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14/06/2018 | FRANCE | N°17LY03808

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 14 juin 2018, 17LY03808


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 août 2017 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé son transfert vers l'Allemagne et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours avec obligation de présentation à l'hôtel de police deux fois par semaine.

Par un jugement n° 1705601 du 6 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.<

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Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 novembre 2017, Mme B..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 août 2017 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé son transfert vers l'Allemagne et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours avec obligation de présentation à l'hôtel de police deux fois par semaine.

Par un jugement n° 1705601 du 6 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 novembre 2017, Mme B..., représentée par Me Djinderedjan, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 octobre 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés susmentionnés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de l'autoriser à déposer une demande de titre de séjour " vie privée et familiale " et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

Elle soutient que :

- l'arrêté de transfert méconnaît l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 et l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet aurait dû faire usage de la clause dérogatoire prévue par l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'assignation à résidence méconnaît l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- elle ne peut se déplacer et ne peut donc se rendre deux fois par semaine à l'hôtel de police.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Savouré, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante du Kosovo, née le 25 octobre 1967, déclare être entrée en France le 7 avril 2017. Elle a présenté une demande d'asile le 22 mai 2017. Par arrêté du 3 août 2017, le préfet de la Haute-Savoie a prononcé à son encontre un arrêté de transfert vers l'Allemagne. Par arrêté du même jour, il l'a également assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours avec obligation de présentation à l'hôtel de police deux fois par semaine. Mme B... interjette appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur l'arrêté portant transfert vers l'Allemagne :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment (...) c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 ". Aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de non-admission en France, de maintien en zone d'attente, de placement en rétention, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non-admission, de maintien, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu à l'article L. 611-1-1. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français. ".

3. Le compte rendu d'entretien mentionné par le c) de l'article 4 précité, qui a été signé par Mme B..., mentionne par erreur le prénom de son mari au lieu du sien. Toutefois, contrairement à ce qu'elle soutient, cette simple erreur de plume ne fait pas obstacle à ce que ce document lui soit opposable.

4. En deuxième lieu, les conditions de notification d'une décision administrative étant sans incidence sur sa légalité, le moyen tiré de ce que la décision en litige n'aurait pas été notifiée selon les modalités prévues par l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant.

5. En troisième lieu, la faculté laissée à chaque État membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile.

6. Mme B... fait valoir qu'elle souffre d'une grave maladie qui doit être soignée dans le cadre d'une chimiothérapie. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce traitement serait indisponible en Allemagne. Si elle produit un certificat médical mentionnant que la fatigue induite par sa pathologie l'empêche de se déplacer et que son état de santé ne lui permet pas de s'éloigner de son domicile, ce certificat dépourvu de précisions circonstanciées n'est pas, à lui seul, suffisamment probant pour permettre de regarder le préfet de la Haute-Savoie comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en la transférant vers l'Allemagne. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur l'arrêté portant assignation à résidence :

7. En premier lieu, aux termes du 4 de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " Les États membres peuvent prévoir que les autorités compétentes peuvent décider d'office de suspendre l'exécution de la décision de transfert en attendant l'issue du recours ou de la demande de révision. (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi. "

8. Mme B... fait valoir que l'arrêté portant assignation à résidence est motivé par le fait qu'elle a fait l'objet d'un arrêté de transfert " exécutoire ". Toutefois, il ne saurait être déduit de cette seule mention que le préfet ait entendu considérer qu'à la date de l'arrêté portant transfert vers l'Allemagne, il était en droit de l'exécuter sans attendre l'expiration des délais mentionnés par les dispositions précitées. Ainsi, Mme B... n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit.

9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été mentionnés au point 6, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en lui imposant de se présenter deux fois par semaine à l'hôtel de police, le préfet de la Haute-Savoie aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 juin 2018.

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N° 17LY03808


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03808
Date de la décision : 14/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : DJINDEREDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-14;17ly03808 ?
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