Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Bouygues Travaux publics Régions France a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant principalement à l'annulation du marché passé par le département de l'Isère avec le groupement solidaire dont le mandataire est la société GTM TP Lyon pour la démolition et la reconstruction du pont de l'Izeron et à la condamnation du département à lui verser la somme de 2 165 654 euros, outre les intérêts de retard, en indemnisation du préjudice né de son éviction illégale de ce marché ou, à titre subsidiaire, la somme de 110 088 euros au titre des frais d'établissement de son offre.
Par le jugement n° 1300256 du 22 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 mai, 11 août et 21 novembre 2016, la société Bouygues Travaux publics Régions France, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) avant dire droit, et si nécessaire, de désigner un expert afin d'évaluer le montant de son manque à gagner ;
2°) d'annuler ce jugement du 22 mars 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;
3°) d'annuler le marché dont la validité est contestée ;
4°) de condamner le département de l'Isère à lui verser la somme de 3 325 390 euros (HT) assortie des intérêts de retard capitalisés, à compter de la réception de la réclamation préalable ;
5°) de mettre à la charge du département de l'Isère la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Bouygues Travaux publics Régions France soutient que :
- le jugement est irrégulier car si les mémoires produits ont été visés, ils n'ont pas été correctement et exhaustivement analysés ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions aux fins d'injonction au département de produire des documents relatifs au marché en litige ; la production du barème de notation des critères de jugement des offres était utile à la solution du litige ; le tribunal administratif a, de ce fait, manqué à l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure ;
- le tribunal administratif a rejeté les conclusions aux fins d'annulation du marché litigieux au prix de nombreuses erreurs : si le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu de communiquer aux candidats la méthode de notation des offres, il doit communiquer au candidat dont l'offre a été rejetée l'élément de notation qu'il a retenu ; le tribunal administratif aurait dû tirer les conséquences qui s'imposaient de la non-communication, en cours de procédure, des méthodes ou barèmes de notation ;
- l'appréciation de son offre est entachée de nombreuses erreurs :
- en ce qui concerne la note qui lui a été attribuée au titre du sous-critère " Méthodologie " pondéré à 60 %, c'est à tort que le jugement a retenu, pour l'installation de la base vie et des accès au chantier, que son offre présentait des garanties insuffisantes de sécurité pour l'établissement voisin et un plan de circulation peu fonctionnel et en partie implanté hors des emprises que maîtrisait le département ; le dossier de consultation des entreprises ne permettait pas de penser que le plan fourni pour ces installations n'était pas impératif ; c'est également à tort que le jugement a retenu que son offre se contentait d'une description générale et peu détaillée des superstructures, dispositifs d'assainissement de l'ouvrage, couche de roulement, équipements de la culée, tabliers et accès aux appuis ;
- en ce qui concerne la note qui lui a été attribuée au titre du sous-critère " Planning des travaux et avancement des tâches " pondéré à 20 %, c'est à tort que le jugement a retenu que le département n'avait commis aucune erreur manifeste d'appréciation alors que le délai de séchage du béton est résiduel sur un planning de 24 mois et que ce délai aurait pu être allongé sans remettre en cause celui des autres tâches ou le planning général ;
- en ce qui concerne la note qui lui a été attribuée au titre du sous-critère " Pertinence de l'organisation de l'approvisionnement et des matériaux " pondéré à 20 %, le département avait seulement demandé une liste d'ouvrages réalisés avec le ou les fournisseurs envisagés, obligation qu'elle a respectée contrairement à ce qu'a retenu le jugement attaqué ;
- c'est également à tort que le tribunal a considéré que la longueur des voussoirs ne modifiait pas le parti architectural, alors qu'ils en sont un élément déterminant ; c'est aussi à tort qu'il a retenu que l'offre retenue constituait " une variante " ; le tribunal administratif aurait dû juger que le groupement retenu avait présenté une offre irrégulière et annuler le marché, compte tenu de la gravité de ce vice ;
- elle entend maintenir l'ensemble de ses moyens présentés en première instance : la barème de notation a été irrégulièrement déterminé après la date limite de remise des offres, il était irrégulier en ce qu'il a conduit au choix de l'offre qui n'était pas économiquement la plus avantageuse, le département a attribué le marché à un candidat qui avait présenté une offre irrégulière, chacune de ces irrégularités affecte la validité du marché ;
- l'élimination du groupement dont le mandataire est GTM TP Lyon aurait nécessairement conduit au choix de son offre puisqu'elle était classée deuxième, avec seulement 1,14 point de moins que l'offre retenue ;
- les pièces qu'elle a produites en première instance démontrent la perte occasionnée par son éviction irrégulière, tant pour la non-couverture de frais généraux, la perte de bénéfice que les frais d'établissement de son offre ; la cour pourrait aussi désigner un expert pour chiffrer son manque à gagner.
Par des mémoires en défense enregistrés les 25 juillet et 26 octobre 2016, le département de l'Isère, représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) de rejeter la demande d'expertise ;
2°) à titre principal, de rejeter la requête et de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
3°) à titre subsidiaire, de rejeter la demande d'annulation du contrat et la demande d'indemnisation ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, si le contrat était annulé, de rejeter la demande indemnitaire ;
5°) à titre plus qu'infiniment subsidiaire, de limiter le montant de l'indemnité à verser à la société à la somme de 51 924,61 euros correspondant à un bénéfice net de 0,39 % ;
6°) de mettre à la charge de la société requérante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le département de l'Isère fait valoir que :
- le jugement n'est pas irrégulier ;
- les documents communicables l'ont été ; pour le reste, il n'appartient pas au juge du contrat de délivrer des injonctions de communication ;
- aucun élément du dossier ne permet de soutenir utilement que les méthodes de notation des critères et sous-critères ont été arrêtées après la date limite de remise des offres ;
- c'est à la société de démontrer que la procédure est irrégulière ;
- la méthode ou les barèmes de notation sont neutres et sans incidence sur la construction des offres, raisons pour lesquelles ils n'ont pas à être communiqués aux candidats et ne sont pas contrôlés par le juge administratif ;
- l'analyse du tribunal administratif devra être confirmée : pour l'appréciation du sous-critère portant sur la localisation des bases de vie et des accès au chantier, l'offre de la société ne pouvait se voir attribuer une note supérieure à celle qu'elle a obtenue ; pour les superstructures et équipements, la société reconnaît qu'elle a présenté une offre peu détaillée sur certains points ; en tout état de cause, il n'est pas démontré que la commission d'appel d'offres a fait une analyse erronée ; sur le planning, l'offre n'était pas conforme aux règles techniques applicables à ce type d'opération ; pour la pertinence de l'organisation de l'approvisionnement et des matériaux, la requérante ne pouvait obtenir une meilleure note ;
- le fait de proposer une longueur de voussoirs différente de celle figurant dans l'un des plans du DCE n'est pas de nature à porter atteinte au parti architectural général ; le seul élément présenté comme intangible dans le DCE était la position de la tête de paroi clouée présente à l'aval ; la procédure appliquée n'était en rien irrégulière ;
- la demande d'appel opérée par simple renvoi aux moyens déjà soulevés devant les premiers juges est irrecevable ;
- la demande de première instance est infondée : la procédure suivie a été régulière, aucun des vices susceptibles d'être retenus ne pourrait justifier l'annulation du contrat ;
- aucune indemnisation ne pourrait donc être accordée à la société requérante ; celle-ci ne démontre pas qu'elle aurait pu obtenir la note maximale de manière systématique ;
- une mesure d'expertise avant-dire droit est inutile ;
- les postes de la demande de réparation sont erronés et aucune justification n'était apportée quant aux préjudices dont il était demandé réparation, qu'il s'agisse de la non-couverture des frais généraux (1 759 924 euros HT), du bénéfice net (3 %), des frais d'établissement de l'offre ; si la cour devait considérer que la société avait une chance sérieuse d'emporter le marché, l'indemnisation devrait être limitée à la somme de 51 924,61 euros, correspondant à un bénéfice net de 0,39 %.
Un mémoire produit par le département de l'Isère, enregistré le 10 avril 2017, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gondouin,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
- et les observations de Me B...représentant de la société Bouygues Travaux Publics Régions France et de Me D... représentant du département de l'Isère ;
Une note en délibéré produite pour la société Bouygues Travaux Publics Régions France a été enregistrée le 15 juin 2018 ;
1. Considérant que, le 25 mai 2012, le département de l'Isère a engagé une procédure d'appel d'offres ouvert pour l'attribution du marché de démolition et reconstruction du pont de l'Izeron ; qu'à l'issue de la procédure, au cours de laquelle cinq offres ont été analysées, la commission d'appel d'offres a classé première celle présentée par un groupement solidaire dont le mandataire est la société GTM TP Lyon ; que la société Bouygues Travaux publics Régions France a été informée du rejet de son offre le 31 octobre 2012 ; qu'elle a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation du marché passé le 15 novembre 2012 entre le département de l'Isère et le groupement d'entreprises retenu et, d'autre part, à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi ; qu'elle relève appel du jugement du 22 mars 2016 qui a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, que la société requérante se borne à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier faute d'avoir correctement et exhaustivement analysé ses mémoires ; que la société qui reconnaît que tous ses mémoires ont été visés, ne précise pas quelles conclusions ou quels moyens le jugement aurait oublié de viser et d'analyser ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
3. Considérant, en second lieu, qu'il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, d'ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis, et notamment de requérir des parties ainsi que, le cas échéant, de tiers, en particulier des administrations compétentes, la communication des documents qui lui permettent de vérifier les allégations des requérants et d'établir sa conviction ;
4. Considérant que, selon la société requérante, en refusant d'enjoindre au département de l'Isère de produire le barème de notation des critères de jugement des offres qui était utile à la solution du litige, le tribunal administratif a manqué à l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure ; qu'il résulte de l'instruction que les pièces figurant dans le dossier, en particulier le règlement de la consultation où figurent les critères ainsi que les sous-critères de jugement des offres et leur pondération, le cadre du mémoire technique joint au dossier de consultation, la lettre du 31 octobre 2012 par laquelle la société requérante a été informée du rejet de son offre et le rapport d'analyse des offres permettaient de comprendre la méthode suivie pour l'évaluation de chacune des offres ; que la mesure d'instruction demandée n'était pas nécessaire, ni même utile, à la solution du litige soumis au tribunal administratif ; que celui-ci n'a, dès lors, et alors même qu'il aurait estimé être saisi de conclusions à fin d'injonction, pas méconnu son office en s'abstenant de demander au département de l'Isère de produire certains documents dont la société requérante demandait la communication ;
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Considérant que tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant le juge du contrat, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant de demandes indemnitaires ; que la société Bouygues Travaux publics Régions France a demandé l'annulation du contrat passé entre le département de l'Isère et le groupement dont la société GTM TP Lyon est mandataire et assorti cette demande de conclusions indemnitaires ;
En ce qui concerne les conclusions en annulation :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe III de l'article 53 du code des marchés publics dans sa rédaction alors applicable : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées " ; que le département de l'Isère avait jugé conformes à ses attentes aussi bien l'offre de la société requérante qui proposait des voussoirs d'une longueur de 4,40 m que celle du titulaire du marché qui proposait des voussoirs d'une longueur de 3,60 m ; que la société requérante soutient que l'offre du groupement attributaire du marché était irrégulière et aurait dû être écartée ;
7. Considérant que, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que les pièces du DCE n'autorisaient pour le tablier du futur pont, comme la société requérante le soutient, que des voussoirs de 2,20 m ou des multiples de ce chiffre ; que, d'autre part, l'article 2.2.1. du règlement de la consultation autorisait les candidats à présenter une offre comportant des variantes, conformément à l'article 50 du code des marchés publics ; que cet article précisait toutefois que : " l'attention des candidats est également attirée sur le caractère intangible de la position de la tête de la paroi clouée présente à l'aval. / Toute variante modifiant l'aspect général et le parti architectural de l'ouvrage ne sera pas retenue " ; qu'en l'espèce, la dimension des voussoirs retenue par le groupement attributaire du marché n'a pas modifié la position de la tête de la paroi clouée ni davantage porté atteinte à l'aspect général ou au parti architectural du projet ; qu'il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'offre du groupement attributaire du marché aurait dû être éliminée comme irrégulière ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 53 du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur: " I.-Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché " ;
9. Considérant que si, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, le pouvoir adjudicateur a l'obligation d'indiquer dans les documents de la consultation les critères d'attribution du marché et leurs conditions de mise en oeuvre, il n'est en revanche pas tenu d'informer à ce stade les candidats de la méthode de notation des offres ;
10. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le règlement de la consultation du marché litigieux exposait le critère de jugement des offres ainsi que leur pondération ; que le critère du prix des prestations représentait 60 % de la note totale, celui de la valeur technique 30 % et celui de la performance en matière de protection de l'environnement 10 % ; que le même document précisait que la valeur technique, notée sur 20, serait appréciée au vu des éléments contenus dans le mémoire technique dont le cadre était joint au dossier de consultation ; que ce critère de la valeur technique était lui-même composé de quatre sous-critères : " - pertinence de la méthodologie retenue pour la réalisation de l'ouvrage (notée sur 20) pondération 60 %, - pertinence du planning des travaux et de l'ordonnancement des tâches (notée sur 20) : pondération 20 %, - pertinence du plan d'assurance qualité appliqué sur le chantier (notée sur 20) : pondération 10 %, - pertinence de l'organisation de l'approvisionnement des matériaux (notée sur 20) : pondération 10 % " ; que le règlement de la consultation précisait aussi que " la performance en matière de protection de l'environnement notée sur 20, serait appréciée au vu de la présentation des dispositions mises en oeuvre sur le chantier pour la protection de l'environnement, dans le mémoire environnemental dont le cadre est joint au dossier de consultation : pertinence des dispositions mises en oeuvre sur le chantier pour la protection de la ressource en eau : protection de la zone de captage de la source du Perron, des eaux souterraines et de l'Isère " ; que les critères ainsi que les sous-critères et leur pondération étaient donc indiqués dans les documents de la consultation comme le prévoyait le paragraphe II de l'article 53 du code des marchés publics alors applicable ;
11. Considérant, d'autre part, que si la société Bouygues Travaux publics Régions France soutient que la méthode de notation n'a été arrêtée que le 25 juillet 2012, après la date limite de remise des offres fixée au 20 juillet, le document intitulé " méthodes de notation des critères de jugement des offres ", auquel elle fait référence, était destiné à la commission d'appel d'offres et non aux candidats à l'attribution du marché qui, comme il a été dit au point 10, connaissaient les critères et sous-critères ainsi que leur pondération ; que, comme il a été rappelé au point 9, le département de l'Isère n'était pas tenu d'informer préalablement les candidats de la méthode de notation des offres ;
12. Considérant, enfin, que par courrier du 31 octobre 2012, le département de l'Isère a informé la société Bouygues Travaux publics Régions France du rejet de son offre, des notes qu'elle avait obtenues et des motifs justifiant l'attribution de notes inférieures à celles du groupement attributaire du marché ; que la société requérante a reçu du département de l'Isère, par courrier du 8 novembre 2012, les notes obtenues par l'attributaire du marché et les motifs des notations retenues sur le critère et sous-critères de la valeur technique ; qu'elle a pu également disposer du rapport d'analyse des offres destiné au président et aux membres de la commission d'appel d'offres ; que, dès lors, elle n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur doit communiquer au candidat dont l'offre a été rejetée l'élément de notation qu'il a retenu et que le tribunal administratif aurait dû tirer les conséquences qui s'imposaient de la non-communication en cours de procédure, des méthodes ou barèmes de notation ;
13. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société requérante a obtenu la note globale de 18,65 / 20, alors que l'attributaire du marché a obtenu celle de 19,79 / 20 ; que, pour le critère performance en matière d'environnement, elle a obtenu 2 / 2, pour celui du prix 12 / 12 et pour le critère valeur technique 4,65 / 6 ; qu'elle conteste les notes qui lui ont été attribuées au titre des sous-critères " Méthodologie ", " Planning des travaux et avancement des tâches " et " Pertinence de l'organisation de l'approvisionnement et des matériaux " de ce critère valeur technique ;
14. Considérant, d'une part, que la société Bouygues Travaux publics Régions France conteste la note de 9 / 12 qui lui a été attribuée au titre du sous-critère " Méthodologie " pondéré à 60 % ; que, dans sa lettre du 31 octobre 2012, le département a précisé à la société que " La méthodologie présentée pour la réalisation de l'ouvrage a été jugée très pertinente sauf pour la proposition relative aux installations de chantier en rive droite jugée peu satisfaisante et celle concernant les superstructures qui s'avère très incomplète " ;
15. Considérant que, s'agissant plus précisément des accès au chantier en rive droite, le rapport d'analyse des offres mentionne que " les accès au chantier prévus comprennent un entrecroisement perpendiculaire entre la circulation du chantier et celle du domaine du Perron, dans l'allée bordée d'arbres. Cette disposition, non négociée avec l'établissement, pourrait s'avérer accidentogène. La piste d'accès est en dehors des emprises délimitées par les plans du DCE (Dossier de consultation des entreprises) " ; que le livret n° 1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), figurant au DCE, stipulait que " les zones mises à disposition de l'entrepreneur et qui pourraient être utilisées par celui-ci pour les installations de chantier sont indiquées dans le dossier de plans du présent marché. Les zones prévues comprennent sommairement : en rive droite, une partie du parc de la maison du Perron, en rive gauche, la plateforme de la RD 32 s'étendant entre l'ouvrage et le carrefour existant. " ; que le CCTP signalait également, au titre des contraintes existantes, que la Maison du Perron, située en rive droite, est un établissement public social et médico-social et stipulait, pour les conditions d'accès au site, " les accès de chantier pourront se faire par les deux extrémités du projet, à savoir côté Saint-Sauveur (rive gauche) et côté Izeron (rive droite) " ; que, pour les travaux à proximité de la maison du Perron en rive droite, il stipulait : " Le chantier ainsi que les zones d'installation du chantier, devront être entièrement fermés par une clôture définie au marché sous la dénomination " clôture type Perron ". Cette clôture fixée au sol devra permettre d'éviter l'intrusion de toute personne étrangère au chantier tout en permettant aux personnes étrangères au service de voir les travaux " ; qu'en outre, le dossier de plans du marché visé par le CCTP indiquait les emprises foncières que maîtrisait le département de l'Isère ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en retenant que la proposition de la société requérante n'était pas entièrement satisfaisante pour les conditions d'accès au chantier en rive droite, le département de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
16. Considérant que, s'agissant des superstructures, le cadre du mémoire technique figurant dans le DCE énonçait au titre des informations à donner pour l'exécution de l'ouvrage - méthodologie : " Réalisation des superstructures et équipements : fourniture et mise en oeuvre de l'étanchéité, de la couche de roulement, des équipements de rive de l'ouvrage (BN4 et leurs habillages, garde-corps sur culées), de l'assainissement, des équipements dans les culées, le tablier et les accès aux appuis " ; que le rapport d'analyse des offres a relevé que " les propositions faites sur les superstructures sont très incomplètes (pas de présentation du dispositif d'assainissement, ni de la couche de roulement, ni des équipements de la culée du tablier et des accès aux appuis) " ; qu'il résulte de l'extrait de l'offre de la société requérante, produit par le département de l'Isère, que les éléments relevés par le département comme manquants ne figuraient effectivement pas dans le dossier ; que la société requérante qui reconnaît qu'elle n'a pas jugé opportun d'insister sur des éléments standards, n'est dès lors pas fondée à soutenir que le département de l'Isère a commis sur ce point une erreur manifeste d'appréciation ;
17. Considérant, d'autre part, que la société Bouygues Travaux publics Régions France conteste la note de 3 / 4 qui lui a été attribuée au titre du sous-critère " Planning des travaux et avancement des tâches " pondéré à 20 % ; que, dans sa lettre du 31 octobre 2012, le département de l'Isère a précisé à la société : " le planning des travaux présenté a été jugé très précis et très pertinent alors que l'ordonnancement des tâches a été jugé moyennement pertinent en raison du délai insuffisant entre le bétonnage des clavages du hourdis préfabriqué et la pose de l'étanchéité " ; que le rapport d'analyse des offres a également relevé que " le délai entre la fin du bétonnage des clavages du hourdis préfabriqué et la pose de l'étanchéité est d'une semaine, délai non adapté à l'agrément technique de mise en oeuvre de l'étanchéité " ; que la société requérante soutient que le délai de séchage du béton est résiduel sur un planning de 24 mois et que ce délai aurait pu être augmenté sans remettre en cause celui des autres tâches ou le planning général ; que, toutefois, et comme l'ont relevé les premiers juges, le département de l'Isère a noté l'offre telle qu'elle a été présentée et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en jugeant qu'elle ne pouvait pas recevoir la note maximale ;
18. Considérant, enfin, que la société Bouygues Travaux publics Régions France conteste la note de 1,5 / 2 qui lui a été attribuée au titre du sous-critère " Pertinence de l'organisation de l'approvisionnement et des matériaux " pondéré à 20 % ; que, dans sa lettre du 31 octobre 2012, le département de l'Isère a précisé à la société requérante que " seule une liste de fournisseurs a été fournie pour l'acier de charpente et aucun n'a nommément été désigné pour la charpente métallique " ; que l'analyse des offres relève également ces mêmes insuffisances alors que le cadre du mémoire technique figurant dans le DCE mentionnait, s'agissant de la provenance des matériaux : " Il sera en particulier indiqué la provenance de : la charpente métallique, le béton, la précontrainte. Pour la charpente, les bétons et la précontrainte, il sera indiqué les agréments obtenus et une liste d'ouvrages réalisés avec le ou les fournisseurs envisagés " ; que, dès lors, et comme l'ont relevé les premiers juges, le département de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en jugeant que la société requérante ne méritait pas la note maximale ;
19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Bouygues Travaux publics Région France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du marché passé par le département de l'Isère avec le groupement dont la société GTM TP Lyon est mandataire ;
En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :
20. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; que, dans le cas où l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle a droit à l'indemnisation du manque à gagner qu'elle a subi ;
21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Bouygues Travaux publics Régions France, contrairement à ce qu'elle soutient, n'a pas été irrégulièrement évincée du marché ; que, sans qu'il soit utile de recourir à l'expertise qu'elle demande, ses conclusions tendant à ce que le département de l'Isère soit condamné à réparer le préjudice né du rejet de son offre doivent être, en conséquence, rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
22. Considérant que la société Bouygues Travaux publics Régions France étant en l'espèce partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Isère une somme à lui verser au titre des frais liés au litige ; qu'il y a lieu de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros à verser au département de l'Isère sur le fondement de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1 : La requête de la société Bouygues Travaux publics Régions France est rejetée.
Article 2 : La société Bouygues Travaux publics Régions France versera au département de l'Isère la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bouygues Travaux publics Régions France et au département de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2018 où siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juillet 2018.
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N° 16LY01629