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21/06/2018 | FRANCE | N°16LY00914

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 21 juin 2018, 16LY00914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat intercommunal de collecte des ordures ménagères de la Basse Ardèche (SICTOBA) a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de condamner la société CPGF Horizon Centre-Est à lui verser une indemnité d'un montant de 838 020,13 euros augmentée des intérêts à compter du 2 mars 2012, à titre subsidiaire, de confier à un expert la mission de déterminer les responsabilités et de chiffrer le préjudice, de rejeter les conclusions reconventionnelles présentées par la sociét

CPGF Horizon Centre-Est et de mettre à la charge de cette dernière la somme de 3 0...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat intercommunal de collecte des ordures ménagères de la Basse Ardèche (SICTOBA) a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de condamner la société CPGF Horizon Centre-Est à lui verser une indemnité d'un montant de 838 020,13 euros augmentée des intérêts à compter du 2 mars 2012, à titre subsidiaire, de confier à un expert la mission de déterminer les responsabilités et de chiffrer le préjudice, de rejeter les conclusions reconventionnelles présentées par la société CPGF Horizon Centre-Est et de mettre à la charge de cette dernière la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par le jugement n° 1201509 du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ainsi que les conclusions reconventionnelles de la société Envhydro Consult.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 11 mars 2016 et le 10 juillet 2017, le SICTOBA, ayant pour avocat Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 décembre 2015 ;

2°) de reprendre le chiffrage de l'indemnisation effectuée en première instance ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;

3°) de mettre à la charge de la société CPGF la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le SICTOBA soutient que :

- les études qui ont été confiées à la société CPGF ou Envhydro Consult ne se rattachaient pas au marché conclu en 2004, car elles ne s'inscrivent pas dans le marché initial et n'ont jamais été considérées comme des prestations complémentaires à ce marché ; aucun avenant n'a été conclu pour la réalisation de l'étude litigieuse de dimensionnement des tranchées drainantes car cette étude ne faisait pas partie du " périmètre du marché " ;

- en tout état de cause, si la cour devait considérer que ces études litigieuses se rattachaient au marché conclu en 2004, aucune irrecevabilité ne pourrait lui être opposée puisque la procédure prévue par le CCAG n'a pas été respectée ; le tribunal administratif a omis de répondre sur ce point.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mai 2016, la société Envhydro Consult (EHC) exerçant sous le nom commercial CPGF Horizon Centre-Est, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du SICTOBA ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société EHC fait valoir que :

- les études réalisées en octobre 2007 et janvier 2008 se rattachaient au marché public de réalisation du dossier de demande d'autorisation d'exploitation (DDAE) ; en l'absence d'étude de dimensionnement, ni l'inspecteurE..., ni le BRGM, ni le préfet n'auraient validé le DDAE et l'arrêté d'autorisation d'exploiter n'aurait pas été délivré ; ces études s'inscrivaient également dans le cadre des négociations avec les services de l'État ;

- ces études faisant partie du marché, aucun avenant n'était nécessaire ;

- les stipulations du CCAG PI applicables aux études réalisées par le groupement ne subordonnent pas la validité de la réception au respect du formalisme de la procédure de vérification ; la jurisprudence ne le fait pas davantage ; en outre, le principe de loyauté des relations contractuelles interdit au SICTOBA d'opposer pour la première fois au stade contentieux l'allégation selon laquelle il n'aurait pu procéder à des vérifications ; après la transmission des études, le SICTOBA n'a pas invité la société CPGF à respecter les stipulations du CCAG et il a payé les études en litige, renonçant ainsi à l'application des stipulations invoquées ; enfin, le SICTOBA n'établit pas ne pas avoir eu la possibilité de vérifier les prestations ;

- le jugement est parfaitement motivé et le tribunal administratif n'a pas omis de répondre au moyen tiré de l'absence de réception de l'étude.

Par un mémoire enregistré le 16 juin 2017, la société Suez RV Bioénergies SA, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête du SICTOBA ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter, en tant qu'elle est dirigée contre elle, la demande de la société CPGF tendant " à constater que l'ensemble des intervenants ont commis des fautes de nature à l'exonérer de toute responsabilité " ;

3°) en tout état de cause, si un expert était désigné, de rejeter les demandes du SICTOBA tendant à ce que lui soit confiée la mission de déterminer les responsabilités encourues, de rejeter les demandes de la société CPGF tendant à ce que lui soient confiées les missions de définir les manquements des différents prestataires du SICTOBA et d'évaluer le niveau de responsabilité de chacune des parties et, ce faisant, de donner simplement à l'expert mission de fournir tous éléments techniques et factuels utiles à l'appréciation par les juges des responsabilités des parties et de donner son avis technique et factuel sur ces responsabilités.

La société Suez RV Bioénergies SA soutient que :

- le jugement est suffisamment motivé et répond explicitement sur la procédure de vérification des prestations et de réception ;

- les études litigieuses, en ce qu'elles portaient sur le dimensionnement des tranchées drainantes, participaient donc à la réalisation du DDAE, objet du marché conclu en 2004 ;

- le SICTOBA se méprend sur la portée des stipulations de l'article 32 du CCAG PI ; c'est la présentation des prestations qui, seule, déclenche les vérifications et, par là même, le délai de deux mois imparti à la personne publique pour se prononcer sur la réception ; le raisonnement du SICTOBA est critiquable en ce qu'il fait dépendre la réception tacite de la réalisation effective des vérifications et donc de la seule décision de la personne publique de vérifier ou non les prestations présentées ; le SICTOBA a réglé les prestations et ne saurait de bonne foi se prévaloir pour la première fois au contentieux de ce que les opérations de vérification n'auraient pas été menées ;

- à titre subsidiaire, aucune faute dans l'exécution de ce marché n'a été caractérisée en l'espèce par le SICTOBA ; si la cour considérait que c'est à bon droit que le SICTOBA a entendu rechercher la responsabilité contractuelle sur la base des études ayant suivi l'exécution du marché de 2004, sa responsabilité ne pourrait être engagée puisque les études ne lui ont pas été commandées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles approuvé par le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gondouin, rapporteur ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- les observations de MeC..., représentant le SICTOBA, de Me D... représentant la société Envhydro Consult et de Me B... représentant la société Suez RV Bioénergies SA ;

1. Considérant que le SICTOBA exploite à Grospierre (Ardèche) un centre de stockage de déchets non dangereux ; que, pour la réalisation du dossier de demande d'autorisation d'exploiter un cinquième casier, il a conclu en 2004 un marché avec un groupement solidaire formé de la société Saunier Environnement, aux droits de laquelle est venue la Sarl Envhydro Consult, opérant sous le nom commercial de CPGF Horizon Centre-Est, et de la société Fairtec, dénommée depuis lors SITA Bioénergie ; que des versions successives du dossier d'autorisation d'exploiter ont été déposées le 16 mai 2006, le 20 mars 2007 et au mois d'août 2007 ; qu'à la suite des observations formulées par l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement (IICPE) sur la dernière version de ce document, le SICTOBA a commandé à la SARL Envhydro Consult une étude sur le dimensionnement de tranchées drainantes pouvant être aménagées dans l'angle sud est du futur casier, afin d'assurer en période de hautes eaux le confinement hydrogéologique de cette zone du casier ; que la SARL Envhydro Consult a produit une première version de cette étude en octobre 2007 puis, à la suite de l'avis rendu le 18 décembre 2007 par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), une deuxième version le 30 janvier 2008 ; que, le 24 octobre 2008, le préfet de l'Ardèche a délivré l'autorisation d'exploiter le cinquième casier ; que cette autorisation était subordonnée notamment à la création de tranchées drainantes dont le dimensionnement final devait faire l'objet d'une étude spécifique de détail d'exécution réalisée préalablement à la phase de réalisation des travaux ;

2. Considérant que le SICTOBA a ensuite conclu un marché de maîtrise d'oeuvre pour la création du nouveau casier avec la société BURGEAP et un marché de travaux avec le groupement composé des sociétés Buesa, Rivasi et Bec ; que, lorsque les travaux ont débuté au début de l'année 2009, il est apparu que la réalisation des tranchées à l'aide d'une trancheuse était impossible du fait de la dureté des roches rencontrées ; que les travaux ont alors pris du retard ; que des études complémentaires, initialement menées par la SARL Envhydro Consult, ont ensuite été confiées au cabinet ANTEA ; que les études de ce cabinet, validées par le BRGM, ont préconisé le recours à d'autres dispositifs techniques pour assurer le confinement hydrogéologique des déchets stockés dans le nouveau casier ; que les préconisations de l'autorisation d'exploiter ont été amendées sur ce point par un arrêté préfectoral du 14 mars 2011 ; qu'en mars 2012, le SICTOBA a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de condamner la société CPGF Horizon Centre-Est à lui verser une indemnité d'un montant de 838 020,13 euros augmenté des intérêts à compter du 2 mars 2012 ; que le tribunal administratif a rejeté sa demande par un jugement du 31 décembre 2015, dont elle relève appel ;

3. Considérant que l'article 1er du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) applicable au marché passé entre le SICTOBA et le groupement Saunier Environnement et Fairtec en 2004 prévoit que la prestation confiée à ce groupement comprend " l'établissement du dossier de demande d'autorisation d'exploiter un nouveau casier de stockage des déchets " ; qu'en vertu de l'article 3 de ce CCTP, pour l'établissement de ce dossier, le titulaire fournira l'ensemble des pièces et documents nécessaires, intégrera dans cette mission les réunions de concertation et de travail nécessaires avec le SICTOBA et les administrations concernées, " assistera le SICTOBA lors de l'ensemble des négociations avec les services de l'État et devra prendre en compte les remarques et exigences formulées avant de faire valider la solution technique retenue à l'IICPE " ; que l'étude réalisée entre 2007 et 2008 par la société Envhydro Consult à laquelle a été jointe une note technique rédigée par la société Fairtec, après prise en compte des remarques et exigences formulées par le BRGM, antérieurement à l'édiction, le 24 octobre 2008, par le préfet de l'Ardèche de l'arrêté autorisant l'exploitation du casier n° 5 du centre de déchets, entrait dans le champ de cette prestation ; que, dans ces conditions, et comme l'ont jugé les premiers juges, l'étude remise en janvier 2008 par la société Envhydro Consult a été réalisée au titre du marché d'études conclu en 2004 avec le SICTOBA ;

4. Considérant que, si l'exécution de l'obligation du débiteur d'une prestation d'étude prend normalement fin avec la remise de son rapport et le règlement par le maître d'ouvrage du prix convenu, sa responsabilité reste cependant engagée, en l'absence de toute disposition ou stipulation particulière applicable à ce contrat, à raison des erreurs ou des carences résultant d'un manquement aux diligences normales attendues d'un professionnel pour la mission qui lui était confiée, sous réserve des cas où, ces insuffisances étant manifestes, la personne publique aurait, en payant la prestation, nécessairement renoncé à se prévaloir des fautes commises ;

5. Considérant que le SICTOBA n'établit pas que la société Envhydro Consult a commis des erreurs ou des carences dans le cadre du marché qui lui était confié ; que comme il a été décrit précédemment aux points 1 et 2, le dossier de demande d'autorisation a été établi selon une méthode itérative qui a fait intervenir aussi bien l'IICPE que le BRGM bien avant le dépôt du dossier auprès de l'autorité préfectorale ; que la seule circonstance que le cabinet ANTEA ait, une fois les travaux commencés, proposé que d'autres solutions techniques que celles préconisées par la société Envhydro Consult soient retenues pour assurer le confinement hydrogéologique des déchets stockés dans le nouveau casier ne permet pas de conclure que cette société a manqué aux diligences normales attendues d'un professionnel pour la mission qui lui était confiée ; que, dès lors, le SICTOBA n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité contractuelle de la SARL Envhydro Consult est engagée à raison des manquements qu'elle pourrait avoir commis dans la réalisation de ses prestations, qui consistaient à établir un dossier de demande d'autorisation au titre des exploitations classées pour la protection de l'environnement ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SICTOBA n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les frais de justice :

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter l'ensemble des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat intercommunal de collecte des ordures ménagères de la Basse Ardèche est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat intercommunal de collecte des ordures ménagères de la Basse Ardèche ainsi qu'aux sociétés Envhydro Consult et Suez RV Bioénergies SA.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2018 où siégeaient :

M. Jean-Louis d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juin 2018.

5

N° 16LY00914


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00914
Date de la décision : 21/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Genevieve GONDOUIN
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SELARL ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-21;16ly00914 ?
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