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26/06/2018 | FRANCE | N°17LY00886

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 26 juin 2018, 17LY00886


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2016 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter du prononcé du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;



3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2016 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter du prononcé du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1601834 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 1er mars 2017, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 28 avril et 27 septembre 2017, Mme C..., représentée par Me Khanifar, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 31 janvier 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet de l'Allier du 8 septembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ont été pris sur une procédure irrégulière, en violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'arrêté est illégal en ce qu'elle remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'alinéa 6 de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'a pu légalement lui opposer l'absence de visa de long séjour, dès lors qu'elle établit résider avec son époux depuis plus de six mois ;

- le préfet lui a refusé un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français sans vérifier si elle rapportait la preuve de la condition de six mois de résidence en France avec son conjoint, antérieurement ou postérieurement au mariage ;

- l'arrêté en litige porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 15 mai 2017, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi signé à Rabat le 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère ;

1. Considérant que Mme C..., ressortissante marocaine née le 23 juin 1980, est entrée en France le 22 juillet 2015 munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour ; qu'elle a, le 16 août 2016, présenté une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle relève appel du jugement du 31 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 8 septembre 2016 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que, si, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...). ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de sa violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. / (...) / Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. " ;

4. Considérant que Mme C...s'est mariée en France le 2 juillet 2016 avec M. A... D..., ressortissant français né le 26 janvier 1961 ; que, pour refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet de l'Allier s'est fondé sur le fait que Mme C... n'établissait pas la réalité de la vie commune avec son époux depuis plus de six mois, comme l'exigent les dispositions précitées de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans la mesure où, contrairement à ce qu'affirme la requérante, l'administration estime insuffisantes, en tant que telles, les six quittances de loyer et le bail qu'elle fournit, il lui appartient de produire devant le juge tout autre élément, comme des factures libellées à son nom et à celui de son époux ou une attestation des propriétaires du bien loué ainsi que la preuve de la propriété, permettant d'établir la réalité de la vie commune ; qu'à cet égard, les attestations de membres de la famille ou de proches sont insuffisantes ; qu'ainsi, la réalité de la vie commune n'étant pas démontrée, le préfet de l'Allier n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant la demande de titre de séjour présentée par Mme C... ; que, dans la mesure où l'intéressée n'établit pas remplir les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur ce fondement, il n'a pas davantage commis d'illégalité en lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le préfet de l'Allier, saisi de la demande de titre de séjour présentée par Mme C..., lui a dûment transmis, le 12 juillet 2016, une liste des pièces à produire et qu'il n'a reçu, comme preuve de la vie commune du couple, qu'une facture d'électricité de juin 2016 établie au seul nom de M. D... ; que, par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Allier aurait pris l'arrêté en litige sans vérifier si elle rapportait la preuve de sa vie commune en France avec son époux pendant une durée de six mois, antérieurement ou postérieurement au mariage ;

6. Considérant, en quatrième et dernier lieu qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

7. Considérant que Mme C..., si elle a un frère en France de nationalité française, n'est pas dépourvue d'attaches au Maroc, où elle a ses parents et ses autres frères et soeurs et où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans ; qu'elle a épousé M. D..., de nationalité française, le 2 juillet 2016 ; que, dans ces conditions, eu égard au caractère récent de son séjour en France et de son mariage, et alors que, comme il a été dit au point 4 ci-dessus, la vie commune avec son époux n'est pas établie, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté du préfet de l'Allier du 8 septembre 2016 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution ;

Sur les frais liés au litige :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... épouse D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2018, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

M. Hervé Drouet, président assesseur,

Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.

Lu en audience publique, le 26 juin 2018.

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N° 17LY00886

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00886
Date de la décision : 26/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : KHANIFAR

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-26;17ly00886 ?
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