Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'association Les amis de Megève et de Demi-Quartier et le préfet de la Haute-Savoie ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2013 par lequel le maire de Megève a délivré à M. C... un permis de construire pour édifier un chalet à usage d'habitation individuelle d'une surface de 347,98 m², au lieu-dit Dessous le Calvaire.
Par un jugement n° 1400670-1403081 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce permis de construire.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 10 novembre 2016, M. D...C..., représenté par la SELARL ArnaudA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2016 ;
2°) de rejeter la demande de l'association Les amis de Megève et de Demi-Quartier et le déféré du préfet de la Haute-Savoie ;
3°) de mettre à la charge de l'association Les amis de Megève et de Demi-Quartier et de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, le rapporteur public ayant fait état de constatations opérées à partir d'une consultation d'un site Internet, qui n'a pas fait l'objet d'un débat contradictoire ;
- la demande de l'association Les amis de Megève et de Demi-Quartier était irrecevable, dès lors que son président, qui la représentait, n'avait pas été autorisé à ester en justice par le conseil d'administration, le document produit par l'association n'étant pas probant ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu comme fondés les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et de l'article UC 11 du règlement du plan d'occupation des sols (POS), le chalet, de style traditionnel, n'étant pas dans le cône de vue du secteur du Calvaire et étant en contrebas de ce dernier ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu comme fondé le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet, dont les alentours sont fortement urbanisés, ne porte pas atteinte au milieu montagnard caractéristique ;
Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2017, l'association Les amis de Megève et de Demi-Quartier, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le président de l'association avait été autorisée à ester en justice par délibération du conseil d'administration du 31 mars 2016 ;
- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le permis méconnaît les dispositions des articles L. 145-3 et R. 111-21 du code de l'urbanisme ainsi que celles de l'article UC 11 du règlement du POS ;
- le signataire de l'avis donné au nom de l'architecte des bâtiments de France était incompétent pour rendre un avis sur un projet situé en Haute-Savoie ;
- l'avis de l'architecte des bâtiments de France était irrégulier comme ayant été donné à la vue d'un dossier de demande lacunaire et erroné et comme étant par ailleurs incohérent ;
- le dossier de demande de permis de construire était irrégulier, faute de permettre d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement, au regard notamment des monuments protégés situés à proximité ;
- le dossier de demande de permis de construire était incomplet, faute de comporter le plan de masse prévu à l'article R.* 431-9 du code de l'urbanisme et le document graphique permettant d'apprécier correctement l'insertion du projet par rapport aux constructions avoisinantes ;
- le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article UC 3 du règlement du POS, l'accès au terrain étant étroit et dangereux ;
- ce permis méconnaît les dispositions de l'article UC 4 du règlement du POS, le dispositif d'évacuation des eaux pluviales ne respectant pas les prescriptions de cet article ;
- il méconnaît les dispositions de l'article UC 7 du règlement du POS, l'espace de stationnement, dont la réalisation nécessite des travaux de remblaiement, ne respectant pas la distance de recul de 5 m par rapport à la limite séparative ;
- il méconnaît la règle de hauteur fixée à l'article UC 10 du règlement du POS ;
- il méconnaît l'article UC 11 du règlement du POS en ce qu'il autorise des matériaux d'une couleur différente à celle imposée ;
- il méconnaît l'article UC 12 du règlement du POS, en ce qu'il ne permet pas de réaliser des places de stationnement en nombre suffisant.
- le classement en zone UC constructible du terrain d'assiette du projet par le POS est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 31 octobre 2017, le préfet de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que c'est à bon droit que le tribunal a retenu comme fondés les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 145-3 et R. 111-21 du code de l'urbanisme ainsi que celles de l'article UC 11 du règlement du POS.
La clôture de l'instruction a été fixée au 30 janvier 2018 par une ordonnance du même jour.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour M. C... ;
1. Considérant que M. C... a déposé en juin 2013 une demande de permis de construire pour édifier un chalet d'habitation individuelle d'une surface de plancher de 348 m² à Megève ; que, par arrêté du 13 décembre 2013, le maire de Megève a délivré le permis sollicité ; que, par jugement du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce permis, à la demande du préfet de la Haute-Savoie et de l'association Les amis de Megève et de Demi-Quartier ; que M. C... relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que la circonstance que le rapporteur public aurait fait état, dans ses conclusions lors de l'audience du 16 juin 2016, d'éléments de fait dont il aurait eu connaissance par consultation de sites Internet est, par elle-même sans incidence sur la régularité du jugement attaqué, alors, par ailleurs, qu'il ne ressort pas de ce jugement que les premiers juges se seraient fondés sur des éléments non soumis au débat contradictoire pour annuler le permis de construire en litige ;
Sur la recevabilité de la demande de l'association Les amis de Megève et de Demi-Quartier :
3. Considérant qu'en vertu de l'article 15 des statuts de l'association, le conseil d'administration autorise son président à ester en justice ; que l'intimée a produit en première instance le compte-rendu de la délibération du 31 mars 2016 du conseil d'administration de l'association ayant autorisé son président à agir dans le cadre de la contestation du permis de construire en litige ; que M. C... ne produit aucun élément qui permettrait d'établir qu'aucune délibération en ce sens n'aurait été prise, comme il l'allègue ; que, par suite, la fin de non-recevoir selon laquelle le président de l'association Les amis de Megève et de Demi-Quartier n'aurait pas été régulièrement habilité pour agir dans l'instance doit être écartée ;
Sur le bien-fondé les moyens d'annulation retenu par les premiers juges :
4. Considérant que, pour annuler le permis de construire en litige, le tribunal administratif de Grenoble a retenu les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme et de l'article UC 11 du règlement du plan d'occupation des sols (POS) de la commune de Megève ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " ; qu'aux termes de l'article UC 11 du règlement du POS : " En aucun cas, les constructions, installations et divers modes d'utilisation du sol ne doivent par leurs dimensions, leur situation ou leur aspect extérieur, porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi (...) qu'aux perspectives monumentales. " ; que les dispositions de cet article UC 11 ont le même objet que celles de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, alors en vigueur, et posent des exigences qui ne sont pas moindres ; que, dès lors, la légalité du permis de construire en litige doit être appréciée en opérant un plein contrôle de l'atteinte portée par le projet de construction au caractère et à l'intérêt de son environnement ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de construction se situe au lieu-dit Dessous le Calvaire, dans le périmètre de protection de la maison construite par l'architecte Henry Jacques Le Même et du Calvaire, inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ; que ce projet se trouve à moins d'une centaine de mètres de la plus basse des chapelles du Calvaire, ensemble constitué d'une quinzaine de chapelles et oratoires de styles architecturaux divers et richement décorés figurant les stations d'un chemin de croix et s'étendant sur près de 6 ha ; que ce site, qui constitue un des rares exemples en France de Mont sacré, a été aménagé entre 1840 et 1878 et constitue un important lieu de promenade le long d'un sentier menant au sommet de la colline et qui offre de larges vues sur la haute vallée de l'Arly et le massif du Mont-Blanc ; qu'il constitue ainsi un site culturel et paysager remarquable ;
7. Considérant que le permis en litige autorise la construction d'un chalet d'une taille imposante, d'une surface de plancher de 348 m² et d'une hauteur d'environ 9 m, sur une parcelle située à flanc de colline, immédiatement en contrebas de la chapelle la plus basse du site ; que le terrain d'assiette du projet, qui est à l'état de prairie en harmonie avec le cadre champêtre des lieux, n'est séparé du site du Calvaire par aucune construction et se trouve le long du chemin aménagé par la commune de Megève pour rejoindre ce site depuis le centre-ville ; que, dans ces conditions, et alors même que le projet ne serait que faiblement visible depuis les différentes constructions du site du Calvaire du fait de la pente du terrain, que l'architecte des bâtiments de France a émis un avis favorable au projet et que son architecture respecte celle des constructions traditionnelles savoyardes, le projet, par sa localisation et son importance, porte au caractère des lieux avoisinants une atteinte qui, ainsi que l'a jugé le tribunal, méconnaît les dispositions de l'article UC 11 du règlement du POS ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " II. - Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard. " ;
9. Considérant que si le site du Calvaire présente, ainsi qu'il a été dit au point 6, un intérêt patrimonial, ce site et la colline sur lequel il est bâti, qui est entourée d'une zone urbanisée, ne peuvent être regardés comme caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard au sens et pour l'application des dispositions citées au point 8 ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler le permis de construire en litige, les premiers juges ont également retenu comme fondé le moyen selon lequel le projet méconnaît ces dispositions ;
10. Considérant ainsi que, parmi les motifs d'annulation retenus par le jugement attaqué, seul celui selon lequel le projet méconnaît ces dispositions de l'article UC 11 du règlement du POS est fondé ; que ce seul motif suffit toutefois à justifier l'annulation du permis de construire en litige ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du maire de Megève du 13 décembre 2013 ;
Sur les frais liés au litige :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que M. C... demande au titre des frais qu'il a exposés soient mises à la charge de l'association Les amis de Megève et de Demi-Quartier et de l'Etat, qui ne sont pas parties perdantes ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. C... le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'association Les amis de Megève et de Demi-Quartier ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera à l'association Les amis de Megève et de Demi-Quartier la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre de la cohésion des territoires et à l'association Les amis de Megève de Demi-Quartier.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et à la commune de Megève.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juin 2018.
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N° 16LY03750
mg