deux sites distincts, présentait des spécificités et une technicité particulière. Dans ces conditions, la prise en compte de l'expérience des candidats pour l'analyse de l'offre économiquement la plus avantageuse pouvait être regardée comme rendue objectivement nécessaire par l'objet du marché, et n'avait pas d'effet discriminatoire.

5. Il en résulte que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le moyen tiré de ce que les références des candidats n'étaient pas au nombre des critères susceptibles, en l'espèce, d'être retenus pour sélectionner les offres. La société ADG Amorèse Déménagements n'ayant fait valoir aucun autre moyen tant devant le tribunal administratif de Grenoble que la cour dont cette dernière pourrait être saisie par l'effet dévolutif de l'appel, la commune d'Annecy est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le marché litigieux et l'a condamnée à verser à la société ADG Amorèse Déménagements une somme de 2 723 euros en réparation de son manque à gagner. Les conclusions d'appel incident présentées par la société ADG Amorèse Déménagements ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société ADG Amorèse Déménagements la somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Annecy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune d'Annecy, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400412 du tribunal administratif de Grenoble du 22 mars 2016 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées en première instance et en appel par la société ADG Amorèse Déménagements sont rejetées.

Article 3 : La société ADG Amorèse Déménagements versera à la commune d'Annecy la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune nouvelle d'Annecy, à la société ADG Amorèse Déménagements et à la société Rives Dicostanzo Industrie.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.

5

N° 16LY01710


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01710
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-09-27;16ly01710 ?
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