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26/06/2018 | FRANCE | N°16LY01802

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 26 juin 2018, 16LY01802


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat professionnel France Hydro Électricité a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir les deux arrêtés du 19 juillet 2013 par lesquels le préfet coordonnateur du bassin Rhône-Méditerranée a établi les deux listes des cours d'eau mentionnées respectivement au 1° et au 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement sur le bassin Rhône-Méditerranée et de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'a

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Par un jugement n° 1307968 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat professionnel France Hydro Électricité a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir les deux arrêtés du 19 juillet 2013 par lesquels le préfet coordonnateur du bassin Rhône-Méditerranée a établi les deux listes des cours d'eau mentionnées respectivement au 1° et au 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement sur le bassin Rhône-Méditerranée et de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1307968 du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mai 2016, le syndicat professionnel France Hydro Électricité, représenté par Me Brunel, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1307968 du 17 mars 2016 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir, à titre principal, en totalité les deux arrêtés du 19 juillet 2013 par lesquels le préfet coordonnateur du bassin Rhône-Méditerranée a établi les deux listes des cours d'eau mentionnées respectivement au 1° et au 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement sur le bassin Rhône-Méditerranée, à titre subsidiaire, partiellement ces deux arrêtés en ce qu'ils portent classement de cours d'eau ne faisant pas l'objet de justifications suffisantes pour fonder leur classement au titre du 1° ou du 2° du I du même article ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en méconnaissance des articles L. 120-1 et D. 120-1 du code de l'environnement, la mise à disposition du public du projet n'a pas été accompagnée d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet ;

- les modalités de consultation n'ont pas été mises en ligne sur le site rhone-mediterranée.eaudefrance.fr, n'ont été que partiellement communiquées au public et l'ensemble du public n'y a pas eu accès ;

- les observations déposées sur le projet de décision n'ont pas été accessibles par voie électronique dans les mêmes conditions que le projet de décision ;

- la synthèse des observations du public n'a pas été rendue publique ;

- les motifs de la décision n'ont pas été rendus publics dans un document séparé ;

- les observations du public dont il a été tenu compte n'ont pas été rendues publiques ;

- le support papier du projet de décision et la note de présentation n'ont pas été présentés sur place, en préfecture ou dans l'une des sous-préfectures des départements concernés ;

- la concertation organisée sur le fondement de l'article R. 214-110 du code de l'environnement a été irrégulière car insuffisante ; en effet,

les invitations à participer à la consultation départementale comportent comme unique document un tableau illisible et n'apportent aucune justification aux classements proposés ;

la concertation, initialement prévue sur plusieurs mois au premier semestre 2010, n'a durée qu'un mois et demi avec une analyse grossière des impacts ;

lors de la consultation départementale dans l'Ain, il a été présenté une carte illisible en séance et les tableaux transmis pour cette consultation ne comportaient aucune justification environnementale ;

lors de la consultation départementale en Haute-Savoie, la carte était peu précise et les tableaux étaient dépourvus de justifications pour la plupart des propositions de classement ou la simple présence de poissons répertoriés à dire d'expert ;

lors de la consultation départementale en Isère, les documents ne contenaient aucune information pertinente, la consultation a porté sur les masses d'eau alors que seuls les cours d'eau sont classés et le délai de consultation a été réduit à deux semaines au lieu des huit mois initialement prévus ;

la contribution des réservoirs biologiques a été justifiée par ce qui était dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux alors qu'aucune justification ne figure dans ce schéma ;

les ressources biologiques ont été justifiées par une étude au cas par cas dont aucun acteur de la concertation n'a eu connaissance ;

concernant le très bon état écologique, l'administration ne fournit aucune expertise ni information qui aurait permis de juger de la pertinence du classement ;

- en méconnaissance de la circulaire du 17 février 2011 du Premier ministre relative à la simplification des normes concernant les entreprises et les collectivités territoriales, qui prescrit de manière impérative aux services déconcentrés la réalisation d'une étude d'impact circonstanciée, une telle étude n'a pas été effectuée ;

- l'étude d'impact est irrégulière en raison du caractère radicalement vicié de sa méthode, dès lors qu'en méconnaissance des articles L. 214-17 et R. 214-10 du code de l'environnement, elle a seulement porté sur les cours d'eau nouvellement classés ;

- l'étude d'impact est irrégulière, dès lors qu'elle est fondée sur la circulaire ministérielle du 15 septembre 2008 qui est illégale en ce que, en méconnaissance des articles L. 214-17 et R. 214-10 du code de l'environnement, elle ne préconise une étude d'impact que sur les cours d'eau nouvellement classés ;

- l'étude d'impact est insuffisante, dès lors que, concernant la liste 1, la valorisation de l'eau comme ressource économique pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource n'ont été que partiellement prises en compte et, que concernant la liste 2, que l'évaluation proposée des coûts d'investissement à 62 millions d'euros du fait des classements en liste 2 est très largement sous-évaluée ;

- l'étude d'impact est insuffisante, dès lors qu'elle n'aborde pas les enjeux liés au changement climatique ; s'agissant des propositions de classement en liste 1, la réalisation de réserves pour répondre aux besoins des populations, des activités (en particulier l'agriculture) et des milieux associés constitue une difficulté future pour répondre à ces enjeux ; s'agissant des propositions de classement en liste 2, elles n'intègrent pas les conséquences des évolutions climatiques sur les espèces avec une régression importante des salmonidés et une prédominance de cyprinidés moins exigeants en matière de continuité ;

- l'étude d'impact est insuffisante, dès lors que ne sont pas abordés en cas d'effacement d'ouvrages l'impact en terme de dynamique d'inondation surtout si l'on cumule les effacements sur un même tronçon, le déchaussement possible d'un certain nombre d'appuis des ouvrages d'art, l'abaissement de la pression piézométrique des nappes souterraines qui conduira à une difficulté de leur alimentation et une nouvelle érosion des berges incompatible avec le développement des activités qui se sont établies au fil du temps ;

- l'étude d'impact est insuffisante, dès lors que les modifications, après la réalisation de l'élude d'impact finalisée le 16 février 2012, des classements proposés n'ont pas fait l'objet d'une nouvelle étude d'impact ; le jugement est irrégulier en ce que les juges de première instance n'ont pas fait usage de leurs pouvoirs d'instruction pour vérifier la valeur de ses arguments sur ce point complétés par les pièces produites ;

- en méconnaissent l'article 14 de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000, les propositions de classement en listes 1 ou 2, lesquelles constituent une actualisation des plans de gestion hydrographique au sens de cette directive, n'ont pas fait l'objet d'une concertation d'une concertation et d'une participation effectives d'au moins six mois ;

- les deux arrêtés en litige méconnaissent l'objectif de gestion équilibrée de la ressource en eau prévu au I de l'article L. 211-1 du code de l'environnement en ce qui concerne la prise en compte de la production d'énergie hydraulique, dès lors que les classements en liste 1, qui portent sur 75 % du potentiel en nouveaux sites, rendent inaccessibles les objectifs de développement de l'hydroélectricité et de faire passer à 23 % la part d'énergies renouvelables dans la production d'énergie en France ;

- les classements en liste 1 méconnaissent les critères de classement du 1° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement ; en effet,

s'agissant des cours d'eau en très bon état écologique, le classement n'est pas conforme à l'arrêté du 25 janvier 2010, dès lors que l'Etat ne disposait pas des données nécessaires pour établir cette qualité de très bon état écologique ;

s'agissant des réservoirs biologiques, ceux-ci on été retenus dans des secteurs dégradés ou non adaptés ; la justification de la désignation de ces réservoirs biologiques dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhône-Méditerranée est insuffisante en ce qu'elle ne précise pas l'ensemble des éléments décrivant le rôle de chacun des réservoirs biologiques (qualité des habitats, de la flore et de la faune, rôle d'ensemencement, liens fonctionnels avec d'autres milieux, zone d'influence à l'échelle d'un bassin versant...) ; le jugement est irrégulier en ce que les juges de première instance n'ont pas fait usage de leurs pouvoirs d'instruction pour vérifier la valeur de ses arguments sur ce point complétés par les pièces produites ;

s'agissant de la protection des poissons migrateurs amphihalins, le périmètre retenu va au-delà des zones d'actions identifiées en base dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux ; ainsi, alors que la zone d'action anguille et alose du plan de gestions de ce schéma directeur (carte 6A-B page 140) se limite à l'aval de Valence, la présence aléatoire de quelques individus en amont n'est pas suffisante pour considérer que les zones identifiées en zone à long terme dans le plan anguille sont redevables d'un protection complète ; la circulaire ministérielle du 17 septembre 2009 a été méconnue ; le jugement est irrégulier en ce que les juges de première instance n'ont pas fait usage de leurs pouvoirs d'instruction pour vérifier la valeur de ses arguments sur ce point complétés par les pièces produites ;

- les classements en liste 2 méconnaissent les critères de classement du 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement ; en effet,

des tronçons de cours d'eau sont classés en liste 2 alors qu'ils ne présentent ni enjeu sédimentaire ni enjeu migrateur ;

des tronçons de cours d'eau sont classés en liste 2 alors qu'ils ne présentent pas d'enjeu migrateur et un enjeu sédimentaire faible ;

des tronçons de cours d'eau sont classés en liste 2 alors que l'enjeu migrateur n'est pas renseigné et que l'enjeu sédimentaire est sans objet ;

- le classement en liste 2 de près de 371 cours d'eau est irréaliste, dès lors que le préfet coordonnateur de bassin reconnaît qu'au mieux 50 % des 2 000 ouvrages concernés pourront se respecter les obligations découlant du classement en liste 2 dans un délai de cinq ans, conformément au III de l'article L. 214-17 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Un mémoire, enregistré le 26 mars 2018 et présenté pour le syndicat professionnel France Hydro Électricité, n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président assesseur,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

1. Considérant que par sa requête susvisée, le syndicat professionnel France Hydro Électricité relève appel du jugement du 17 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux arrêtés du 19 juillet 2013 par lesquels le préfet coordonnateur du bassin Rhône-Méditerranée a établi les deux listes des cours d'eau mentionnées respectivement au 1° et au 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement sur le bassin Rhône-Méditerranée ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de sa requête, le syndicat requérant se borne à reprendre intégralement son argumentation de première instance sans justifier davantage que devant les premiers juges les affirmations non étayées dont il avait assorti ses moyens tirés, d'une part, des prétendues irrégularités qui entacheraient la procédure d'enquête publique préalable à l'adoption des arrêtés contestés et, d'autre part, des erreurs de fait, de droit et d'appréciation dont seraient entachés ces mêmes arrêtés ; qu'il y a lieu, pour la cour, d'écarter ces mêmes moyens, repris en appel, par adoption des motifs retenus par le tribunal qui les a écartés à bon droit ;

3. Considérant, en second lieu, que le préfet fait valoir, sans être sérieusement contredit que la présence de l'anguille est avérée en amont de Valence, ce qui justifie le classement, au titre de la protection des poissons migrateurs amphihalins, des cours d'eau concernés en liste du 1° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement ; que le syndicat requérant, qui ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 17 septembre 2009, dépourvue de caractère impératif, n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient méconnu l'obligation d'épuiser leur pouvoir juridictionnel en s'abstenant à tort de faire usage de leur pouvoirs d'instruction pour vérifier, s'agissant de la protection des poissons migrateurs amphihalins, si le périmètre retenu irait au-delà des zones d'actions identifiées en base dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le syndicat professionnel France Hydro Électricité n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat professionnel France Hydro Électricité est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat professionnel France Hydro Électricité et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet coordonnateur du bassin Rhône-Méditerranée.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2018, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

M. Hervé Drouet, président assesseur,

Mme B...A..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 19 juin 2018.

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N° 16LY01802

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01802
Date de la décision : 26/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-05-05 Eaux. Gestion de la ressource en eau. Schémas directeurs et schémas d'aménagement et de gestion des eaux.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BRUNEL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-26;16ly01802 ?
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