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30/08/2018 | FRANCE | N°17LY01833

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 30 août 2018, 17LY01833


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la restitution des contributions sociales qu'ils ont acquittées à la suite de la vente, le 20 décembre 2013, d'un bien immobilier dont ils étaient propriétaires à Dieulefit.

Par un jugement n° 1601132 du 16 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance et mis une somme de 1 200 euros à la c

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la restitution des contributions sociales qu'ils ont acquittées à la suite de la vente, le 20 décembre 2013, d'un bien immobilier dont ils étaient propriétaires à Dieulefit.

Par un jugement n° 1601132 du 16 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance et mis une somme de 1 200 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a, par l'article 3 de son jugement, rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 mai 2017, M. et Mme B..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 mars 2017 ;

2°) de prononcer la décharge du prélèvement de solidarité laissé à leur charge pour un montant de 2 412 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en application du principe de l'unicité de la législation de sécurité sociale, le prélèvement social de 2 % ne saurait être mis à la charge d'un non-résident français assujetti à un régime de sécurité sociale étranger ;

- il est indispensable que la Cour de justice de l'Union européenne soit interrogée sur cette question ;

- les prestations financées par ce prélèvement se rattachent aux branches de sécurité sociale visées à l'article 3 du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 11 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

-le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 ;

- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ;

- la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 ;

- l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 28 mai 1974, Odette Callemeyn contre Etat belge (187/73) ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre de Ruyter (C-623/13) ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... qui résident aux Pays-Bas ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la restitution des contributions sociales qu'ils ont acquittées à la suite de la vente, le 20 décembre 2013, d'un bien immobilier dont ils étaient propriétaires à Dieulefit. Ils relèvent appel du jugement en date du 16 mars 2017 de ce tribunal, en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge du prélèvement de solidarité, au titre de 2013, prévu à l'article 1600-0 S du code général des impôts resté à leur charge après les dégrèvements intervenus en cours d'instance.

2. Aux termes de l'article 1600-0 S du code général des impôts : " I. - Il est institué : / 1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; / 2° Un prélèvement de solidarité sur les produits de placement mentionnés à l'article L. 136-7 du même code. / (...) / III. - Le taux des prélèvements de solidarité mentionnés au I est fixé à 2 % (...) ". Dans sa rédaction antérieure à celle applicable à compter du 1er janvier 2015 résultant de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, le IV du même article prévoyait que le produit de ces prélèvements de solidarité était affecté, pour partie, " au fonds mentionné à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles ", pour partie " au fonds mentionné à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation " et enfin, pour partie, " au fonds mentionné à l'article L. 5423-24 du code du travail ".

3. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, du règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 : " Le présent règlement s'applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent : / a) les prestations de maladie ; / b) les prestations de maternité et de paternité assimilées ; / c) les prestations d'invalidité ; / d) les prestations de vieillesse ; / e) les prestations de survivant ; / f) les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles ; / g) les allocations de décès ; / h) les prestations de chômage ; / i) les prestations de préretraite ; / j) les prestations familiales ". Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Le présent règlement s'applique également aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l'article 70 ". Aux termes de l'article 70 du même règlement : " 1. Le présent article s'applique aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif relevant d'une législation qui, de par son champ d'application personnel, ses objectifs et/ou ses conditions d'éligibilité, possède les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale visée à l'article 3, paragraphe 1, et d'une assistance sociale. / 2. Aux fins du présent chapitre, on entend par "prestations spéciales en espèces à caractère non contributif" les prestations / a) qui sont destinées : / i) soit à couvrir à titre complémentaire, subsidiaire ou de remplacement, les risques correspondant aux branches de sécurité sociale visées à l'article 3, paragraphe 1, et à garantir aux intéressés un revenu minimum de subsistance eu égard à l'environnement économique et social dans l'État membre concerné ; / ii) soit uniquement à assurer la protection spécifique des personnes handicapées, étroitement liées à l'environnement social de ces personnes dans l'État membre concerné ; / et / b) qui sont financées exclusivement par des contributions fiscales obligatoires destinées à couvrir des dépenses publiques générales et dont les conditions d'attribution et modalités de calcul ne sont pas fonction d'une quelconque contribution pour ce qui concerne leurs bénéficiaires. Les prestations versées à titre de complément d'une prestation contributive ne sont toutefois pas considérées, pour ce seul motif, comme des prestations contributives ; / et / c) qui sont énumérées à l'annexe X ".

4. En premier lieu, en vertu de l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015, le fonds national d'aide au logement finance l'aide personnalisée au logement, la prime de déménagement prévue à l'article L. 351-5 du même code et les dépenses de gestion qui s'y rapportent, les dépenses du conseil national de l'habitat ainsi que l'allocation de logement relevant du titre III du livre VIII du code de la sécurité sociale et les dépenses de gestion qui s'y rapportent. Les prestations financées par le fonds national d'aide au logement ne relèvent d'aucune des branches de sécurité sociale au sens de l'article 3, paragraphe 1, du règlement du 29 avril 2004. En particulier, elles ne relèvent pas de la branche qui concerne les " prestations familiales " au sens du z) de l'article 1er du règlement, dès lors qu'elles ne sont pas " destinées à compenser les charges de famille ".

5. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015, le fonds national des solidarités actives finance une part du revenu de solidarité active. D'une part, le revenu de solidarité active constitue une prestation non contributive relevant de l'assistance sociale. En effet, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du 28 mai 1974, Odette Callemeyn contre Etat belge (187/73), qu'une prestation relève de l'assistance sociale pour l'application de ce règlement " notamment lorsqu'elle retient le besoin comme critère essentiel d'application et fait abstraction de toute exigence relative à des périodes d'activité professionnelle, d'affiliation ou de cotisation ". Or, en application de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, a droit au revenu de solidarité active (...) ". D'autre part, alors même qu'il posséderait également les caractéristiques d'une législation en matière de sécurité sociale visée à l'article 3, paragraphe 1, du règlement du 29 avril 2004, le revenu de solidarité active n'est, en tout état de cause, pas mentionné à l'annexe X de ce règlement du 29 avril 2004 qui liste les branches de sécurité sociale auxquelles il s'applique.

6. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 5423-24 du code du travail, le fonds de solidarité gère les moyens de financement de l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 5423-1, de l'allocation équivalent retraite prévue à l'article L. 5423-18, de la prime forfaitaire prévue à l'article L. 5425-3 et de l'aide prévue au II de l'article 136 de la loi du 30 décembre 1996 de finances pour 1997. En application de l'article L. 5423-1 du même code : " Ont droit à une allocation de solidarité spécifique les travailleurs privés d'emploi qui ont épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance ou à l'allocation de fin de formation prévue par l'article L. 5423-7 et qui satisfont à des conditions d'activité antérieure et de ressources ". Aux termes de l'article L. 5423-18 du même code, abrogé à compter du 1er janvier 2009 et dont les dispositions sont restées applicables aux bénéficiaires de l'allocation à cette date : " Ont droit à une allocation équivalent retraite, sous conditions de ressources, les demandeurs d'emploi qui justifient, avant l'âge de soixante ans, de la durée de cotisation à l'assurance vieillesse, définie au deuxième alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, requise pour l'ouverture du droit à une pension de vieillesse à taux plein, validée dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ainsi que de celle des périodes reconnues équivalentes ". Aux termes de l'article L. 5423-19 du même code, dans cette même rédaction : " L'allocation équivalent retraite se substitue, pour leurs titulaires, à l'allocation de solidarité spécifique ou à l'allocation de revenu minimum d'insertion prévue à l'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles. / L'allocation équivalent retraite prend la suite de l'allocation d'assurance pour ceux qui ont épuisé leurs droits à cette allocation. / Elle peut également compléter l'allocation d'assurance lorsque cette allocation ne permet pas d'assurer à son bénéficiaire un total de ressources égal à celui prévu à l'article L. 5423-20 ". Aux termes de l'article L. 5425-3 du même code : " Le bénéficiaire de l'allocation de solidarité spécifique qui reprend une activité professionnelle a droit à une prime forfaitaire ". Aux termes du II de l'article 136 de la loi du 30 décembre 1996 de finances pour 1997 : " Les personnes admises au bénéfice des dispositions de l'article L. 351-24 du code du travail qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 351-10 du même code reçoivent une aide de l'Etat d'un montant égal à celui de l'allocation de solidarité spécifique à taux plein. / Cette aide est versée mensuellement, pour une durée de six mois, à compter de la date de création ou de la reprise d'entreprise ".

7. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 5423-1 du code du travail que l'allocation de solidarité spécifique, dont les bénéficiaires ont épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance chômage et bénéficient de cette allocation au titre d'un régime de solidarité pour les travailleurs involontairement privés d'emploi, n'est pas une " prestation de chômage " au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous h) du règlement du 29 avril 2004. Il en va de même pour l'allocation équivalent retraite qui, en vertu de l'article L. 5423-19 du code du travail, soit se substitue à l'allocation de solidarité spécifique ou au revenu minimum d'insertion devenu revenu de solidarité active, soit complète l'allocation d'assurance chômage lorsque celle-ci ne permet pas d'assurer à son bénéficiaire un minimum de ressources. Il en va également de même pour les deux autres prestations financées par le fonds de solidarité, qui sont versées, sous certaines conditions, aux personnes bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique qui reprennent une activité salariée ou non salariée ou reprennent ou créent une entreprise. D'autre part, à supposer que ces prestations spéciales à caractère non contributif financées par le fonds de solidarité entrent dans le champ défini au paragraphe 1 de l'article 70 du règlement du 29 avril 2004, elles ne sont en tout état de cause pas énumérées à l'annexe X de ce règlement qui liste les branches de sécurité sociale auxquelles il s'applique.

8. Il résulte de ce qui précède qu'aucune des prestations financées par les trois fonds mentionnés au point 2 auxquels est spécifiquement affecté le prélèvement de solidarité prévu à l'article 1600-0 S du code général des impôts dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015 n'entre dans le champ d'application du règlement du 29 avril 2004. Spécifiquement affecté au financement de prestations qui ne relèvent pas de l'article 3 du règlement du 29 avril 2004, le prélèvement de solidarité prévu par l'article L. 1600-0 S du code général des impôts n'entre pas lui-même dans le champ d'application de ce règlement. Dès lors, les appelants ne peuvent utilement invoquer, pour demander à être déchargés d'un prélèvement qui ne relève pas du champ d'application de ce règlement, le principe d'unicité des législations de sécurité sociale prévu par l'article 11 du même règlement. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a maintenu ce prélèvement.

9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de leur demande. Leur requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme D... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 10 juillet 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 30 août 2018.

2

N° 17LY01833


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01833
Date de la décision : 30/08/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Politique sociale.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : WIBAUT FRANÇOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-08-30;17ly01833 ?
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