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20/09/2018 | FRANCE | N°16LY02242

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 20 septembre 2018, 16LY02242


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite du ministre de l'éducation nationale rejetant sa demande du 4 septembre 2012 tendant à l'indemnisation de ses préjudices résultant du comportement fautif de l'administration, d'enjoindre au ministre de procéder à la reconstitution de sa carrière et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 160 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Par un jugement n° 1301979 du 27 avril 2016, le tr

ibunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à verser à M. B... une somme de 2 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite du ministre de l'éducation nationale rejetant sa demande du 4 septembre 2012 tendant à l'indemnisation de ses préjudices résultant du comportement fautif de l'administration, d'enjoindre au ministre de procéder à la reconstitution de sa carrière et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 160 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Par un jugement n° 1301979 du 27 avril 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à verser à M. B... une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2012 et de la capitalisation de ces intérêts.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er juillet 2016 et 30 janvier 2018, M. B..., représenté par la SELARL Environnement Droit Public, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 27 avril 2016 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il statue sur ses conclusions indemnitaires ;

2°) de porter la condamnation de l'Etat à la somme de 160 000 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices, outre intérêts et capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont reconnu les fautes commises par l'administration à l'occasion de sa nomination dans un collège à Alès et de l'acceptation illégale de sa démission ; c'est toutefois à tort que les premiers juges ont estimé que l'administration n'avait pas fait preuve de mauvaise volonté à son égard concernant ses demandes répétées de révision de son affectation ; l'administration a persisté dans une attitude indifférente, voire hostile à son égard ;

- l'ensemble de ces fautes a un lien de causalité direct et certain avec les préjudices qu'il a subis ;

- il a subi des préjudices matériels liés à une perte de revenus entre novembre 2004 et août 2005 pour un montant de 12 853,43 euros ainsi que la perte d'une chance sérieuse d'être titularisé dès le mois de septembre 2005 représentant une perte de traitements d'un montant de 50 662 euros ;

- il a également perdu la possibilité de percevoir les différentes primes afférentes à son poste et en particulier, celle liée au statut de professeur principal pour un montant total de 8 500 euros, celle afférente à la correction des épreuves du baccalauréat pour un montant de 3 850 euros ; il a également subi un préjudice dans le calcul de sa pension de retraite pour un montant de 40 000 euros ;

- les fautes commises par l'administration l'ont conduit à consulter un psychologue ; son préjudice lié à ces dépenses de santé doit être évalué à 810 euros ;

- enfin, il a subi des préjudices moraux liés aux conditions de son affectation à Alès et un préjudice d'établissement lié à la perte de chance de réaliser un projet familial dont le montant doit être évalué à 40 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été reportée au 1er février 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- les observations de M.B... ;

Vu la note en délibéré produite le 7 septembre 2018 pour M.B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., lauréat du concours externe du certificat d'aptitude de l'enseignement du second degré (CAPES) d'histoire-géographie de la session 2003, a été nommé en qualité de professeur certifié stagiaire dans l'académie de Montpellier à compter du 1er septembre 2004 et affecté au collège Alphonse Daudet d'Alès (34). Par un courrier du 30 octobre 2004, il a présenté sa démission que le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a acceptée par un arrêté du 29 mars 2005. M. B... a de ce fait perdu à la date de la signature de l'arrêté les droits que lui conférait le bénéfice de son admission au concours externe du CAPES d'histoire-géographique. En exécution d'un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 15 novembre 2011 annulant cet arrêté, M. B... a été réintégré en qualité de professeur certifié stagiaire à compter du 30 mars 2005 et affecté dans l'académie de Lyon à compter du 1er septembre 2012. Après le rejet implicite par l'administration de sa demande indemnitaire présentée le 4 septembre 2012, M. B... a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant notamment à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 160 000 euros, outre intérêts et capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices matériels et moraux qu'il estime avoir subis du fait des fautes commises par l'administration à l'occasion de sa première affectation ainsi que de l'illégalité fautive de la décision tardive d'acceptation de sa démission censurée par la cour de Marseille. M. B... relève appel du jugement du 27 avril 2016 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il limite la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2012 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation de son préjudice moral résultant de la faute commise par l'administration à l'avoir informé tardivement de son affectation à Alès.

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. B..., après avoir bénéficié d'un report de stage jusqu'à la rentrée scolaire 2004-2005, n'a été informé de sa première affectation au collège Alphonse Daudet d'Alès, que le 26 août 2004, alors qu'il résidait à Saint-Etienne (42). Le 19 septembre 2004, il a adressé au ministre de l'éducation nationale une demande de révision de son affectation pour " raisons de santé ", sans obtenir de réponse expresse. S'il soutient qu'il a réitéré sa démarche le 21 octobre 2004, soit quelques jours seulement avant de présenter sa démission, et que la seule explication à sa décision " réside dans les mises en demeure et injonction de démissionner " qu'il aurait reçues, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, la réalité des pressions qui auraient été exercées à son encontre pour qu'il démissionne. M. B... n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la responsabilité de l'Etat sur ce point.

3. En deuxième lieu, M. B... soutient que l'acceptation illégale de sa démission l'a privé de la possibilité de terminer sa période de stage et lui a causé un préjudice matériel qu'il estime à 12 853,43 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction, que placé en congé de maladie du 1er septembre au 31 octobre 2004, M. B... ne s'est pas présenté à son poste et n'a pas assuré ses fonctions d'enseignant du second degré postérieurement à cette date, et ce, alors que sa démission n'avait pas été acceptée. Il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé aurait sollicité une prolongation de son congé de maladie pour la période postérieure au 31 octobre 2004. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préjudice matériel dont il se prévaut résulterait de la faute commise par l'administration à avoir tardivement accepté sa démission.

4. En troisième lieu, M. B..., en sa qualité de stagiaire, ne peut se prévaloir d'aucun droit à titularisation. Cette circonstance ne fait toutefois pas à elle seule obstacle à l'indemnisation d'un préjudice s'il est établi que l'illégalité fautive commise par l'administration a privé l'agent d'une chance sérieuse d'être titularisé. L'appelant soutient que, suite à sa réintégration au 1er septembre 2012 en qualité de professeur certifié stagiaire dans l'académie de Lyon, il a été titularisé l'année suivante. Toutefois, cette circonstance n'est pas à elle seule de nature à établir qu'il aurait perdu une chance sérieuse d'être titularisé dès le 1er septembre 2005 à l'issue de son stage. En outre, et ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Lyon, s'il produit des attestations faisant état de son parcours universitaire et des appréciations favorables de ses supérieurs à l'occasion de missions ponctuelles réalisées en 2006 en tant qu'aide à l'économat dans un lycée hôtelier du département de la Loire et professeur d'histoire-géographie remplaçant dans un collège privé de Saint-Etienne pendant une semaine, ces pièces ne sont pas suffisantes à démontrer que M. B... aurait réuni toutes les aptitudes nécessaires à sa titularisation en qualité de professeur certifié du second degré à l'issue de son premier stage. Il en résulte que M. B... ne peut prétendre à une indemnisation liée à une perte de revenu, ni, en tout état de cause, à une perte de prime de professeur principal ou de correction de copies du baccalauréat, ni davantage à une indemnisation liée à une diminution de ses droits à pension de retraite.

5. En quatrième lieu, M. B..., qui n'établit pas que la psychothérapie qu'il suit depuis février 2015, à raison de deux séances par semaine, trouverait son origine dans les fautes commises par l'administration dix ans plus tôt, ne peut prétendre au remboursement des dépenses de santé qu'il a engagées au cours des années 2015 et 2016.

6. En cinquième lieu, le tribunal administratif de Lyon, sans être contesté sur ce point par le ministre de l'éducation nationale, a considéré que la prise de poste de M. B... à Alès avait provoqué une aggravation de ses troubles anxio-dépressifs antérieurs. Les premiers juges ont condamné l'Etat à verser à l'intéressé une somme de 2 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation de son préjudice moral résultant de l'information tardive concernant le lieu de sa première affectation. Si M. B... soutient que son préjudice doit être évalué à 10 000 euros, il n'apporte, devant la cour, aucun élément de nature à remettre en cause la juste appréciation des premiers juges.

7. En dernier lieu, M. B... se prévaut pour la première fois en appel d'un préjudice d'établissement résultant de la perte de chance de réaliser un projet familial. Il n'établit toutefois pas que ce préjudice trouverait sa cause directe et certaine dans des fautes commises par l'administration.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a, par son jugement du 27 avril 2016, limité la condamnation de l'Etat à une somme de 2 000 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation de son préjudice moral. Ses conclusions présentées au titre des frais liés au litige doivent, par conséquent, être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 30 août 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 septembre 2018.

5

N° 16LY02242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02242
Date de la décision : 20/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Effets des annulations - Reconstitution de carrière.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SARL ENVIRONNEMENT DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-09-20;16ly02242 ?
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