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25/09/2018 | FRANCE | N°16LY04276

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2018, 16LY04276


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Communauté urbaine du Grand Dijon a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur sa demande préalable d'indemnisation du 29 décembre 2015, de condamner l'Etat à lui payer une indemnité de 10 313 097 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601335 du 24 octo

bre 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Communauté urbaine du Grand Dijon a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur sa demande préalable d'indemnisation du 29 décembre 2015, de condamner l'Etat à lui payer une indemnité de 10 313 097 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601335 du 24 octobre 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 décembre 2016 et le 28 septembre 2017, la Communauté urbaine du Grand Dijon, représentée par la SELARL Parme Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1601335 du 24 octobre 2016 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur sa demande préalable d'indemnisation du 29 décembre 2015 ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer une indemnité de 10 313 097 euros avec intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable d'indemnisation et capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'Etat est engagée du fait de l'illégalité fautive des décisions du préfet de la Côte-d'Or des 15 mai 2012, 24 mai 2013 et 18 juin 2014 lui notifiant les montants respectifs au titre des années 2012, 2013 et 2014 de la dotation de compensation qui ont opéré sans base légale une minoration du produit de la taxe sur les surfaces commerciales perçu par l'Etat sur son territoire en 2010 et des circulaires des 15 mars 2012, 5 avril 2013 et 25 avril 2014 du ministre de l'intérieur reconduisant sans base légale au titre des trois années précitées cette minoration prévue seulement pour l'année 2011 par l'article 77 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;

- c'est à tort que les juges de première instance ont qualifié d'interprétatives les dispositions de l'article 114 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 et leur ont donné un effet rétroactif ; à supposer que ces dispositions soient rétroactives, elles doivent être écartées en l'espèce, dès lors que le législateur n'a justifié cette rétroactivité par aucun motif impérieux d'intérêt général ;

- l'application des dispositions de l'article 133 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 doit être écartée, dès lors que ces dispositions méconnaissent les stipulations du § 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que, fondées sur un motif d'ordre purement financier et qui n'est pas démontré, elles ne sont pas justifiées par un impérieux motif d'intérêt général susceptible de justifier les atteintes portées par l'Etat au droit à un procès équitable ;

- du fait de ces trois circulaires ministérielles et de ces trois décisions préfectorales, elle a subi au titre de chacune des années 2012, 2013 et 2014 un préjudice financier de 3 437 699 euros correspondant au montant du produit de la taxe sur les surfaces commerciales perçu par l'Etat sur son territoire en 2010 dont le préfet a illégalement minoré le montant de la dotation de compensation qui lui a été notifiée au titre de chacune de ces trois années.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- sont irrecevables les conclusions indemnitaires de la demande de première instance de la Communauté urbaine du Grand Dijon enregistrées le 4 mai 2016 au greffe du tribunal administratif de Dijon, dès lors que les décisions préfectorales des 15 mai 2012, 24 mai 2013 et 18 juin 2014 lui notifiant les montants respectifs au titre des années 2012, 2013 et 2014 de la dotation de compensation, qui constituent les faits générateurs des préjudices invoqués et qui comportaient la mention des voies et délais de recours, sont des décisions à objet exclusivement pécuniaire devenues définitives avant l'introduction de la demande du fait de leur notification plus de deux mois auparavant ;

- sont irrecevables ces conclusions indemnitaires, dès lors que le principe de sécurité juridique s'oppose à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle, que la Communauté urbaine du Grand Dijon a eu connaissance des décisions en litige au plus tard le 20 décembre de chaque année en cause, date du versement de la dernière mensualité de la dotation de compensation et que le délai raisonnable d'un an à compter de cette connaissance acquise pour former un recours au titre de chacune des trois années 2012, 2013 et 2014 a expiré à chaque fois avant l'introduction de la demande de première instance ;

- aucune illégalité ne peut plus être retenue par le moyen tiré de ce qu'il aurait été fait application au-delà de 2011 des dispositions du paragraphe 1.2.4.2 de l'article 77 de la loi n°2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, du fait de l'intervention de la validation législative par l'article 133 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 ;

- l'administration n'a pas commis d'illégalité fautive en minorant les dotations de compensation de la Communauté urbaine du Grand Dijon au titre des années 2012, 2013 et 2014 ;

- il n'y a pas de lien de causalité direct entre le préjudice financier allégué et l'illégalité fautive invoquée

- le préjudice financier allégué n'est pas établi.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;

- la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1.2.4.2 de l'article 77 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 : " Le montant de la compensation prévue au D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) ou de la dotation de compensation prévue à l'article L. 5211-28-1 du code général des collectivités territoriales est diminué en 2011 d'un montant égal, pour chaque collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, au produit de la taxe sur les surfaces commerciales perçu par l'État en 2010 sur le territoire de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale. " ; que selon l'article 133 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 : " Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les arrêtés préfectoraux pris au titre des exercices 2012, 2013 et 2014 constatant le prélèvement opéré sur le montant de la compensation prévue au D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) ou de la dotation de compensation prévue à l'article L. 5211-28-1 du code général des collectivités territoriales, en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de ce qu'il aurait été fait application au-delà de 2011 des dispositions du paragraphe 1.2.4.2 de l'article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 et de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015. " ;

2. Considérant, d'une part, que l'Etat ne peut, sans méconnaître les stipulations du § 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, porter atteinte au droit de toute personne à un procès équitable en prenant, au cours d'un procès, des mesures législatives à portée rétroactive dont la conséquence est la validation des décisions objet du procès, sauf lorsque l'intervention de ces mesures est justifiée par d'impérieux motifs d'intérêt général ;

3. Considérant que l'intention du législateur, lors de l'adoption de l'article 77 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, était d'assurer de manière pérenne la neutralité financière du transfert du produit de la taxe sur les surfaces commerciales ; que les dispositions de l'article 133 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 visent à remédier, pour les années 2012 à 2014, au défaut de base légale de la compensation de ce transfert révélé par la décision n° 369736 du 16 juillet 2014 du Conseil d'État statuant au contentieux ; qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu mettre un terme à l'important contentieux fondé sur la malfaçon législative révélée par la décision précitée du Conseil d'État ; qu'il a également entendu prévenir les importantes conséquences financières qui en auraient résulté pour l'État ; que, dans ces conditions, l'atteinte portée par ces dispositions au droit à un procès équitable des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ayant fait l'objet de ce mécanisme de compensation au titre des années 2012 à 2014 est justifiée par un motif impérieux d'intérêt général ; que, par suite, la Communauté urbaine du Grand Dijon n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 133 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 ne sont pas compatibles avec les stipulations du § 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant, d'autre part, que, compte tenu de l'intervention de ces dispositions législatives et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une décision de justice passée en force de chose jugée ait statué sur la légalité des décisions en litige du préfet de la Côte-d'Or des 15 mai 2012, 24 mai 2013 et 18 juin 2014 notifiant à la Communauté urbaine du Grand Dijon les montants respectifs au titre des années 2012, 2013 et 2014 de la dotation de compensation, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que ces décisions préfectorales prises au titre des années 2013 et 2014 sont désormais validées en tant qu'elles appliquent les mécanismes de diminution et de prélèvement portant sur les dotations et les recettes fiscales perçues par les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, mis en place pour compenser le transfert du produit de la taxe sur les surfaces commerciales de l'Etat à ces personnes publiques ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat du fait de l'illégalité de ces trois décisions du préfet de la Côte-d'Or lui notifiant les montants respectifs au titre des années 2012, 2013 et 2014 de la dotation de compensation minorés du produit de la taxe sur les surfaces commerciales perçu par l'Etat sur son territoire en 2010 et de l'illégalité des circulaires des 15 mars 2012, 5 avril 2013 et 25 avril 2014 du ministre de l'intérieur reconduisant ces mécanismes au titre des années 2012 à 2014 ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par le ministre de l'intérieur à la demande de première instance de la Communauté urbaine du Grand Dijon, que celle-ci n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Communauté urbaine du Grand Dijon est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Communauté urbaine du Grand Dijon et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 septembre 2018.

5

N° 16LY04276

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY04276
Date de la décision : 25/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Dispositions financières - Compensation des transferts de compétences.

Collectivités territoriales - Coopération - Finances des organismes de coopération.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Absence d'illégalité et de responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL PARME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-09-25;16ly04276 ?
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